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Bleus : Albanie soit qui mal y pense
Pour l'équipe de France, la rentrée des classes suppose plusieurs choses : reprendre le fil de son histoire, retrouver son allant et préparer l'avenir. Mais face à l'Albanie, ce samedi soir, les hommes de Deschamps devront surtout passer une épreuve de rattrapage et faire comprendre à tout le monde que la défaite en Turquie restera sans conséquence.
Dans la légende du sélectionneur Deschamps, l’Ukraine est souvent présentée comme l’étape fondatrice de son odyssée. Il y a du vrai, car l’électrochoc du barrage retour du 19 novembre 2013 était crucial dans son roman. Mais au-delà de ce barrage homérique, le commandant Deschamps a croisé dans son parcours d’autres adversaires chimériques. L’Albanie et son aigle noir bicéphale font partie de ceux-là. Une équipe qui a souvent été opposée aux Bleus dans son histoire récente et qui a laissé quelques souvenirs marquants. « On ne doit pas sous-estimer l’Albanie, martelait Hugo Lloris ce vendredi.Je les ai affrontés cinq fois dans ma carrière et rien n’a jamais été facile contre eux. » Dans le rétro du capitaine : il y a surtout deux amicaux sur la route de l’Euro 2016, où les hommes de Deschamps se sont à chaque fois englués dans le bloc albanais (un nul 1-1 à Rennes en novembre 2014 et une défaite 0-1 à Elbasan en juin 2015), mais surtout ce match en phase de groupes à Marseille. Une rencontre qui a été une pierre importante dans l’édifice qu’elle a construit.
Un aigle noir comme une tache d’encre
En ce 15 juin 2016, après une première victoire étriquée face à la Roumanie (2-1), la France jouait à se faire peur face aux coéquipiers de Lorik Cana. Et il aura fallu deux buts tardifs d’Antoine Griezmann et de Dimitri Payet (90e et 96e) pour valider le ticket en phase finale. Celui-ci en poche, la Dèche pouvait se réjouir d’avoir trouvé « un groupe de compétiteur » , sachant faire preuve de « patience face à des adversaires qui sont là pour défendre » . Le genre de situation qu’il faut savoir gérer quand on veut être une nation dominante. « J’aime ça, je veux les voir comme ça, souriait-il. Tant que l’arbitre n’a pas fini, il y a toujours la possibilité. C’est toujours la dernière impression qui reste. Je sais que ça ne sera jamais parfait, on peut toujours faire mieux. Mais c’est déjà bien ce qu’on a fait, jusqu’à aujourd’hui… » Pourtant le héros du soir, Antoine Griezmann, et Paul Pogba avaient commencé cette rencontre sur le banc, comme un rappel à l’ordre des attentes que Deschamps avait envers ses deux joueurs.
Avec un peu de recul, ce match a clairement servi de détonateur, nécessaire pour exploser quelques blocages. Et la façon dont le stade Vélodrome a été libéré ce soir-là a certainement quelque chose à voir avec le sacre mondial acquis deux ans plus tard en Russie. Deux leaders techniques appelés à devenir des leaders tout court, mais aussi l’adhésion du public, de la niaque, du pragmatisme et surtout une force mentale, qui depuis a rarement été prise à défaut. Pourtant, ce caractère, c’est justement ce qu’il a manqué aux Bleus lors de leur dernier rendez-vous. Puisque le sélectionneur disait que « c’est toujours la dernière impression qui reste » , les coéquipiers d’Antoine Griezmann – cette fois sans Paul Pogba dans les parages, puisque forfait – devront rassurer sur ce terrain-là en cette rentrée des classes. Bouffés à l’envie par les Turcs au mois de juin, les Bleus ont certes repris leurs esprits en Andorre (4-0) avant de filer en vacances, mais sont amenés à confirmer au Stade de France que cet accroc n’était qu’un accident de parcours. Avec une fois encore l’Albanie en guise de test psychologique.
En gros caractère
Didier Deschamps n’a « pas de craintes » , ses gars ont déjà prouvé qu’ils étaient capables de rebondir rapidement, et assure que le piège de Konya est bel et bien digéré. « On ne peut pas dire que l’équipe de France a un manque de caractère, répliquait-il en conférence de presse. En Turquie, c’était le néant, mais le caractère, on l’a à tous les matchs. Le haut niveau a besoin de ça. On avait des déficits techniques et physiques en Turquie. On sait ce qu’on doit faire pour se maintenir au plus haut niveau. » Même privé de son duo totémique du milieu Pogba-Kanté et amputé de sa fusée Mbappé, Deschamps pourra compter sur une colonne vertébrale qui s’est formée sur ces épreuves du feu. Lloris, Varane, Matuidi, Sissoko, Griezmann ou Giroud en ont vu d’autres et savent que l’échec turc n’est en rien rédhibitoire : il y a six points à prendre avant un déplacement périlleux en Islande et la revanche contre la Turquie. « En septembre, il faut assumer les contre-performances du mois de juin. On a des absents, des joueurs importants, d’autres ont été appelés et ont la confiance du sélectionneur, récapitulait Lloris. On veut gagner ces deux matchs, à nous de faire place aux actes. » Et si tout se passe bien, ce match contre l’Albanie ne sera qu’un sous-chapitre dans l’œuvre de Deschamps.
Par Mathieu Rollinger