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Bon, et comment on l’utilise, Mauro Icardi ?
Prêté un an au PSG, Mauro Icardi pourrait effectuer ses premiers pas au Parc ce week-end contre Strasbourg, quatre jours avant la réception du Real Madrid en Ligue des champions. Si l'on sait quel tueur Tuchel récupère, une question demeure : et maintenant, on en fait quoi ?
Avant de juger le fils, il faut écouter le père, Juan, un type qui aime affirmer « manger la tête du poisson et le cul du poulet » et qui se plaît à décrire son gosse ainsi : « Mauro n’est ni un citoyen du monde ni un Viking, c’est un Indien. » La raison ? « Il a toujours fait ce qu’il voulait, soufflait il y a quelques années à So Foot celui qui vit aujourd’hui à Rosario, ville de naissance de Mauro Icardi, qui a aussi vu éclore des gars comme Marcelo Bielsa, Gabriel Heinze, Lionel Messi, Ángel Di María ou Che Guevara, rien que ça. C’est devenu un Indien qui chasse, pêche et joue au foot. Lorsqu’il était au Barça, il m’avait envoyé une photo, un jour, d’un énorme pigeon tout déplumé. Je lui avais demandé ce qu’il allait en faire. Il m’avait dit : « Comment ça ? Bah je vais le griller ! » Il s’était mis à faire un feu pour le cuire près du terrain d’entraînement situé derrière le Camp Nou. Un arbre a pris feu et la sécurité était arrivée pour éviter qu’il incendie le stade. » Oui, Mauro est un sauvage. À tous les niveaux. N’oublions pas qu’on parle d’un mec qui résume le bonheur à « un steak grillé » et qui, à 20 ans, convertissait chaque but inscrit en bagnole achetée. C’est aussi ce qui rend l’Argentin, qui se rêve en héritier de Batistuta depuis le premier jour, difficile à cadrer. Mais ça, Icardi s’en cogne pas mal. Pour une raison et une seule : Icardi se fiche de ce que l’on pense de lui, de ce que l’on écrit sur ses histoires de cœur et n’a même jamais vu le foot comme un objet de passion. « J’adore y jouer, mais c’est tout. » Vraiment ? « Oui, les matchs, je ne les regarde jamais, et je ne sais rien de ce qui se passe dans le monde du foot. J’ai toujours été comme ça depuis tout petit. Chez les jeunes du Barça, je vivais à l’intérieur du Camp Nou, les chambres étaient quasiment derrière les buts. Les jours de match, je restais dans ma chambre à regarder des films… » Un Indien, disait le père.
Créateur de châteaux de buts
Partant, prenons Mauro Icardi comme Mimi-Siku et regardons surtout le joueur que le PSG vient de récupérer : un tueur au sang-froid, qui ne jure que par le but et n’hésite pas à en mettre partout si l’occasion le demande. Pour les chiffres, voilà ce que ça donne : depuis l’été 2012, 250 matchs joués toutes compétitions confondues, 134 buts, 32 passes décisives, soit une implication directe sur 166 buts (0,66 b/match sur la période, donc). Monstrueux, surtout lorsqu’on sait qu’à l’Inter, Icardi a principalement évolué à la pointe d’un onze à la peine, où son rôle a toujours été défini : être une menace permanente, en bout de chaîne, peu importe comment. Point. Avec lui, l’histoire se résume ainsi au combien, son nombre de buts étant le reflet principal de ses performances. Parce qu’avec Mauro Icardi, on parle avant tout d’un joueur de surface, plus complet qu’Inzaghi, et pas d’un mec capable de mener le jeu et de péter des lignes à lui tout seul. C’est autre chose : une science du mouvement, une lecture du jeu brillante, une lourde frappe, un jeu de tête efficace… Ce qui impose d’être nourri, à grosse dose si possible, même si Icardi a prouvé à Milan qu’il était capable de créer des châteaux de buts avec une poignée de sable. Plusieurs de ses matchs le prouvent et peuvent être utilisés en modèle de démonstration : le SPAL-Inter d’octobre 2018, le Lazio-Inter du même mois, son match absolu réussi face à la Sampdoria sept mois plus tôt où il avait inscrit un quadruplé, son derby délicieux face à l’AC Milan d’octobre 2017…
