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  • SoFoot n°64
  • Avril 2009

Black is beautiful

Par
Black is beautiful

L'Angleterre peut crâner: les crispations racistes et identitaires qui entourent l'équipe de France, elle les regarde de haut. Menée par l'étranger Fabio Capello, sa sélection ne s'est jamais sentie aussi proche de pouvoir ramener à nouveau la Jules Rimet à Buckingham Palace. Avec une majorité de joueur noirs, oui, et alors?

Micah Richards, Rio Ferdinand, Glen Johnson, Joleon Lescott, défenseurs. Shaun Wright-Phillips, Aaron Lennon, Jermaine Jenas, milieux de terrain. Theo Walcott, Gabriel Agbonlahor, Jermaine Defoe, Ashley Young, attaquants. Lors de la prochaine coupe du monde sud-africaine, l’équipe nationale d’Angleterre pourrait se présenter avec un onze presque entièrement constitué de joueurs noirs. Une petite révolution dans un pays où les footballeurs de couleur durent attendre les seventies finissantes pour voir l’un des leurs revêtir la tunique aux Trois Lions. C’était en 1978 et Viv Anderson, le défenseur de Nottingham Forrest, brisait un tabou vieux de presque un siècle. « Qu’il soit jaune, violet ou noir, si un joueur est assez performant pour jouer pour l’Angleterre, je le convoque » , désamorçait alors son coach Ron Greenwood.

Avant Anderson, Jack Leslie aurait déjà pu entrer dans l’histoire dès les années 20. Mais l’attaquant de Plymouth, annoncé retenu sûr par son manager, vit sa convocation atterrir au dernier moment dans les mains du visage pâle Billy Walker, anonyme buveur de bière d’Aston Villa. Motif: la fédération anglaise ne souhaitait pas d’un « homme de couleur pour représenter le pays » . Autres temps, autres mœurs. « Jusque dans les années 80, on disait que les blacks ne pouvaient jouer qu’à des postes où il faut courir et ne pas réfléchir. Tu pouvais jouer ailier ou défenseur, mais pas meneur de jeu ou gardien de but. Ça limitait les perspectives » , explique John Barnes. Le John Barnes de Liverpool, régulièrement arrosé de peaux de bananes, bercé par des cris de singe, et dont le but maradonesque inscrit en 1984 au Maracanã de Rio lors d’un Brésil-Angleterre n’a jamais été vraiment pris en compte par les supporters britanniques, qui considèrent encore aujourd’hui que le score final de la partie fut 0-1, but de Hateley – et non 0-2.

Les skins de l’Inter City Firm

Posez pourtant la question de la représentation aujourd’hui aux Anglais, ils vous regarderont avec des yeux grands comme ça. Une majorité de noirs en équipe d’Angleterre? So what? En 2002 déjà, lors du Mondial asiatique, Sven-Göran Eriksson avait aligné ensemble face au Brésil Kieron Dyer, Ashley Cole, Sol Campbell, Rio Ferdinand, Emile Heskey et Darius Vassell sans qu’aucune voix réactionnaire ne vienne radoter dans le poste. « Ce que redoutent les supporters anglais, ce n’est pas de voir évoluer onze noirs, c’est de soutenir une formation qui ne passera plus jamais les quarts de finale en Coupe du Monde. La couleur de ceux qui portent le maillot de la sélection ne fait pas débat. Ce que veulent les fans, c’est, avant tout, remporter un putain de trophée » , s’amuse l’écrivain Ben Lyttleton, auteur de l’exquis Match of My Life. Vu comme ça, on comprend mieux comment Clyde Best, le buteur originaire des Bermudes du West Ham des seventies, a pu être adulé des années durant chaque samedi soir par les skinheads de l’Inter City Firm, la frange des hooligans hardcore des Hammers – des types qui prenaient par ailleurs leur pied en semaine à jouer de la barre de fer dans les manifestations des ultrationalistes du sinistre British National Party.

