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Billy Ketkeophomphone : « J’ai un prénom, c’est juste Billy »

Propos recueillis par Théo Denmat
10 minutes
Billy Ketkeophomphone : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;ai un prénom, c&rsquo;est juste Billy<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Rare représentant de la communauté laotienne dans le championnat de France, Billy Ketkeophomphone est pourtant un joueur 100% « made in France ». Débarqué cet été au SCO d'Angers, il découvre aujourd'hui la Ligue 1 à son rythme : calmement, et avec recul.

Billy, il est exactement 13h35 au moment où l’on se parle (entretien réalisé le 03/09, ndlr). Si je te dis qu’un match international a commencé il y a 35 minutes, tu vois duquel on parle ?

C’est le match du Laos, non ?

Tu savais qu’ils jouaient contre la Corée du Sud ?

Ah non, je savais pas en revanche ! Ça va être compliqué du coup…

Tu aurais aimé être là-bas en ce moment ?

Oui, j’aurais aimé être avec la sélection. Malheureusement je ne peux pas participer à cause des papiers, donc je suis un peu sur la réserve. Là-bas, ils ne font pas la double nationalité, alors que j’aimerais bien avoir la nationalité franco-laotienne. Mais ce n’est pas accepté, alors je ne peux pas jouer.

C’est mort du coup ? Tu ne pourras jamais jouer pour le Laos ?

C’est mort pour le moment. J’ai fait la demande cet été avec mon agent et mes parents, la Fédération a dit que c’était pas possible, mais peut-être que ça se fera plus tard. On ne sait jamais, quoi. J’ai envie d’être sélectionnable.

Raconte-nous ton rapport avec le Laos.

Mes parents sont tous les deux laotiens. Ils sont nés là-bas et sont venus en France il y a une trentaine d’années. Je suis d’origine laotienne, du coup je voudrais représenter mes origines et celles de mes parents.

Tu y es déjà allé ?

Non jamais ! Mais j’espère y aller bientôt. On est une famille nombreuse, avec cinq enfants. On n’avait pas une situation financière… extra, donc c’est difficile de prévoir des grands voyages. Maintenant que je peux, je vais essayer d’y aller avec eux, mes parents et mes frères et sœurs. On est tous très liés par ça. Il y a juste un de mes frères qui y est allé il n’y a pas longtemps pour préparer son mariage, ce qui n’est le cas d’aucun de nous.

Il va se marier au Laos ?

Non, il se marrie en France, mais il est parti acheter des costumes là-bas !
J’avais l’habitude d’être loin de mes parents, même s’ils me manquaient tous les jours. Après, c’est aussi comme ça que l’on se forge son caractère et sa personnalité, qu’on devient un homme !

Quelle a été l’influence de tes parents dans la transmission de cette culture laotienne ?

Ils nous parlaient pratiquement tous les jours en laotien quand on était petits, donc aujourd’hui on le comprend et on le parle un peu. Ils ne voulaient pas perdre leurs origines, et tant mieux pour nous ! Il ne faut pas que l’on perde ça.

Tu suis les résultats de l’équipe nationale ?

C’est un peu difficile de les suivre, du coup non. Mais j’espère qu’ils vont arriver à se qualifier, même si ça va être très dur, c’est une petite sélection. Aller le plus loin possible déjà, ce serait bien.

Tu connais un peu l’histoire du football de là-bas ? C’est un sport qui prend beaucoup de place au quotidien ?

Sportivement, les clubs de football ne sont pas très populaires. Mais avec tout ce qui se passe médiatiquement dans le foot aujourd’hui, ça a pris un peu plus d’importance là-bas. On le voit sur les réseaux sociaux. Bon, maintenant, il faut que l’équipe nationale ait des résultats…

Au niveau de ta carrière, tu commences à Strasbourg en Ligue 2, en amateur, comment tu t’es retrouvé là-bas ?

Moi en fait, j’ai été préformé à Clairefontaine, pendant trois ans. Plusieurs clubs m’ont contacté pour entrer dans leur centre de formation, dont Strasbourg. J’ai fait toute ma formation là-bas et ça s’est super bien passé. Après, on connaît, hein, Strasbourg c’est le froid, surtout en hiver. Les conditions étaient quand même bien, avec de bonnes structures, de bons terrains : pour travailler c’était super.

