Boghossian, l’autre

Il y a Alain, le Français. Caution fédérale (encombrante) dans les pattes de Raymond Domenech. Clown sans nez rouge avec la délicate mission d’amuser la crème du foot français pendant les rassemblements de l’Equipe de France et de fêter les buts avec les joueurs sur le bord de la touche. Et il y a l’autre, l’Uruguayen.

Même origine arménienne, même carrière longue à démarrer. A 22 ans, El Flaco jouait encore dans des clubs mineurs de son pays. Jusqu’à scorer sévère en Liguilla Libertadores début 2009. C’est là que Gustavo Dezotti, DT de Newell’s, a repéré le grand machin. Bien vu : six mois plus tard, Joaquin Boghossian -c’est son nom- est l’une des révélations du Tournoi Ouverture en Argentine. Son doublé contre River le week-end dernier l’a même propulsé au sommet de la hype. Grâce à lui, Newell’s est premier ex-æquo avec Banfield.

Il a débarqué gratos à la fin de son contrat à Cerro Montevideo, téléguidé comme 90% des Uruguayens par le parrain Paco Casal, grand manitou des droits TV et proprio du plus gros portefeuille de joueurs sud-américains. Sa botte secrète tient dans un grand thermos qu’il ramène jusque sur le terrain d’entraînement : « Le maté ! Quand je commence à en boire, je ne peux plus m’arrêter. Enfin j’évite quand la nuit tombe. Si j’en avale encore deux ou trois tasses, je suis tellement excité que je me mets à courir dans tous les sens comme un poulet sans tête » .

Pas vraiment titulaire en début de saison, “Bogho” s’est glissé dans les compos du director tecnico Roberto Sensini. Aussi long (1,95 m) que Peter Crouch mais nettement plus adroit, Boghossian a fait vivre un cauchemar au défenseur millionario Gustavo Cabral : « Il m’a tué ! Il est si grand que je n’ai pas réussi à le tenir au marquage sur le premier but. Sur le second, j’étais bien présent au duel mais il m’a dominé, tout simplement » . Fusillé plutôt : après son but, il a posé un genou à terre face au public, placé ses mains de part et d’autre de sa tête et mimé des coups de fusil. Un pour chaque but inscrit depuis le début du Tournoi Ouverture : « Ça remonte à une partie de chasse avec des potes. Avec mon fusil, je visais un canard mais je n’ai pas été capable de l’atteindre une seule fois. Ce jour-là, j’ai promis que je fêterais mes buts comme ça » .

S’il dégomme encore quelques gallinacées d’ici la fin de saison, les Lépreux de Newell’s peuvent rêver à leur premier titre depuis 2004. « Les gens de Rosario sont si passionnés que je ne peux plus foutre un pied dans la rue. Mais c’est super, je n’ai pas envie de tempérer la folie des supporters, au contraire, il faut que ça aille crescendo, s’excite Boghossian. Ce public mérite d’être champion car il nous encourage toujours jusqu’à la dernière seconde. Maintenant, il faut rester calmes, lucides et enfoncer le clou » .

Sur la route de Bogho l’Uruguayen se dresse un autre Uruguayen : Santiago Silva, le buteur de Banfield, actuel leader. De l’artillerie lourde qui fascine l’Argentine mais ne trouve curieusement aucun écho sur l’autre rive du Rio. En galère pour trouver deux attaquants en forme à quelques heures du barrage pour la Coupe du monde face au Costa Rica, le sélectionneur Washington Oscar Tabarez se cogne apparemment de Boghossian. Un blaze qu’on risque donc de ne pas entendre en Afsud. Pas vrai Alain ?