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Bleus : le premier jour du reste de leur vie
Quarante-six jours après avoir emmené les Bleus sur le toit du monde, Didier Deschamps est de retour aux affaires et livrera jeudi sa première liste post-Mondial.
Didier Deschamps a séché, enfin. La dernière fois que le sélectionneur des Bleus s’est pointé derrière un micro, c’était en polo, après s’être changé à trois reprises et en ayant eu la pudeur d’avouer « sentir mauvais » . Cela n’avait pas empêché ses hommes – certains en slip, d’autres torse poil – de venir lui sauter dessus et de retourner une salle de presse de Moscou. Il y a des soirs comme ça, pour casser des tables, arroser des murs de champagne et voler des micros en toute impunité. Le 15 juillet 2018, Deschamps s’était alors excusé, mais pour autre chose, comme pour revenir dès l’instant d’après dans une bulle qu’il venait à peine de faire éclater et pour distiller, en pleine euphorie, des détails sur le jour d’après : un instant brillant, rappelez-vous. « Je sais pour l’avoir vécu qu’ils[les joueurs]ne peuvent pas se rendre compte, avait alors ouvert le chef de clan d’une équipe de France grimpée sur le toit du monde pour la deuxième fois en vingt ans. Alors, avant de sortir du vestiaire, je leur ai dit deux choses. Un : ils seront champions du monde à vie. À vie. Et ils seront toujours liés par ça, quoi qu’il advienne par la suite. Deux : ils ne seront plus jamais les mêmes. Je suis désolé pour eux… mais c’est ainsi : ils peuvent gagner tous les titres qu’ils veulent, la Ligue des champions dix fois, mais c’est ce soir que ça a basculé pour eux et cette bascule est définitive. »
« Je sais à quel point c’est dur… »
Nous y voilà : quarante-six jours après Moscou, l’équipe de France est de retour, et Didier Deschamps annoncera jeudi, au siège de la FFF, la liste des joueurs retenus pour aller fourrer leur pif dans la toute nouvelle Ligue des nations, petit bordel inventé par l’UEFA pour que « les matchs amicaux aient plus d’intérêt(…)avec une petite carotte en matière d’enjeu » (Platini, dans L’Équipe de mercredi) et que les Bleus commenceront par un déplacement en Allemagne (le 6 septembre) et la réception des Pays-Bas, trois jours plus tard. Ainsi, c’est sans doute le plus dur qui commence pour ce groupe, personne ne s’en cache et Raphaël Varane l’avait même balancé sur la table à son retour à Paris : « On n’a pas besoin d’exister individuellement, on existe ensemble. C’est ça la force de ce groupe. Et, surtout, c’est ça qu’il faut entretenir.(…)C’est difficile. À Madrid, je l’ai vécu. Je sais à quel point c’est dur. Il faut réussir à garder cette façon de penser pour le groupe et ne pas penser de manière individuelle. Même s’il faut se mentir à soi-même et se dire qu’on n’a rien fait. » Ce qui n’est évidemment pas le cas : dès jeudi prochain, à Munich, les Bleus seront les hommes à faucher en pleine course, on le sait.
La malédiction du premier match post-titre
Et c’est l’histoire qui revient à la charge : depuis le Brésil en 1994, aucun champion du monde n’a réussi à remporter son premier match post-finale de Coupe du monde. Il y a vingt ans, l’équipe de France de Roger Lemerre, désigné pour prendre la succession d’Aimé Jacquet, était allée se faire attraper le col par l’Autriche (2-2), à Vienne, lors d’une soirée où Frédéric Déhu et Tony Vairelles avaient soufflé leur première bougie internationale et où Lilian Laslandes avait claqué le premier but des Bleus. C’est tout ? Non, au stade Hernst-Happel, on avait aussi vu Alain Goma et Florian Maurice, des hommes sans étoile de champion du monde sur le CV. Cette fois, Didier Deschamps ne devrait pas trop ouvrir les portes, même si le sélectionneur tricolore est obligé de remplacer Steve Mandanda, blessé après 65 minutes de Ligue 1 lors de la défaite de l’OM à Nîmes le 19 août, et qu’il pourrait laisser Adil Rami, qui a annoncé sa retraite internationale au milieu des bulles mi-juillet, à la maison (le Marseillais a quand même reçu une pré-convocation et pourrait être mis à l’honneur lors du match contre les Pays-Bas). Sinon, on s’attend à du classique, même si personne ne sait vraiment par exemple quelle est la forme du moment de Nabil Fekir et même si le cas d’Adrien Rabiot, excellent depuis le début de saison avec le PSG, mais qui avance avec une balle dans le pied depuis qu’il a refusé de faire partie de la liste des réservistes pour le Mondial, devrait revenir au milieu des questions-réponses. Un débat qui se jouera pour la première fois depuis 1983 sans Philippe Tournon, chef de gare médiatique historique de la machine bleue. Ce sera aussi l’enjeu du prochain rassemblement, après un Mondial qui avait ramené le foot sur le devant des échanges après des années passées à voir la langue des joueurs coupée. Plus que jamais, le foot leur appartient : à eux de reprendre le fil de leur destin.
Par Maxime Brigand