- France – Ligue 2 – 14e journée – Laval/Le Havre
Bob Bradley, un Américain au Havre ?
C'est la folle rumeur qui agite l'actu de la L2 ces derniers jours : l'Américain Bob Bradley, ancien sélectionneur des États-Unis et de l'Égypte, serait sur le point de devenir le prochain entraîneur du HAC, présidé par son compatriote Vincent Volpe. Actuellement en poste dans un modeste club norvégien, son contrat se termine dans quelques semaines…
Le Havre AC se porte bien, vraiment bien. Il reste sur 4 matchs sans défaite et surtout 3 victoires de suite, ce qui lui permet de revenir en haut de classement, au pied du podium, après en avoir disparu à la fin de l’été. Pourtant, sauf improbable renversement de situation, ce même club du Havre AC s’apprête dans les jours ou les semaines qui viennent à changer d’entraîneur. Un paradoxe ? Oui, un peu, même si l’homme en place actuellement sur le banc, l’ancien gardien Christophe Revault, a affirmé depuis sa prise de fonction il y a peu qu’il n’était là que pour dépanner. Et il a l’air sincère quand il le dit. Son intérim a débuté le 28 septembre au moment où le titulaire au poste, Thierry Goudet, s’est fait limoger. Ce dernier payait assez précipitamment un gros trou d’air de son équipe : elle qui avait pourtant très correctement lancé sa saison venait d’enchaîner 6 défaites en 7 matchs (Coupe de la Ligue incluse), ce qui n’était pas acceptable pour le nouveau président et actionnaire majoritaire du Havre, le pas forcément très patient Vincent Volpe. Lui qui avait déclaré pour sa première déclaration publique son intention de voir sa nouvelle acquisition monter en L1 « le plus tôt possible » n’avait pas l’intention de débarquer dans le football juste pour participer. Pas dans sa mentalité de citoyen américain installé depuis des années déjà au Havre, d’abord en tant que responsable de la filiale France du groupe de robotique Dresser-Rand, dont le site principal est situé en Haute-Normandie, puis en tant que boss monde de cette même société qui pèse plus de 300 millions de chiffre d’affaires annuel. Revault, donc, pour en revenir à lui, se savait en sursis à ce poste d’entraîneur numéro un d’une équipe qui aimerait vite retrouver l’élite, et si possible dès la fin de cette saison. Pour réussir cette mission, s’imagine Volpe, il faut un nom, un habitué des matchs à pression. Et c’est naturellement vers un compatriote qu’il aurait jeté son dévolu : Bob Bradley.
Son chef-d’œuvre en 2009 : battre l’Espagne en compétition
Ce cher Bradley est effectivement une figure du football mondial depuis son quinquennat plutôt très réussi à la tête de la sélection américaine entre 2006 et 2011. Il succédait alors à son maître Bruce Arena, qu’il connaît depuis ses très jeunes années comme entraîneur universitaire – une vingtaine d’années à peine à ses débuts sur un banc dans les années 80 – et avec qui il avait découvert la MLS en tant qu’adjoint, avant de devenir un coach reconnu de la ligue nord-américaine. En 1998, la toute nouvelle franchise Chicago Fire confie les rênes de l’équipe à ce technicien inexpérimenté qui réussit l’exploit de faire le doublé coupe-championnat. La légende de Bob Bradley est née, et peu importe si ses expériences suivantes en MLS avec les Metrostars et Chivas USA sont moins concluantes, c’est donc à lui que la Fédération fait appel au lendemain du Mondial 2006 pour préparer le suivant. Sous son ère, les Yanks s’installent comme une nation qui compte, comme une sélection qui sait très bien jouer au football – tant pis si elle appelle ce sport différemment – et qui peut aussi obtenir de très bons résultats sur la durée et pas seulement par coups par-ci par-là. Grâce à Bradley, fini de se moquer de ces Américains qui n’ont prétendument rien à faire dans ce sport qui n’est pas ancré dans leur culture. En 2009, la bande à Bradley fait sensation en dominant l’Espagne en demi-finale de la Coupe des confédérations, avant de s’incliner en finale face au Brésil. Performance confirmée un an plus tard en égalant la meilleure performance des Américains en Coupe du monde : un 8e de finale, comme 16 ans plus tôt à domicile, et une défaite amère dans la prolongation face au Ghana. Le Ghana, bourreau des rêves de Bradley, se trouvera encore sur sa route en 2013 lorsque le natif du New Jersey échouera dans sa mission de qualifier l’Égypte pour le Mondial 2014.
Communiquant, téméraire, francophile et adepte d’un jeu offensif
Arrivé en Égypte en octobre 2011 pour relever un second challenge en sélection, Bradley a dû composer avec l’ambiance de chaos dans lequel a été plongé le monde du football sur place après le massacre de Port Saïd en février de l’année suivante et qui a fait 72 morts parmi les supporters d’Al-Ahly, le plus grand club du pays. Championnat suspendu, meilleurs joueurs décidés à prendre leur retraite sportive, tensions extrêmes entre les fans de foot et les forces de l’ordre : malgré tous ces aléas, Bradley est resté en poste et a même décidé de rester vivre sur place au Caire, où il dit et répète avoir vécu une aventure humaine extraordinaire, terminée prématurément seulement du fait de cette élimination face au Ghana aux portes de vivre une nouvelle Coupe du monde avec une deuxième sélection. Depuis cet épisode africain, il a affiché sa volonté de connaître le football européen et a saisi la première opportunité qui se présentait à lui : le championnat norvégien avec la modeste équipe de Stabaek qu’il a reprise en main dans la foulée, début 2014, alors qu’elle venait de faire son retour en élite. Bilan : une 9e place en 2014 et un podium assuré cette saison, synonyme de qualification pour la prochaine édition de la C3. Pas mal pour un club à petit budget et alors que le meilleur joueur de l’équipe, l’attaquant Adama Diomandé, a filé à Hull City cet été. Réputé adepte d’un jeu offensif, bon communiquant, francophile, plutôt téméraire à la vue de ses choix de carrière jusqu’à présent, le père de l’international américain Michael Bradley arrive en fin de contrat en Norvège en novembre. Il y était le premier Yankee à entraîner une équipe européenne en première division, il pourrait être le premier Yankee sur le banc d’une équipe pro en France.
Par Régis Delanoë