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C’est que phénomène rassurant pour les chaumières, les internationaux noirs britanniques – Agbonlahor excepté – ont un nom à consonance anglaise, sont chrétiens, issus pour certains de la classe moyenne, descendants de la troisième, voire de la quatrième génération des immigrants des Caraïbes anglophones, des pays où l’on s’adonne au cricket et où l’on roule à gauche. Forcément, ça aide. « Moi, je ne me considère pas comme un noir. Ma mère est blanche, mon père est noir. Ferdinand, Brown, entre autres, ne sont pas noirs, mais métisses. C’est une non-question » , atteste David James, le fantasque portier de la sélection. Historiquement, les conflits de la société anglaise dérivent davantage des rapports de classe que des origines ethniques. Ainsi, un Wayne Rooney renvoie plus l’image du jeune de quartier à l’enfance difficile qu’un Theo Walcott, élevé dans la middle-class de Southampton. Contrairement à la France, cette nouvelle génération de joueurs noirs n’a d’ailleurs pas d’accointances particulières avec une culture banlieue qui n’existe pas en Angleterre. Tout au plus zonent-ils devant MTV et conduisent-ils des hummers customisés. Des beaufs comme les autres, en somme.

« Non-white » et « mix-raced »

Pourquoi la génération la plus à même d’amener l’Angleterre sur le toit du monde dans une paire d’années est-elle principalement noire? D’abord, parce que le champ d’action des gros centres de formation est limité géographiquement par le règlement de la fédération. Les recruteurs sont ainsi tenus de respecter un périmètre kilométrique pour dénicher les jeunes pousses. Impossible par exemple pour les émissaires d’Aston Villa de sillonner la côte pour découvrir la perle rare. Les grosses écuries se retrouvent dès lors contraintes de fouiner davantage dans les quartiers. « Dans la rue, on voit plus de jeunes noirs ou métisses jouer au foot, alors que les blancs s’orientent vers le squash ou le tennis. Plus il y a de noirs à la base, plus il y en a à la sortie, c’est logique » , analyse David James. L’émergence, dans les années quatre-vingt-dix, d’icônes blacks telles que John Barnes, Les Ferdinand, Ian Wright ou Paul Ince n’est pas non plus étrangère à l’éclosion de jeunes « non-white » ou « mix-raced » , pour reprendre les expressions britanniques. Enfin, il y a l’éternelle théorie qui dérange, celle sur les inégalités ethniques devant Mère Nature, à laquelle s’essaye néanmoins John Barnes: « Physiquement, les Africains, de l’ouest notamment, et les Caribéens sont plus adaptés au football. Si on regarde les champions de 100m anglais, ils sont tous noirs, c’est un fait » . Rien n’indique néanmoins que la tendance deviendra durable. Des moins de 21 ans au moins de 16, les noirs sont plutôt minoritaires dans les catégories inférieures de la sélection aux Trois Lions.

Où sont passés les coaches noirs?

Reste ce constat: même dans ce supposé meilleur des mondes britannique, les entraineurs de couleurs connaissent les mêmes difficultés à accéder à la reconnaissance que les joueurs d’il y a vingt ou trente ans. David James a beau avancer que nommer des barbares comme Capello ou Eriksson à la tête de la sélection constitue un geste « plus osé que de mettre un noir sur le banc » , le fait est là. « Pour ma part, ces neuf dernières années j’ai essayé de devenir coach en Angleterre, confesse John Barnes. De la même façon qu’on ne donnait pas leur chance aux joueurs noirs dans les années 70, les coaches blacks n’ont pas d’opportunité aujourd’hui en Angleterre. Pour l’instant, on ne voit des noirs que sur les bancs des équipes de jeunes ou de réserves » . Barnes, par exemple, a été obligé de retourner dans son pays natal, la Jamaïque, pour trouver un poste d’entraîneur. Peut-être est-il mauvais. Peut-être aussi est-ce le signe que le fantôme de Jack Leslie rôde toujours.

Par Marc Hervez et Pierre Maturana

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