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Bleus : Y a comme un Turc qui cloche
Hormis l'accroc du match aller en Turquie (0-2), les Bleus ont toutes les raisons de s'avancer avec confiance dans ce match décisif pour la qualification à l'Euro 2020. Pourtant, certains forfaits, mais surtout le contexte extrasportif, laissent traîner de sérieuses craintes sur le bon déroulement des opérations.
Passer du « néant » à l’opulence. Voilà ce qui est promis aux Bleus à l’occasion de leurs retrouvailles avec la Turquie au Stade de France. Il y a quatre mois à Konya, c’est une équipe essoufflée et sans idée qui s’était fait rétrécir (0-2). Mais, à l’image de la victoire acquise sans brio, mais avec sérieux vendredi en Islande (1-0), les champions du monde ont su amortir ce camouflet grâce à un sans-faute réussi par la suite. Ainsi, les déboires de l’aller ne sont plus qu’un mauvais souvenir, au moins dans les discours. « Ils nous ont surclassés chez eux en juin, reconnaît Didier Deschamps comme pour mieux passer à la suite. C’est un autre match, une autre vérité, c’est chez nous. Ce n’est pas une revanche, mais un match qui peut être décisif. » Voilà qui fait consensus aujourd’hui : ce France-Turquie est le match qui « se rapproche le plus de ceux d’une compétition comme le Mondial » pour Raphaël Varane, capitaine en l’absence de Lloris, quand Noël Le Graët parle lui d’une « vraie petite finale » face au co-leader du groupe H. Parce qu’il y a un ticket pour l’Euro 2020 à oblitérer en cas de victoire, parce que ce serait la huitième victoire d’affilée à Saint-Denis, ainsi que l’assurance de se projeter sur la suite. D’ailleurs, une fois la qualification en poche, une prolongation de contrat jusqu’en décembre 2022 attendrait le sélectionneur Deschamps.
Resserrer les rangs
Ce match-tremplin comporte pourtant son lot d’incertitudes. Non pas que les hommes de Şenol Güneş soient des foudres de guerre. La Turquie a, par exemple, dû attendre les derniers instants pour faire craquer l’Albanie vendredi, ainsi qu’Andorre en septembre, là où les Français ont signé des cartons face à ces sélections (respectivement 4-1 et 3-0). Tout au plus, les Turcs sont de solides outsiders. « La Turquie a 18 points comme nous, elle ne les a pas volés, rappelle Deschamps. Elle est efficace et solide, avec une organisation défensive performante. Elle n’a pris que deux buts sur coups de pied arrêtés. Elle a aussi un potentiel offensivement intéressant, avec Yılmaz, Tosun et Çalhanoğlu. C’est une équipe expérimentée, animée par un état d’esprit, une ferveur et une passion, encore plus forte à domicile. Elle a du caractère aussi évidemment. » Mais les principales réserves du camp bleu réside dans les absences au sein de ses rangs.
À l’aller Lloris, Umtiti, Pogba, Mbappé étaient présents (du moins physiquement). Ce lundi, ces joueurs majeurs seront absents pour de bon. Des forfaits auxquels pourraient s’ajouter ceux de Lucas Hernandez et N’Golo Kanté, encore incertains. Pour un tel combat, ne pas compter sur ces soldats reste déplorable même si les unités disponibles ont apporté quelques garanties : la paire Griezmann-Giroud est toujours efficace, Kingsley Coman assure le quota d’étincelles en l’absence de Mbappé, alors que la charnière Varane-Lenglet semble avoir trouvé son rythme de croisière. « Petit à petit, on a de plus en plus de repères, d’expérience et de vécu ensemble, assure le Madrilène. On a des déplacements plus précis et complémentaires. C’est important dans une charnière de jouer devant des adversaires différents, de répondre à des problématiques différentes et de savoir comment l’autre se sent. On essaye de beaucoup communiquer et de peaufiner cette entente. » Sur le papier, ça devrait donc tenir.
Le poids de l’actu
Finalement, la réelle inconnue entourant ce match réside dans son contexte extrasportif, avec des craintes venant des tribunes et d’au-delà. Entre 30 000 et 40 000 supporters turcs sont attendus au Stade de France, pour beaucoup issus de la diaspora en France et des pays limitrophes. Alors que les joueurs français et La Marseillaise avaient été copieusement sifflés en Turquie, les autorités redoutent des débordements autour de la rencontre. Selon L’Équipe, la FFF est en contact avec l’ambassade de Turquie à Paris, les services de police français ont échangé avec leurs homologues turcs, alors que 600 policiers supplémentaires seront mobilisés. Les autorités ont encore en souvenir quelques amers précédents : un France-Turquie disputé à Gerland en 2009, interrompu à cause des jets de fumigènes et autres projectiles, ainsi que le Lyon-Beşiktaş de 2017 en Ligue Europa, où des supporters lyonnais avaient dû se réfugier sur la pelouse du Groupama Stadium pour éviter les pétards lancés par les fans adverses.
Et pour ne rien arranger, le contexte géopolitique est venu cette semaine épicer un peu plus tout ça. À la suite des attaques des troupes du président Recep Tayyip Erdoğan sur les Kurdes dans le nord de la Syrie, les relations diplomatiques se sont tendues ces dernières heures. Les internationaux turcs ont déjà manifesté leur soutien au pouvoir lors de leur dernière sortie, sans que cela plaise à l’UEFA. Pour l’heure, les Bleus cherchent à faire abstraction de tout ça : « Ce n’est pas quelque chose qui nous préoccupe. C’est le terrain qui nous motive, jure Raphaël Varane. On s’attend à beaucoup de supporters turcs, mais on a l’habitude de jouer dans des ambiances et des contextes différents. C’est le genre d’ambiance qui peut nous transcender. On est prêts à répondre présents. » Tout comme le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui sera également en tribune, comme pour montrer qu’il s’agira d’un peu plus que de football dans l’arène dionysienne.
Par Mathieu Rollinger