- Les restes du monde – Japon
Bon anniversaire la J.League
Créée en 1992, inaugurée l’année suivante, la J. League japonaise en est à sa vingtième saison. L’occasion est bonne de revenir sur l’histoire d’un championnat parvenu à se stabiliser et à gagner en maturité. Après tout c’est normal, 20 ans c’est l’âge de la majorité au pays du soleil levant.
De la Japan Soccer League à la J. League
Le premier championnat structuré de foot au Japon est né en 1965 sous l’appellation de Japan Soccer League. Il n’y a, au départ, que huit clubs, propriétés de géants de l’économie locale : Mitsubishi, Hitachi, Toyota… Les joueurs sont amateurs et bossent à l’usine. C’est encore la préhistoire pour ce sport qui arrive à l’époque loin derrière le très populaire baseball. Saison après saison, pourtant, la JSL se structure et finit par se faire une place dans le paysage sportif local. Mais, alors que la Corée du Sud voisine crée dès 1983 la K. League, le championnat national professionnel, il faut attendre dix ans encore pour que naisse son équivalent nippon. En 1992, après deux ans de maturation, la naissance de la J. League est enfin actée, avec deux principes majeurs : la professionnalisation et une plus grande indépendance des clubs vis-à-vis du monde de l’entreprise. C’est ainsi que Mitsubishi devient Urawa Red Diamonds, Hitachi, Kashiwa Reysol, Nissan, Yokohama Marinos, etc. Le match inaugural a lieu le 15 mai 1993 et voit s’affronter Verdy Kawasaki, qui terminera premier champion en fin de saison, et Yokohama Marinos (1-2).
L’euphorie de la nouveauté… puis la chute
Toujours partants dès qu’il s’agit de tester des nouveaux trucs, les Japonais se passionnent rapidement pour cette nouvelle ligue pro, qui draine 18 000 spectateurs de moyenne dès la première saison. Il faut dire que le paquet a été mis pour plaire au plus grand nombre, avec la venue de joueurs étrangers, d’Amérique du Sud majoritairement. L’ancien joueur de l’AS Monaco et international argentin Ramón Díaz devient ainsi le premier meilleur buteur de l’histoire de la J. League. Encouragées par ce succès inaugural, les instances font grossir leur « chose » : de 10 clubs en 1993, le championnat passe à 12 l’année suivante, puis 14, 16 et même 18 en 1998. Une croissance aussi fulgurante n’est pas sans conséquence sur le niveau général pratiqué, qui baisse. Autre problème : le pays est touché par une crise économique lors de ces mêmes années. Or, les finances des clubs restent encore très majoritairement dépendantes du sponsoring. Beaucoup de joueurs étrangers et d’entraîneurs quittent l’ancien eldorado. Finie l’époque des Arsène Wenger, Basile Boli, Gary Lineker, Ivan Hašek, Michael Laudrup, Toto Schillaci… Résultat, les affluences sont divisées par deux dès 1996.
Une reconstruction vers des bases solides
Au tournant des années 2000, les responsables de la J. League et les dirigeants des clubs décident de remettre un peu d’ordre. En 1999, le championnat repasse de 18 à 16 clubs et une deuxième division professionnelle est créée. Cette réorganisation permet d’offrir une part supplémentaire d’enjeu, grâce aux promotions/relégations. Le règlement se standardise également, suivant celui des grands championnats européens. Autre chose : le paquet est mis désormais sur la participation des clubs de haut de tableau à la Ligue des champions d’Asie, pour faire connaître le football japonais en dehors du territoire. Surtout, un effort particulier est fait pour encourager la formation des jeunes. Des centres de formations régionaux sont créés, dont peuvent profiter les clubs. L’organisation de la Coupe du monde 2002 a aussi permis de confirmer la place du football comme sport majeur au pays (toujours devancé par le baseball, mais devant le sumo, le golf, la boxe et les sports mécaniques).
Quel avenir pour la J. League ?
Les premiers bénéfices du vaste projet à long terme de développement du football, entrepris il y a une grosse décennie, n’ont pas tardé pas à se voir. Le championnat a gagné en homogénéité (8 champions différents en 19 saisons, dont deux nouveaux ces deux dernières années), le football pratiqué s’est amélioré, deux C1 asiatiques ont été remportées récemment (par Gamba Ōsaka en 2008 et Urawa Red Diamonds en 2007). Autre motif de satisfaction, les joueurs et techniciens locaux se sont émancipés. Un quota de joueurs étrangers – Brésiliens majoritairement – a été mis en place pour encourager le phénomène. L’équipe nationale en profite, de même que les clubs européens, qui récupèrent des joueurs nippons excellemment formés et mieux adaptés au football européen que par le passé (Kagawa, Nagatomo, Hushida, Morimoto, Okazaki…). En 20 ans d’existence, la J. League a su apprendre de ses erreurs et exister en propre. Désormais installée sur des bases solides, elle doit néanmoins continuer à progresser, d’autant plus que la concurrence est désormais rude dans la zone Asie, avec l’argent des championnats du Moyen-Orient et plus récemment de Chine, ainsi que le raccordement de l’A. League australienne à cette zone Asie. Preuve de cette nouvelle donne : sur les trois dernières éditions de la C1 asiatique, un seul club japonais a atteint les quarts de finale.
Par Régis Delanoë