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Bleus : le Danemark, pour un col d’air frais
Largement victorieuse de l'Australie (4-1) mardi, l'équipe de France, qui a déjà fait revenir les matchs à prendre les uns après les autres, passe, samedi face au Danemark, un crash-test qui devrait permettre d'enfin extraire du jus d'un groupe dont il est encore difficile de mesurer les frontières et les limites tactiques.
Tout le reste ne compte plus. Les projections ? Pliées et rangées au fond des sacs. Les autres rencontres disputées aux quatre coins de Doha ? Uniquement suivies du coin de l’œil. Les événements passés ? De simples « photographies » à ressortir avec prudence et seulement pour raviver le souvenir d’une erreur à corriger. Ça, et rien d’autre. Didier Deschamps le pragmatique est de retour et il n’est pas seul : les jours qui ont suivi la victoire de l’équipe de France face à l’Australie (4-1) ont en effet vu rappliquer dans son sillage les bons vieux « matchs à prendre les uns après les autres ». Si certains veulent les imaginer fonçant tête baissée jusqu’au bout de la piste, qu’ils fassent. Les internationaux français, eux, se voient plutôt en sauteurs de haies. « Si on regarde trop loin, il y a le risque d’avoir un accident », justifie Hugo Lloris, tout en ramenant sur la table l’esprit de 2018 et la nécessité de prendre soin d’un animal aussi précieux qu’invisible : la force collective.
Lloris, encore : « C’est important de garder l’énergie et le focus sur le match de demain. On va avancer progressivement dans cette compétition, avec sérénité et l’envie de bien faire. Il y a toujours une part d’inconnu devant nous. Il faut être prêt à monter en puissance, à défier les meilleurs, mais on est encore loin de tout ça, et demain, une grosse montagne nous attend. » Une très grosse, même, car lorsque toutes les planètes s’alignent, s’attaquer au Danemark de 2022 peut revenir à grimper l’Angliru avec un vent de face. Une équipe de France remaniée en a fait l’expérience fin septembre et est revenue de Copenhague avec les yeux gonflés. Trois mois plus tôt, les Danois étaient déjà venus climatiser le stade de France. Mais qu’en faire à l’heure de retrouver ces vieux amis au Qatar ? Renoncer à son système à trois, pourtant régulièrement bossé depuis la fin de l’Euro, a été une première réponse apportée par Didier Deschamps, qui a décidé d’attaquer la défense de son titre de champion du monde en misant sur le retour d’une défense à quatre. Cela a payé mardi contre des Australiens, qui ont fini la soirée essoré par la puissance offensive des Bleus, mais cela suffira-t-il à résister aux coups de perceuse scandinaves ?
Débats de droite
On se répète : tout le reste ne compte plus, et cette question danse dans les différentes têtes du staff tricolore depuis quatre nuits tant il existe encore d’interrogations au sujet de l’animation sans ballon de l’équipe de France. Malgré le large score final, les Bleus se sont parfois ouverts contre l’Australie, et Deschamps l’a évidemment noté. Vendredi, il en a même touché deux mots : « C’est vrai qu’en plus du but encaissé, il y a eu trois situations où on doit mieux faire. C’est trop, et même si ce n’est pas énorme, cela demande des ajustements. Même si on a montré beaucoup de qualité offensive, il y a toujours des choses que l’on peut améliorer. Après, je vous laisse l’initiative des différents débats. » Le premier a pour sujet Benjamin Pavard, impliqué sur le but inscrit par Craig Goodwin en début de match. S’il faut aussi noter le manque de pression exercée au début du mouvement sur le lanceur australien Harry Souttar, il semblerait que le défenseur du Bayern ait perdu quelques points et qu’il devrait cette fois filer sa chasuble de titulaire à Jules Koundé. Tout sauf une folie : après l’entrée de Theo Hernandez mardi soir, l’animation avec ballon des Bleus est devenue un clair 3-4-2-1 où Pavard venait se resserrer dans l’axe aux côtés d’Upamecano et Konaté.
Koundé connaît parfaitement ce type de mission et n’aurait pas à assumer comme à l’Euro l’animation d’un couloir dont la propriété est aujourd’hui celle d’Ousmane Dembélé. Dans la journée de jeudi, il existait un petit doute sur le maintien de la dynamite du Barça pour le match face au Danemark, mais ce doute semble désormais écarté, Kingsley Coman ayant ressenti une petite gêne et Dembélé ayant été arrosé de louanges depuis l’arrivée des Bleus au Qatar. L’autre grand débat est plutôt de savoir comment davantage sécuriser un milieu qui a parfois été piqué dans le dos d’Antoine Griezmann, un joueur qui a passé sa carrière à défendre en avançant et à qui Didier Deschamps a cette fois demandé de défendre en se replaçant aux côtés d’Aurélien Tchouaméni, ce qu’il n’a pas toujours réussi à tenir. Samedi, Griezmann, qui a tout de même brillé de mille feux dans un rôle à la Di María 2014, pourrait échanger sa position avec celle d’Adrien Rabiot, patron contre l’Australie (plus de douze bornes avalées, une cinquantaine de sprints réalisés, un but, une passe décisive, de bonnes projections, du volume défensif), ce qui lui permettrait de se replacer de façon plus naturelle à gauche d’un 4-4-2 et non dans l’axe, mais ce qui impliquerait aussi une bonne répartition des zones avec Kylian Mbappé. À suivre.
« On jugera quand on aura affronté des difficultés »
Au-delà du jus de crâne tactique, dont on ne peut exclure la décision que Deschamps doit prendre avec un Raphaël Varane, patron défensif inquestionnable lorsqu’il est à 100% et qui tape de nouveau à la porte du onze, un étrange sentiment flotte toujours au-dessus d’un groupe qui a rapidement choisi de ne pas s’enquiquiner avec le storytelling alors qu’il a dû digérer cette semaine le départ douloureux de Lucas Hernandez. Tout est pour le moment réglé comme du papier à musique : les jeunes couteaux (Upamecano, Thuram, Guendouzi) sont venus étaler le beurre – et un peu de leurs ambitions, eux qui, selon Lloris, « prennent l’initiative d’aller en salle dès le matin pour se préparer » – entre les deux matchs aux côtés du nouvel adulte Ousmane Dembélé, là où des cadres à qui on n’apprend plus à faire la grimace (Lloris, Rabiot, Giroud, Pavard) ont assuré le digestif et distribué les images. Le premier crash-test de cette troupe, qui, contrairement à ce qu’il s’est passé il y a quatre ans en Russie, a pu voir ses 26 membres s’oxygéner auprès de leurs proches pour tuer des journées pouvant être « un peu longues » (Guendouzi), devrait permettre d’extraire un peu de jus. « On jugera vraiment ce groupe quand on aura affronté des difficultés », confirme Hugo Lloris. Que tout le monde se rassure : elles devraient tomber par grappes sur le gazon samedi face à un Danemark casse-tête et sûr de ses forces après avoir pourtant été sévèrement secoué par l’énergie tunisienne lors de son entrée en lice. Tout est dressé pour que cette étape de montagne soit un instant phare de ce premier tour, un moment de vérité pour un groupe dont il est encore difficile de mesurer les frontières dans un Mondial où le concept de « petites nations » a explosé en vol, mais qui, avec une sixième participation consécutive, pourrait s’offrir une photographie plus nette. Et plus que tout le reste, c’est avant tout ce qui compte.
Par Maxime Brigand, à Doha