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On ne leur parle pas de page
Plus de trois mois après la finale de Coupe du monde, l’équipe de France est de retour aux affaires, vendredi soir, au Stade de France, face aux Pays-Bas, avec un seul objectif : écrire la première page d’un chapitre qui doit mener les Bleus jusqu’à l’Euro allemand.
Froncement de sourcils, interruption de question, revers long de ligne. Et c’est ainsi que la caravane bleue a redémarré en début de semaine, à Clairefontaine. Invité à se retourner sur la finale perdue de la dernière Coupe du monde et à décrire son goût, Didier Deschamps s’est d’abord excusé, puis a lâché un coup appuyé : « Je suis désolé, mais là, je suis en rassemblement, donc je ne vais pas parler de ce qu’il s’est passé au mois de décembre. Le goût, le machin, j’ai déjà eu à m’exprimer dessus et c’est derrière nous. Ça appartient au passé et je ne veux pas revenir dessus. Ça ne servira à rien de toute façon. » Le monde peut aboyer, les Bleus passent. Les voilà même de retour aux affaires, ce vendredi, au Stade de France, face à des Pays-Bas qu’ils n’ont plus reçus à dîner depuis une nuit de septembre 2018 où la bande tricolore était venue célébrer le deuxième sacre mondial de l’histoire du pays.
Mais comment vont-ils, au juste ? Mystère, mystère, la digestion d’une glissade sur les cimes de la montagne la plus escarpée du football de haut niveau variant d’un cas à l’autre. Deschamps a analysé la chose aux côtés de sa garde rapprochée, avec qui il a même récemment partagé une sortie karting à Chartres. Certains éléments (Lloris, Varane, Mandanda, Benzema) ont plutôt choisi de se retirer du foot international après un Mondial qui aura été « un passage de témoin entre deux générations » (Hugo Lloris). Les restants ont, eux, rapidement tourné leurs yeux et leurs crocs en direction de la prochaine conquête majeure des Bleus : l’Euro, qui se jouera en Allemagne à l’été 2024 et qui est le seul trophée international absent de la boîte à médailles du Didier Deschamps sélectionneur. D’ici là, une nouvelle histoire doit s’écrire.
Génération sans peur
Pour l’écrire, il faut d’abord un gardien titulaire, installé, indiscuté et la question de l’identité du nouveau surveillant des bois tricolores a vite été tranchée par un Deschamps qui a, sans aucune surprise, choisi de faire enfiler à Mike Maignan, cinq sélections, la cape de numéro un. À ses côtés, le portier du Milan a vu débouler cette semaine un nouveau collègue, Brice Samba, un homme qui revient de loin et qui est, également, aussi à l’aise avec ses deux pieds qu’avec ses mains, ce qui pourrait offrir de nouvelles possibilités précieuses à la relance française. Ce sera l’une des curiosités de cette première soirée internationale de 2023, tout comme l’intégration des deux jeunes Niçois (Khephren Thuram et « JC » Todibo) et le rôle qui sera donné à un Kolo Muani qui n’a pas décéléré depuis son entrée débridée et presque héroïque face à l’Argentine, au point de postuler un strapontin dans le bus des titulaires et de désormais voir de plus en plus d’adversaires se mettre sur ses côtes, ce qu’il a expliqué mercredi à L’Équipe : « Ils défendent à trois ou quatre face à moi. C’est simple, ils ne veulent pas que je touche le ballon. Dès que je le touche, on me tamponne. […] Il faut être plus malin et essayer de varier, fixer, prendre la profondeur, décrocher, mais j’aime bien. Ça me donne plus d’importance, ça me permet d’évoluer et de me prouver que je suis dangereux. » Autre étrangeté de ce premier raout de l’année : pour la première fois de son mandat, Didier Deschamps a dû démêler les nœuds liés au brassard de capitaine laissé par Hugo Lloris sur le balcon de l’hôtel de Crilllon le 19 décembre dernier. Et là, les choses se sont un poil plus compliquées.
Si le bizuth Jean-Clair Todibo a affirmé que Kylian Mbappé, chef désigné lundi soir, était « apte » à assumer une telle responsabilité, Didier Deschamps sait que son choix a eu deux conséquences directes. La première : faire un déçu – Antoine Griezmann, 117 sélections, qui restera avec Lloris et Varane l’un des plus fidèles soldats de son mandat. La deuxième : en désignant Mbappé capitaine, le patron des Bleus assume de concentrer encore plus de pouvoirs sur une tête qui, si elle est plutôt bien faite, doit déjà porter un stère de pression. L’attaquant du PSG, arrivé à Clairefontaine en chef de clan, tout de bleu vêtu et avec des lunettes de soleil sur le nez, a beau avoir planté un triplé en finale du dernier Mondial, bousculé la FFF sur la question des droits à l’image et fini de secouer un Noël Le Graët déjà fragilisé, c’est un statut à part qu’il s’apprête à prendre dans les bras, lui qui n’avait accepté de parler dans un micro que sur obligation de la FIFA, après la victoire face à Pologne, lors de la Coupe du monde. Un statut que Lloris l’avait poussé à embrasser après la finale face à l’Argentine. Un statut de chef de file d’une génération de gars « téméraires, qui n’ont pas peur de grand-chose » selon Marcus Thuram, qu’il a étrenné jeudi, lors de la traditionnelle conférence de presse d’avant-match au Stade de France, en affirmant « ne pas vouloir monopoliser l’espace médiatique » et en mettant en avant « son kif ». Maintenant, place au gazon.
Par Maxime Brigand