- Tour de France 2020
Bjørn Wirkola, sauteur à ski et foobtalleur
Si Primož Roglič a commencé par une carrière de sauteur à ski prometteuse, l'actuel deuxième du Tour de France n'est en réalité pas un cas isolé. Notamment en Norvège, où de nombreux sportifs ont excellé dans au moins deux disciplines à la fois. C'est le cas de Bjørn Wirkola, double champion du monde de saut à ski en 1966, puis champion de Norvège avec Rosenborg cinq ans plus tard.
Ce dimanche, après l’ascension délicate du col de la Hourcère, long de onze kilomètres et d’une déclivité moyenne de 8%, Primož Roglič aura l’occasion de semer certains de ses adversaires. Car avant de tomber nez à nez avec le col de Soudet, le leader de la Jumbo-Visma fera face à une descente longue de cinq kilomètres. Un exercice qui lui sied parfaitement puisqu’il peut mettre à profit ses qualités d’ancien sauteur à ski de haut niveau. Un sport qui paraît aux antipodes du cyclisme sur route. Pourtant, le Slovène a été champion du monde junior de saut à ski en 2007, quelques semaines avant de se prendre une gamelle monstrueuse sur le tremplin mythique de Planica.
Durant sa rééducation, Roglič se met au vélo et n’en descendra plus jamais, au point de délaisser les skis en 2011, avant de devenir près de dix ans plus tard un des grands favoris du Tour de France 2020. Une trajectoire étonnante qu’il n’est pas le seul à avoir entrepris, puisque bien avant lui, Bjørn Wirkola, légende vivante du saut à ski norvégien, était également un redoutable attaquant du club de Rosenborg.
Il a donné son nom à une expression…
Contrairement au cycliste slovène de la Jumbo-Visma, Bjørn Wirkola est avant tout connu pour sa carrière de sauteur à ski. Ses premiers succès sur les tremplins remontent à 1961, alors que le natif d’Alta à tout juste dix-huit ans. Trois ans plus tard, le voilà déjà aux Jeux olympiques d’hiver d’Innsbruck. Il ne gagne rien, mais une étoile filante est née en Norvège, là où le saut à ski et le combiné nordique sont nés. En 1966, aux championnats du monde d’Oslo, Wirkola glane la médaille d’or sur petit et grand tremplins, avant qu’entre 1967 et 1969, il ne remporte trois fois de suite la Tournée des quatre tremplins à Bischofshofen en Autriche, ce qu’aucun autre sauteur à ski n’a réussi à faire depuis.
Autant de succès qui en font alors une légende dans son pays, à tel point qu’il a même donné son nom à une expression désormais courante en Norvège, « sauter après Wirkola », qui désigne une tâche impossible à réaliser au vu de l’excellente prestation du concurrent précédent. Ses échecs aux JO de Grenoble en 1968 malgré son statut de favori, et à ceux de Sapponara où il a terminé à une décevante 37e place, n’ont presque jamais entamé sa réputation. Au contraire, il a su se réinventer en arrêtant le saut à ski, et en se consacrant pleinement à un deuxième sport un poil plus étonnant.
Avant d’être champion de Norvège avec Rosenborg
Bjørn Wirkola ne s’est évidemment pas mis au football du jour au lendemain. Le sauteur à ski norvégien le pratiquait en réalité lors des saisons estivales. Une pratique courante dans les années 1960-1970, puisque les compétitions de glisse n’avaient pas lieu toute l’année. Wirkola a commencé tout jeune au sein du club d’Alta, sa ville natale située tout au nord de la Norvège. Il a ensuite évolué au niveau amateur, au Melhus IL, équipe avec laquelle il a terminé meilleur buteur en 1970. La saison suivante, il met officiellement entre parenthèses sa carrière de sauteur à ski, et se consacre quasi complètement au football. Doué et réputé, il est repéré par le coach de Rosenborg, Nils Arne Eggen, une autre légende sportive norvégienne, qui le fait venir dans son équipe et n’hésite pas à le titulariser à la pointe de son attaque. Une drôle d’idée qui porte ses fruits immédiatement, car lors de la saison 1970-1971, Rosenborg remporte le championnat et la Coupe de Norvège.
Wirkola (troisième en bas, en partant de la gauche) avec Rosenborg en 1971
Buteur en finale contre Fredrikstad, il termine surtout meilleur buteur du club cette saison, et reçoit alors le prix Egebergs Ærespris qui récompense un athlète norvégien qui excelle dans plus d’un sport. Il succède à plusieurs grands athlètes du pays, dont le premier à avoir été couronné de ce prix en 1918, un certain Gunnar Andersen qui a réalisé en 1912 le record du monde de saut à ski alors qu’il jouait dans la sélection nationale norvégienne de football. Wirkola n’est donc pas le premier, mais c’est celui dont la carrière a eu le plus de retentissement au pays du soleil de minuit. Après ces titres et ce prix, Wirkola rechaussera une fois les skis en compétition, et restera surtout deux saisons supplémentaires à Rosenborg, avant d’intégrer son conseil d’administration. Aujourd’hui, à 73 ans, et après une double carrière sportive intense, il continue de suivre attentivement le parcours des sportifs de son pays. Que ce soit la défaite de la Norvège ce samedi à domicile contre l’Autriche (1-2), les sports de glisse en tout genre et même le Tour de France. Il a sans doute apprécié que son homologue norvégien Alexander Kristoff porte le maillot jaune à la suite de la première étape. Mais ça, c’était avant que la montagne arrive et que l’équipe de Primož Roglič dicte le tempo du peloton.
Par Maxime Renaudet