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Bleus : un dernier salut avant le rideau
Au bout d’un stage jusqu'ici nourri d’aucun succès en trois rencontres, l’équipe de France a l’occasion de se refaire la cerise lundi soir, à Saint-Denis, face à la Croatie, et d’éviter un quatre à la suite qui ferait tache. Si le premier objectif est de ne pas revenir en septembre avec une lutte pour le maintien en Ligue A de Ligue des nations à détricoter, un second est dans toutes les têtes bleues : que tout ça se termine et que viennent les vacances après une saison interminable.
Enfin, les voilà à l’horizon. Après des mois entiers passés à bûcher, suer à grosses gouttes, tirer sur les différentes cordes de leur corps et faire chauffer leur boîte à idées, les Bleus vont être autorisés, lundi soir, à partir en vacances et à faire sauter la soupape. Certains vont retourner enchaîner les cocktails sur une plage de Mykonos, d’autres iront se poser en short sur un bateau à Saint-Tropez, où Jean-Roch, Nagui, Fabrice Santoro et Michel Cymes attendent certainement Didier Deschamps de pied ferme. Reste une dernière question à régler : quels souvenirs ces types-là, qui viennent de s’envoyer quatre matchs en onze jours – une première dans l’histoire de l’équipe de France – au bout d’une saison déjà dégoulinante de matchs pour la majorité d’entre eux, emmèneront-ils dans leurs valises ? Peut-être repenseront-ils, d’abord, à cette enquête publiée fin mai par la FIFPRO, qui s’inquiétait du nombre délirant de matchs joués par les footballeurs internationaux. « Quand on joue tous les trois jours, l’incidence des blessures est multipliée par six, détaillait Grégory Dupont, l’ancien préparateur physique de l’équipe de France, le jour de la présentation des résultats. Quand un joueur se sent fatigué la veille du match, le risque de blessure est multiplié par trente. Il y a bien un lien évident entre la fatigue mentale et la blessure. Le lendemain d’un match, quand on analyse le niveau de force d’un joueur qui joue tous les trois jours, par exemple au niveau des ischios, on note une diminution de 15 à 30% selon les cas. Et quand un joueur est encore à -10% la veille du match, le risque est multiplié par 90. » Ils rangeront ensuite certainement quelque part quelques images de cet étrange rassemblement, dont l’allure comptable est pour le moment assez sombre – trois matchs consécutifs sans succès (une première hors période de tournoi depuis 2013), deux points arrachés sur neuf possibles, une dernière place de groupe en Ligue des nations, compétition qui peut à la fois être un bon passe-temps lorsque tout tourne bien comme un sacré boulet dans le calendrier lorsque les affaires tournent mal – et dont le déroulé a jusqu’ici amené plus de questions que de réponses.
« Je n’ai pas changé d’avis »
En mars, Didier Deschamps assurait que le 3-4-1-2 travaillé depuis septembre était le système qui devait permettre à son groupe de « poser plus de problèmes à l’adversaire ». Quand il a retrouvé sa troupe fin mai, le sélectionneur affichait également clairement son désir de profiter des rencontres à venir pour « travailler le positionnement et l’animation offensive » au sein de ce schéma. Face aux nombreux pépins physiques qui sont venus se glisser dans les flûtes de son orchestre, il n’aura finalement pu le faire que 78 minutes face au Danemark (1-2) – après la sortie d’Antoine Griezmann et l’entrée d’Adrien Rabiot, les Bleus sont passés en 3-5-2 – avant d’enrouler ses joueurs dans un 4-4-2 qu’il a toujours estimé être le système « le plus rationnel pour utiliser au mieux la largeur et pour contrôler les intervalles entre les joueurs ». Faut-il pour autant tirer de grandes conclusions sur l’évolution du projet de jeu de Deschamps ? Aucunement, a répondu dimanche le sélectionneur, qui n’a jamais pu coucher son onze idéal : « Je n’ai pas changé d’avis, j’ai simplement pris des options différentes. Nous ne sommes pas fixés dans un seul système, on peut même être amenés à en changer en cours de match. Ce n’est pas parce qu’on a joué les deux derniers matchs à quatre que le système à trois défenseurs est mis à la poubelle. On verra en compétition si un système se dégage à un moment donné ou pas, mais je choisis à chaque fois avec l’idée de mettre les onze titulaires dans les meilleures dispositions. C’est même plutôt intéressant : on devient moins prévisibles pour nos adversaires. »
