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Blackface, le maquillage qui fait tache
À chaque jour, sa nouvelle affaire. Cette fois, la FIFA est aux prises avec des associations qui demandent des sanctions à l'encontre du phénomène des Blackfaces, une pratique de certains supporters qui consiste à se maquiller en noir...
Le Mondial des polémiques ? Après les accusations visant les supporters mexicains pour un chant à caractère homophobe, ou l’irruption d’un fan polonais supposément lié à un courant néo-nazi lors d’Allemagne-Ghana, voici que la FIFA ouvre une enquête sur les Blackfaces. En cause, ces supporters qui se peignent le visage en noir lors des matchs, visés pour discrimination raciale.
« C’est une forme de discrimination explicite »
Concrètement, l’association FARE (Football Against Racism in Europe) a contacté la FIFA pour lui signaler la présence de supporters grimés en noirs lors des rencontres Allemagne-Ghana (2-2), France-Suisse (5-2) et Belgique-Russie (1-0), comme l’explique Piara Powar, porte-parole de l’association : « Il y a eu huit Allemands, des Français et des Belges. C’est la première fois que l’on en voit en aussi grand nombre, et touchant un aussi grand nombre de pays. Nous ne savons pas pourquoi ils font cela. C’est difficile à dire. Je ne sais pas s’ils se permettent de faire cela car ils sont au Brésil, dont la population est à majorité noire. Peut-être ont-ils pensé que c’était un moyen de souligner leur appréciation de la culture noire. »
De fait, sur les réseaux sociaux, nombreuses sont les photos où l’on voit certains supporters allemands, perruques et peinture noire sur le visage, poser avec des locaux dans une ambiance plutôt joviale, ce qui ne surprend pas pour autant Powar : « Le message délivré est imprégné de stéréotypes. Bien sûr, ce n’est pas aussi évident qu’une bannière faisant référence au nazisme, ou un T-shirt imprimé d’une Svastika, par exemple. Donc certaines personnes, dont des personnes noires, ne voient pas cela d’un mauvais œil et prennent même des photos avec eux. Mais c’est une forme de discrimination explicite. Même si le but premier n’est pas de discriminer, cela ne signifie pas que cela peut devenir une discrimination claire. »
« la FIFA a apparemment fermé les yeux »
Si la question fait peu réagir en Allemagne et en France, les réactions se font plus virulentes dans les pays anglo-saxons, où le maquillage noir et les Blackfaces rappellent la forme théâtrale du même nom, très populaire lors de la ségrégation raciale aux États-Unis du dix-neuvième siècle, époque où les comédiens blancs se grimaient en Noirs avant d’enchaîner les stéréotypes. Ainsi, dans son billet pour Al-Jazeera America, le journaliste Sean Jacobs parle d’ « une victoire de la France contre la Suisse souillée par le comportement de trois de ses fans, maquillés en noir pour se moquer de la religion « Candomblé ». (…) Non seulement la FIFA a apparemment fermé les yeux sur ce comportement, mais les médias l’ont également largement ignoré. » En effet, c’est avant tout le comportement de la FIFA qui est au cœur de la cible. À de nombreuses reprises, l’institution a maintenu qu’elle appliquerait une tolérance zéro sur toutes les formes de discrimination. Ainsi l’article 3 des statuts de la FIFA précise bien que « toute discrimination d’un pays, d’un individu ou d’un groupe de personnes pour des raisons de couleur de peau, d’origine ethnique, géographique ou sociale, de sexe, de langue, de religion, de conceptions politiques ou autres, de fortune, de naissance ou autre statut, d’orientation sexuelle ou pour toute autre raison est expressément interdite, sous peine de suspension ou d’exclusion. »
De plus, si au nom du code de conduite au stade pour la Coupe du monde, les fans nigérians se sont vu refuser l’accès au stade avec des instruments de musique ou encore des bouteilles d’eau achetées en dehors de l’enceinte, les Blackfaces ne rencontrent aucun obstacle au moment d’accéder aux tribunes. Une attitude « deux poids – deux mesures » que semble regretter Powar : « Nous ne savons pas si la FIFA va prendre des mesures. Nous devons attendre pour voir ce qu’il va se passer. Ils n’ont pas réagi aux chants mexicains. Ils ont dit qu’ils ne considéraient pas cela homophobe dans ce contexte précis. » Avant de rappeler son combat : « Nous pensons que c’est inapproprié, et nous comprenons totalement les gens qui perçoivent ces gestes comme racistes. Généralement, les gens des pays hôtes sont très réticents à l’idée de se mettre les touristes à dos. Si vous demandez au gouvernement brésilien sa position sur la question, je pense que vous aurez une réponse très claire. » Manquerait plus que les Mexicains s’y mettent…
Par Paul Piquard