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Bleus : la vie en grand écart
Privé de Paul Pogba, N'Golo Kanté et Kylian Mbappé, entre autres, Didier Deschamps voit cette semaine son groupe vivre entre la résurrection des blessés d'hier (Tolisso, Coman) et la fraîcheur des nouveaux. Au milieu, c'est surtout une équipe qui travaille son style et qui reçoit mardi soir Andorre pour compléter une rentrée positive.
Impossible de faire plus grand écart. À l’extrême gauche : un explorateur de 21 ans aux yeux écarquillés, qui avoue ne pas être « à l’aise devant la caméra » , mais qui a fait péter les projecteurs dès ses premières minutes dans le bain international. Dans la foulée de sa première sélection, samedi soir au stade de France face à l’Albanie, Jonathan Ikoné s’est pointé dans les couloirs de Saint-Denis et a eu envie de tout casser. « J’ai envie de crier, a même averti l’attaquant du LOSC, avant de se reprendre. Il faut garder son calme, ce n’est qu’un but. » Parce qu’il était certainement devant sa télé le 7 juin 2011 le soir d’un Ukraine-France (1-4) qui avait vu Marvin Martin et Younès Kaboul marquer la nuit de leur première sélection, Ikoné sait que le foot pro est un western où chaque individu peut disparaître aussi vite qu’il est apparu. Partant, le natif de Bondy est venu cette semaine pour apprendre, choper de nouveaux repères et mesurer ce qui le sépare des autres. Alors ? « Ça va vraiment très, très vite ici, soufflait-il jeudi dernier. L’intensité aux entraînements… Les joueurs comprennent tout. C’est plus rapide : une touche de balle, deux touches maximum, tu n’as jamais le temps de réfléchir. En dehors du terrain, c’est leur sérieux qui impressionne. Ils sont tous là à l’heure. Enfin non, ils sont même en avance, et il y en a qui restent quand l’entraînement est fini pour travailler. Il faut prendre exemple sur eux. » L’exemple, c’est l’extrême droite, représentée cette semaine par deux hommes – Corentin Tolisso et Kingsley Coman – et une histoire : celle des ressuscités.
« Une blessure, ça forge un mental »
Alors que l’équipe de France est actuellement au beau milieu de son parcours qualificatif à l’Euro 2020 et qu’elle a confirmé ce week-end contre l’Albanie (4-1) que sa défaite de juin en Turquie (0-2) n’était qu’un accident, assez gros pour être qualifié de « plus mauvais match de l’équipe de France depuis vingt ans » par Noël Le Graët, voilà que Clairefontaine est devenu un nid à histoires, avec sujet imposé : la reconstruction du corps blessé. Premier corps, celui de Tolisso, absent d’une feuille de match des Bleus depuis un Allemagne-France joué en septembre 2018, neuf jours avant de se rompre les ligaments croisés. Titularisé samedi, le joueur du Bayern, excellent pour son retour, est venu raconter le lendemain son année galère : « On ne sait jamais comment ça peut se passer après une blessure. Je savais que ça allait être dur au regard de la concurrence. Émotionnellement, ce retour, c’était très fort, parce que j’aime le foot, j’aime jouer pour l’équipe de France, et ne pas venir ici pendant un an, c’était très, très compliqué. Durant l’hymne national, en regardant mes parents et mes amis, qui m’ont beaucoup aidé, c’était très fort. J’étais fier d’être là. Une blessure comme ça, ça forge un mental. »
Le mental, c’est aussi ce qui a permis au deuxième corps scruté de la semaine, celui d’un Kingsley Coman privé de Coupe du monde 2018 à cause de blessures à répétition et qui n’avait marqué qu’un but en 17 sélections avant son doublé du week-end, de se relever. Un match et revoilà Coman transformé en question pour Didier Deschamps : si l’attaquant du Bayern conserve un tel niveau, peut-il, même lorsque Kylian Mbappé sera de retour, forcer le sélectionneur à bousculer l’équipe type qu’il tient du bout des doigts depuis le sacre de Moscou pour lui faire une place ? Réponse du chef lundi, à la veille du France-Andorre qui nous attend mardi soir : « Évidemment que ceux qui sont là ont l’opportunité de se mettre en valeur à travers le collectif et c’est le cas de Kingsley. Je suis content pour lui, parce qu’il était embêté par les blessures depuis un moment. Ce qu’il a réalisé samedi, c’est à l’image de ce qu’il fait avec son club : il a réussi à ajouter l’efficacité à la capacité d’élimination qu’il avait déjà. C’est important quand on est un joueur offensif. » Après le match, samedi, Antoine Griezmann, lui, a parlé de Coman comme d’un « profil à part » . Mais alors, si tout va bien, si l’ancien joueur du PSG brille lorsqu’on l’aligne, qu’il est performant en club, qu’il apporte une nouveauté, comment l’utiliser ? La réussite du système du week-end – un 4-4-2 avec deux offensifs (Lemar et Coman) excentrés – donne des envies d’encore, mais une performance individuelle peut-elle remettre en cause toute une organisation ?
Coman, pour ouvrir un débat
On est tenté d’y croire car, comme le dit Griezmann, Coman apporte une nouveauté et semble être, au contraire de Thauvin ou de Lemar, capable d’éveiller un débat autour de sa présence dans le onze. Pourquoi ? Parce que l’attaquant du Bayern sait jouer entre les lignes, offre du mouvement, de la percussion, est efficace et ne déçoit que rarement lorsqu’il est à 100% de ses capacités là où Ousmane Dembélé brille par son intermittence. Ainsi, l’inclure dans le onze conduirait à des mouvements brutaux, car avec un milieu à deux têtes, Deschamps serait obligé d’en sacrifier un, et cela pourrait être Blaise Matuidi. Pas simple, mais pas inenvisageable. Dans ce cadre, comment aborder ce France-Andorre ? Comme un « match à trois points » (Lloris) lors duquel Didier Deschamps devrait tenter de nouvelles choses et faire bosser de néo-circuits à une équipe qui a franchi un cap dans « la maîtrise » pour perdurer. « On n’a pas toujours su être aussi performants que samedi sur la durée d’un match, a expliqué le sélectionneur lundi. Depuis le titre de champion du monde, on a grandi dans la circulation du ballon, la prise d’initiative et on sait jouer contre des blocs plus regroupés. Ce match contre Andorre doit nous apporter une autre réponse. » Peut-être aussi de nouvelles questions entre les petites histoires.
Par Maxime Brigand