En attendant de penser à novembre, les Bleus, qui n’auront ensuite que deux matchs à jouer fin septembre avant de se poser sur les dunes, ont un dernier combat à livrer lundi soir, à Saint-Denis, contre une Croatie qu’ils retrouvent une semaine seulement après une première joute (1-1) d’où les hommes de Zlatko Dalić auraient pu repartir sur le gong avec trois points dans les poches sans un Maignan décisif. À Split, Didier Deschamps avait changé dix joueurs du onze aligné face au Danemark quelques jours plus tôt et chacun était reparti de la soirée avec la sensation de ne pas avoir appris grand-chose, même si l’équipe de France avait été plutôt cohérente collectivement et tenait jusqu’à la 83e minute un succès qui n’aurait pas été un vol. À noter aussi : en Croatie, Christopher Nkunku avait marqué des points qui pourraient être précieux à l’avenir, d’autant plus que l’attaquant de Leipzig a confirmé derrière lors de son entrée en Autriche et qu’il avait déjà été à son aise face au Danemark.
Les langues pendues
Et cette fois, à quoi faut-il s’attendre ? Bonne question quand on sait que tous les joueurs du groupe, comme les joueurs de tous les groupes du monde, tirent sévèrement la langue. Vendredi soir, à Vienne, Benjamin Pavard l’a clairement assumé : « Oui, c’est sûr qu’il y a de la fatigue. On n’est pas des machines, on joue beaucoup de matchs toute la saison. Après, c’est pareil pour tout le monde, donc il ne faut pas se réfugier derrière ça. » Dimanche, trois d’entre eux (Saliba, Diaby, T. Hernández) ne sont même pas sortis se rouler dans l’herbe et trois autres (Benzema, Konaté et Kamara) se sont entraînés à part. Alors que Presnel Kimpembe est venu parler d’un match « très, très important » et d’une équipe de France qui « ne devrait pas être dans cette position », Didier Deschamps a également assumé vouloir « regrouper toutes les forces » de son gang pour soigner la fin du stage en faisant un résultat positif face à la Croatie. Ainsi, même s’il n’est pas à 100%, Kylian Mbappé devrait retrouver une place de titulaire, tout comme Presnel Kimpembe. Le sélectionneur a aussi profité de l’avant-match pour justifier l’absence de titularisation de Jonathan Clauss, dont le profil unisystème pourrait le condamner à l’avenir.
Lundi soir, le piston du RC Lens pourrait néanmoins ramasser des miettes, alors que Mike Maignan va de nouveau être envoyé dans le bois à la place d’Hugo Lloris, sans conséquence aucune à lire pour l’avenir. ( « Faites vos débats où vous voulez, mais ne mettez pas de concurrence où il n’y en a pas. Je le redis encore une fois : tant mieux qu’on ait deux très bons gardiens, je ne vais pas m’en plaindre, mais à partir du moment où Hugo maintient son niveau de performance, en club comme en sélection… » ) Si tout s’aligne de la sorte, le 3-4-1-2 pourrait retomber sur la feuille de match, à moins que le 4-4-2 ne soit reposé sur la table avec un duo Guendouzi-Rabiot en son cœur. « Ce n’est pas une nouvelle revue d’effectif, mais je m’adapte, concède Deschamps. Je fais en sorte de ne pas prendre de risques avec ceux qui ont de petits soucis. Sur ce rassemblement, il y a eu de la fatigue, peut-être aussi un peu de décompression après certains succès, des pépins, des joueurs qui ont quitté le groupe (Varane, L. Hernández, Kanté)… Mes collègues ont aussi eu des situations à gérer. Je ne vais pas me plaindre, même si nous, les sélectionneurs, on devrait tous se plaindre. » Allez, plus que 90 minutes avant de tirer le rideau sur un mois de juin sans grand soleil dans le ciel bleu.
Par Maxime Brigand