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Bissouma bisso
Pour sa première saison en Premier League, Yves Bissouma se régale avec Brighton. L’ancien Lillois (22 ans) continue ainsi sa progression fulgurante avec une mission qu’il a déjà connue dans le Nord de la France : la lutte pour le maintien.
Géographiquement, on pourrait parler de « derby de la côte sud » . Pour Bournemouth, ce déplacement à Brighton ne représente qu’une petite virée de 160 bornes. Une petite virée que les Seagulls entendent bien gâcher. Sur leurs trois affrontements depuis l’accession de Brighton en Premier League la saison dernière, les Cherries l’ont emporté deux fois et partagé les points une seule fois. Pire encore, les Bleu et Blanc n’ont plus gagné contre Bournemouth depuis 2008 ! Seule éclaircie au tableau : ce 5 janvier 2019, les mouettes étaient allées se goinfrer de cerises (1-3) au Dean Court. Mais c’était en FA Cup.
Dans la course à ce maintien pas encore acquis (Brighton compte deux matchs de retard, mais Cardiff, premier relégable, n’est qu’à cinq points), la victoire est donc impérative pour continuer à espérer de vivre une troisième saison de rang parmi l’élite. Un rendez-vous que ne manquera pas Yves Bissouma. Et pour cause : c’est face à Bournemouth que l’international malien a inscrit son seul but de la saison.
Pogba, Yaya et Bielsa
De par son rôle de milieu récupérateur, beaucoup aiment le comparer à Paul Pogba. Une flatterie, dont Yves Bissouma tient pourtant à se distancier : « Pogba est un grand joueur, mais nous n’avons pas le même style de jeu. Je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas. J’admire Paul Pogba, mais moi, je suis Yves Bissouma, c’est aussi simple que ça » , sourit le Malien de 22 ans, qui cite plus volontiers Yaya Touré dans le rôle du modèle : « Il m’inspire beaucoup. Nous avons le même rôle, nous jouons au même poste. Quand je regarde des matchs et que je vois qu’il n’est pas aligné, je suis déçu. »
Son poste se situe donc au milieu de terrain, personne n’en douterait aujourd’hui. Quoi qu’il y a quelques années, un homme a tenté de le replacer à une surprenante position de latéral droit : Marcelo Bielsa. Quand l’Argentin débarque à Lille en 2017, Bissouma compte déjà une année encourageante parmi les pros (23 matchs, deux buts), la suite logique de son atterrissage à Villeneuve d’Ascq, où il remporte le titre de champion de CFA 2 avec la réserve l’année précédente. Cette aberration, le Malien ne la comprend toujours pas aujourd’hui : « C’est un super entraîneur et une personne sympathique, mais sur ce point précis, on avait un tas de problèmes. Je suis heureux de pouvoir jouer pour l’équipe là où elle a besoin de moi, mais là ce n’était pas une question de dépannage : il disait sérieusement que je devrais faire carrière comme latéral droit. Je ne l’ai jamais compris. Ce n’était jamais méchant, mais on n’est jamais tombés d’accord à ce sujet, d’autant plus que l’on ne cessait de perdre. »
La suite, on la connaît : Christophe Galtier reprend les rênes du club nordiste et replace Yves Bissouma dans l’entrejeu. Le Malien retrouve alors ses marques et, même s’il ne marque pas beaucoup, sait se montrer décisif. Comme ce but égalisateur marqué face à Toulouse le 6 mai 2017, permettant au LOSC de finalement remporter une victoire cruciale pour le maintien en Ligue 1. De quoi lui rappeler tout le chemin parcouru du haut de ses 21 ans de l’époque : des parties disputées dans les rues de son quartier de Yopougon à Abidjan, de son exil du cocon familial à seulement treize piges lorsqu’il rejoint l’Académie de Jean-Marc Guillou au Mali, jusqu’à ses premiers pas avec l’AS Real Bamako en D1 locale et finalement, un deuxième exil, européen cette fois-ci et qui allait le mener tout droit vers la Premier League.
Matière première
Lorsque Brighton le signe à l’été 2018, Bissouma n’est encore qu’un môme et se prend une grosse pression sur les épaules. Financièrement parlant en tout cas, puisque les Seagulls le payent dix-sept millions d’euros, presque autant que le chèque envoyé au PSV Eindhoven pour Jurgen Locadia. Dans le Sussex, il débarque avec un piètre niveau d’anglais, mais peut compter sur le défenseur camerounais Gaëtan Bong pour s’intégrer dans le groupe : « C’est déjà un grand frère pour moi. Dès que je suis arrivé, il a pris soin de moi, m’a parlé de la Premier League et de la vie à Brighton et en Angleterre. Cela m’a beaucoup aidé. »
Depuis, son niveau d’anglais progresse. En tout cas, à en croire qui son entraîneur Chris Hughton, lequel en a fait l’un des éléments centraux de son effectif. « Il apporte quelque chose de différent à notre milieu de terrain. On doit le faire progresser dans le système que nous voulons jouer, mais il apprend tout le temps. Pour nous, il a toutes les caractéristiques d’un joueur très talentueux » , confie à son propos l’ancien international irlandais. La confiance est mutuelle, puisque de son côté, Bissouma voit Hughton « pas seulement comme un entraîneur, mais comme mon deuxième père » : « Dans ma jeune carrière, c’est le meilleur manager que j’ai eu. C’est un homme qui m’aide à comprendre les choses au quotidien et ne cesse d’explorer des voies pour que je me sente mieux ; pas seulement dans le football, mais dans ma vie en général. Quand nous sommes arrivés, ma famille a eu des difficultés à obtenir des visas et il est venu se battre pour moi. Et quand ma femme et moi avons eu notre premier enfant, il a envoyé une carte à la maison » , se souvient le diamant brut.
À quelques journées du terme, Yves Bissouma a déjà réussi sa première année outre-Manche, avec une demi-finale de FA Cup (perdue 1-0 contre Manchester City) en guise de point d’orgue. Désormais, celui qui participera cet été à la CAN avec les Aigles du Mali a une dernière formalité à remplir : sécuriser le maintien de Brighton en Premier League. Et stabiliser une jeune carrière qui a commencé de manière explosive.
« Alors comme ça j »ai rien dans le ventre ? »
Par Julien Duez
Tous propos recueillis par The Argus et The Guardian.