Jouer avec Icardi, c’est sacrifier l’unité
C’est justement ça que le PSG est venu chercher avec lui : un renard moderne, un mec capable de claquer régulièrement et de venir, si possible, remplacer à terme Edinson Cavani, dont le physique grince de plus en plus. Mauro Icardi sera utile en Ligue des champions, mais le sera surtout en Ligue 1, où Thomas Tuchel est souvent confronté au casse-tête des blocs bas et à la nécessité de trouver des espaces dans le dernier tiers adverse. Parfait, c’est là que sa nouvelle gâchette se régale et qu’elle s’est taillée sa réputation d’assassin des 16 mètres, de type capable de « chercher la balle où ce n’est pas vrai » (Skoblar) et d’abattre froidement, peu importe la manière. En ça, l’Italie est sans doute la meilleure école – Cavani le sait – et c’est là-bas qu’Icardi a développé ce qu’expliquait parfaitement David Trezeguet il y a quelques années : « L’Italie, c’est le pays des stats. Si un joueur veut réussir là-bas, il doit forcément s’y intéresser et tenter d’améliorer ses pourcentages semaine après semaine. Moi, mon objectif était clair : il fallait que je marque le plus de buts possible. » Mauro Icardi est plus adapté au foot moderne que Trezeguet ou Berbatov, que Ferguson balançait souvent sur le banc à Manchester United une fois que la Coupe d’Europe arrivait à l’horizon. Mais l’Argentin a un amour en commun avec l’ancien buteur tricolore : les chiffres.
Et alors ? Le PSG a déjà Edinson Cavani, alors pourquoi se rajouter une cartouche comme Icardi dans le barillet ? Parce qu’avec Icardi, Tuchel étend son banc, déjà, mais va surtout pouvoir étendre sa gamme tactique, l’ancien attaquant de la Sampdoria offrant de nouveaux circuits possibles. Seul souci : si Cavani évolue avec Suárez en équipe nationale, il semble presque difficile de l’imaginer évoluer aux côtés de Mauro Icardi, qui préfère évoluer seul en pointe et trouverait alors sa place à la tête d’un 4-3-3 ou d’un 4-3-1-2 avec un Neymar en 10 et un Mbappé tournant autour pour l’alimenter. Dans ce rôle, le joueur prêté par l’Inter pourrait aussi se muer en point d’appui – ce qu’est moins Cavani –, mais pourrait également se transformer en handicap. Car avec Icardi, Tuchel va devoir accepter de diviser les tâches et de mettre de côté, sur certaines séquences, son intransigeance pour le bloc équipe et l’unité, le bonhomme n’étant pas un roi du repli, bien au contraire. Aligner Mauro Icardi, c’est alors se soumettre à l’éventualité d’une équipe coupée en deux et ouvrir des espaces à l’adversaire sur les transitions défensives. Cette stratégie pourrait fonctionner en Ligue 1, beaucoup moins en Ligue des champions, la dernière édition – avec Liverpool et l’Ajax – mettant à l’honneur les onze travailleurs et imbibés au sacrifice et à l’unité collective. Thomas Tuchel sait le problème auquel il va faire face, mais a également connaissance de l’immense carte qu’il tient désormais dans sa poche afin d’affiner pour de bon sa philosophie. Mauro Icardi ne vient pas remplacer Edinson Cavani, il vient compléter la gamme de tueurs de Tuchel. Voilà l’Allemand avec deux killers, mais surtout avec deux apaches à faire cohabiter sans pour autant les marier. À moins que ? Réponse très vite. Dans tous les cas, on connaît la musique : Mauro a toujours fait ce qu’il voulait.
Par Maxime Brigand