ACTU MERCATO
Bleu, blanc, rouge, lui c’est Djibril le Français
Fraîchement arrivé à Bastia, Djibril Cissé enfilera ce week-end le dixième maillot de sa carrière en club. Suffisant pour entendre ça et là que « la Djib’ » est un globe-trotteur. Mais si son passeport a plutôt tendance à justifier cet affreux qualificatif, sa motivation, elle, est toujours restée la même : le créateur de Mr Lenoir veut être vêtu de bleu.
Comme lors de son arrivée à Sunderland, au Pana, à la Lazio, à QPR, Djibril Cissé en a parlé lors de sa présentation à Bastia. Il en a également parlé en fin d’année dernière, une fois la morose saison du Kuban Krasnodar terminée. En vrai, l’ancien Marseillais a également dû en parler à son repas de Noël, entre le foie gras et la dinde, puis le soir du Nouvel An, au moment où ses proches se demandaient quoi lui souhaiter de bon pour 2014. Seul, dans son bain, il en parle probablement. Il en rêve, aussi, sûrement. Fashion victime pour les uns, DJ pour Louis Nicollin, dos le plus tatoué depuis Michael Scofield, héros de Prison Break, pour les autres, Djibril Cissé, père aimant et footballeur passionné, n’a qu’un véritable amour dans sa vie : l’équipe de France. En pleine bourre comme au fond du gouffre, sur la Canebière, au Qatar ou au fin fond de la Russie, l’ancien Auxerrois n’est pas du genre à abandonner. Comme Aladin et Jasmine, son rêve est bleu et il n’est pas prêt à le lâcher.
Crac-crac et caramels
94 caramels et pas que des mous. Djibril Cissé en Ligue 1, c’est un homme qui a martyrisé les gardiens autant que les ballons Uhlsport si chers à Guy Roux. Prince de la mine, apôtre de la chiche, celui qui est également passé par Marseille, son club de cœur, est donc un homme d’objectifs. Les 100 buts en Ligue 1 dans l’immédiat et l’équipe de France en fil rouge d’une carrière aussi mystérieuse qu’intéressante. 94 pions inscrits en six saisons et en 186 rencontres – soit un peu plus d’un but tous les deux matchs – qui lui ont permis de toucher son rêve du doigt. Le calendrier indique la date du 18 mai 2002 quand Djibril l’Auxerrois remplace David Trezeguet à la mi-temps d’un France-Belgique et honore sa première sélection. Le début d’une histoire d’amour à rebondissements, d’un « je t’aime moi non plus » passionnant où les crac-crac ont plus souvent été synonymes de fracas que de jouissance.
Avant cette inoubliable fracture du tibia face à la Chine, lors d’un match de préparation d’un Mondial 2006 qu’il devait disputer, il y avait eu cette expulsion face au Portugal chez les Espoirs, qui le priva d’Euro 2004. Devancé par Bafé Gomis, la Djib loupe sa troisième grosse compétition lors de l’Euro 2008, mais trouve, comme toujours, le moyen de rebondir. En 2010, après un nouveau choix de carrière controversé (son prêt de Marseille à Sunderland avait déjà fait parler les bavards), le Cissé du Pana, meilleur buteur du championnat grec, barre Karim Benzema et s’envole pour l’Afrique du Sud. Après deux années passées en Grèce, Cissé s’envole pour la Lazio avec un seul but : disputer l’Euro 2012. À la mi-saison, Djibril, auteur d’un petit but sous la tunique laziale, met les voiles direction l’Angleterre et QPR. La raison ? Pas à son aise, il ne plante pas assez pour être sélectionnable. Finalement, Djibril n’ira pas à l’Euro 2012. Une nouvelle désillusion internationale qui ne le fera pas broncher : il savait bien qu’il ne le méritait pas. Trop irrégulier, trop utilisé sur les ailes alors qu’il est davantage fait pour être encore plus au centre que Bayrou, Djibril Cissé est lost in translation à Al Gharafa puis à Krasnodar. En Russie, il voulait jouer la Ligue Europa. À Bastia, il remet un peu de normalité dans une carrière à l’image de son amour pour les Bleus : totalement fou.
Le troisième type
« J’ai un objectif – tout le monde le sait – qui est justement cette couleur bleue. J’aime le bleu. Et je ferai tout pour porter ces deux maillots bleus cette saison. Je suis un amoureux de l’équipe de France » . Lors de sa présentation officielle au stade Furiani, Djibril Cissé a donc rappelé ce que personne n’avait oublié. Lui qui, un soir de 0-0 entre la France et la Géorgie, postait sur son compte Twitter une photo de lui avec le maillot bleu assortie d’un « je ne lâcherai jamais » de rigueur. À cette époque, l’attaque de l’équipe de France connaît une période de disette. Ni Giroud ni Benzema n’y arrivent. Et c’est là que le lobbying et l’amour de Cissé pour le maillot bleu payent. Ils seront probablement trois avants-centres à partir au Brésil. Une place libre pour Gignac, Gomis ou Cissé, pour ne citer qu’eux. Amené à peu jouer, le troisième attaquant peut être un type d’expérience, un homme de devoir ou un gagneur. Djibril répond à tous ces critères. Au fond, seul Loïc Rémy, en pleine bourre avec Newcastle, mais souvent utilisé à droite en bleu – Griezmann évoluant également sur un côté la plupart du temps avec la Sociedad – peut faire de l’ombre au corps tatoué de Cissé si celui-ci claque une bonne saison. Et quand pour certains, avec des si, on peut mettre Paris en bouteille, Cissé, lui, a décidé de supprimer la conjonction de coordination de son vocabulaire. « Je sais que je pars de loin, que j’ai beaucoup à faire, mais je sais que dans un bon jour et au bon moment, je peux faire mal » . Et comme dirait Magali Noël, dans un délicieux duo avec Boris Vian :Fais-nous mal, Djibril.
Par Swann Borsellino