Faut-il laisser Lloris nager sans brassard ?
Dans un monde aussi prémédité que le contexte tricolore sous Deschamps, Hugo Lloris reste un soldat en clair-obscur. Souvenez-vous : fin mars, après une défaite alerte face à la Colombie au Stade de France (2-3), c’est lui qui s’était élevé au-dessus de la masse pour ramener ses potes sur terre, rappelant à son monde que «
le foot, ce n’est pas que du talent. C’est aussi le mental » . Cette semaine, le capitaine des Bleus est une nouvelle fois sorti d’un cadre international sur mesure pour prendre le président de la Fédération, Noël Le Graët, à contre-pied. Le sujet ? Karim Benzema, Lloris estimant que non, l’histoire entre l’attaquant du Real et l’équipe de France n’est pas à ranger dans l’enveloppe «
histoire ancienne » .
Puis, samedi soir, à Lyon, c’était le retour au terrain, au jeu, au foot et à tout un monde qui s’est, une nouvelle fois en quelques mois, refermé sur le gardien de Tottenham : face aux États-Unis, Hugo Lloris n’a pas forcément été décisif, mais il a surtout été fautif, avec Djibril Sidibé, sur l’ouverture du score américaine. Reste que le débat est inexistant et qu’à une semaine de la Coupe du monde, pour un poste aussi central que celui du gardien numéro un, ça a quelque chose de rassurant, même si Lloris a passé une seconde partie de saison fragile en club. Face à la presse, Didier Deschamps a d’ailleurs estimé « ne pas être là pour tout remettre en question, il va aussi monter en puissance. Aujourd’hui, c’est lui, demain ce sera un autre, il ne faut pas créer un débat où il n’y en a pas besoin. » Un autre peut cependant exister, le brassard de capitaine semblant compresser la circulation sanguine du bonhomme : et s’il était libéré de tout ça pour respirer un peu ?
Mendy peut-il redevenir Mendy ?
Au moment de convoquer Benjamin Mendy pour le Mondial, Didier Deschamps ne s’était pas caché : «
Évidemment qu’il y a un risque. Aujourd’hui, je n’ai pas la certitude qu’il puisse jouer 90 minutes. On va faire en sorte d’avoir quelques réponses avant la deadline » , soit le 4 juin dernier). Le sélectionneur est-il rassuré au moment de décoller pour la Russie ? Pas sûr : car si le latéral de Manchester City s’est baladé lors des trois rencontres de préparation, il a surtout davantage joué en huit jours que lors des six derniers mois. Plus inquiétant, sa prestation du week-end, contre les États-Unis, a été plus poussive, moins tranchante, et Mendy a été pris défensivement à plusieurs reprises. Et pendant ce temps-là, Lucas Hernandez, qui sort d’une saison débordante avec l’Atlético, ne cesse de marquer des points…
Quelle place faut-il accorder à Tolisso ?Didier Deschamps, samedi soir : «
J’ai une grosse, grosse, grosse concurrence à gérer. Les joueurs méritent tous de débuter, mais ce n’est pas possible. » Le premier casse-tête du Mondial devrait être le suivant : quel milieu pour l’Australie ? Durant la préparation, on aura vu Tolisso sortir du lot, bien que moins bon lors de son entrée samedi soir, Matuidi faire du Matuidi, Pogba jongler entre le « peut mieux faire » (l’Italie) et le « peut bien faire » (les États-Unis), et Kanté conforter les certitudes. Sauf surprise, l’équipe de France devrait commencer la Coupe du monde avec trois têtes dans son cœur de jeu et il y aura donc un sacrifié : un homme qui, pour l’assurance de transitions propres et fluides, ne peut être ni Kanté ni Matuidi. La bataille se jouera donc cette semaine entre Paul Pogba et Corentin Tolisso. Et à ce jeu-là, le Munichois pourrait être le facteur X essentiel face à une équipe comme l’Australie. Du moins, c’est ce que son passé bleu raconte.
Giroud-Dembélé, on sacrifie qui ?
Sacrifice toujours, le passage à trois milieux implique nécessairement la perte d’un élément offensif dans le système : samedi soir, Antoine Griezmann a alors évolué en meneur de jeu derrière Olivier Giroud et Kylian Mbappé ; Fekir avait tenu un rôle similaire contre l’Irlande fin mai (2-0) ; face à l’Italie, c’était autre chose. Soit l’alignement de trois étoiles (Griezmann, Dembélé, Mbappé) pour détruire en contre. Cette carte sera abattue pendant le Mondial, c’est une certitude, mais ça ne devrait pas être le cas contre l’Australie, dont le profil semble être taillé pour Olivier Giroud, qui avait par exemple été très bon contre l’Irlande. Là, c’est un débat d’approche et de style, pas une priorité pour Deschamps, dont la quête est pragmatique : seule la victoire finale est belle.
Et si on arrêtait avec France 98 ?Le Groupama Stadium ne pouvait pas y couper : samedi soir, la France du foot a donc célébré pour la 1948391
e fois les vainqueurs de 1998. Qu’a-t-on vu ? Aimé Jacquet venir embrasser Didier Deschamps, un DJ local envoyer du Gloria Gaynor et même Francis Lalanne devenir capo du virage nord durant une bonne partie de la soirée. Tout ça est pesant, presque polluant pour l’environnement des Bleus de 2018, qui ont besoin de créer leur propre histoire. Soyons clairs : si la France veut revivre un deuxième 12 juillet 1998, ça passe aussi par la digestion de ce succès historique. Aujourd’hui, ne l’oublions pas, mais cessons de le célébrer, par respect pour les membres actuels de la délégation tricolore, dont certains n’étaient même pas nés pour voir tout ça. Sacraliser ce titre, c’est le rendre exceptionnel et se dire qu’il est impossible de le revivre : le foot n’avance pas à la nostalgie.
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