Et la vie loin des parents ?

On était avec les potes dans les chambres du centre, mais c’est vrai que j’étais un peu tout seul au niveau de ma famille. C’était un peu plus facile pour moi, puisque j’avais l’habitude d’être loin de mes parents, même s’ils me manquaient tous les jours. Après voilà, c’est aussi comme ça que l’on se forge son caractère et sa personnalité. C’est comme ça qu’on devient un homme !

Tu exploses réellement en National où tu joues 29 matchs, 5 buts… mais le club finit en liquidation judiciaire. La tuile !

La saison se passe très bien, on loupe de peu la montée en Ligue 2 et on nous annonce la liquidation judiciaire. Bon, j’étais en fin de contrat, j’ai pu partir et signer en Suisse. D’ailleurs, j’espère que le club va remonter dans l’élite très bientôt, ce serait bien.

Qu’est-ce que tu te dis au moment de partir ?

Que c’est triste pour le club ! Ça laisse beaucoup de gens derrière : tous ceux qui travaillent, les joueurs, les supporters aussi… ça a touché pas mal de monde ! Après, il n’y a pas que Strasbourg dans le foot, il fallait vite se relancer et trouver un autre club. Je n’oublierais jamais ce que j’ai vécu là-bas, mes années de formation avec mes dirigeants, mes coéquipiers… Ces moments-là resteront gravés dans mon cœur.

Puis, après Sébastien Corchia et Yacine Brahimi en 1990 à l’INF Clairefontaine, tu as connu dans l’Est pas mal de joueurs qui ont réussi…

Oui, il y avait Magaye Gueye, qui est parti en Angleterre, Morgan Schneiderlin que je n’ai pas trop connu parce qu’il était déjà chez les grands quand je suis arrivé, en CFA et chez les pros. Sinon, il y avait Quentin Othon qui est aujourd’hui à Troyes, Jean-Alain Fanchone… pas mal de jeunes qui sont parvenus à devenir pros, ouais !
Je suis quelqu’un de discret, comme les Laotiens. On est des gens assez sympas, je pense, gentils… On est aussi très serviables et généreux dans la vie. C’est pareil sur le terrain

Pourquoi décider de partir à Sion ?

J’avais pas trop d’opportunités, en fait. J’ai foncé dès qu’ils m’ont proposé quelque chose, et je trouvais le projet intéressant. Ils jouaient la Ligue Europa… je n’ai pas hésité longtemps. Bon après, au niveau financier, je gagnais un peu plus, c’était intéressant. Mais je voulais surtout retrouver de la continuité, ils étaient bien dans leur championnat, affichés en Europe…

À ce moment-là, rebelote. Quand est-ce que tu apprends que le club est en fait interdit de recrutement ?

(Rires) Pendant la préparation, on est six nouveaux joueurs. On s’entraîne normalement en se disant que l’on va jouer, et juste avant le premier match de championnat, on nous informe que l’on n’a pas le droit de jouer ! Forcément, on n’était pas du tout au courant, on était surpris. On a essayé de patienter un peu, moi je trouvais le temps long… Personnellement, j’ai demandé à résilier au mois de janvier parce que j’avais besoin de temps de jeu, et vraiment envie de reprendre du plaisir.

L’entraîneur ne vous avait rien dit au moment de la signature ?

L’entraîneur nous a très peu parlé en fait, c’était surtout le directeur sportif. Bon, il subissait un peu la situation, il ne pouvait rien faire et il avait besoin de joueurs… Il n’avait pas trop grand-chose à dire.

Qu’est-ce que tu fais pendant les 6 mois de libre ? Tu as pu découvrir la vie en Suisse ?

Non, parce qu’on s’entraînait normalement avec l’équipe, en fait. Juste le week-end, quand c’était l’heure des matchs, nous, on restait à la maison. C’était surtout très dur de garder le rythme sans jouer des matchs. Donc dès le lendemain de ma résiliation, je file à Tours pour signer un contrat.

Psychologiquement, tu étais dans quel état d’esprit ?

Ah bah, j’étais content ! J’ai sauté sur la première opportunité pour rejouer. Revenir en France, en Ligue 2, c’était vraiment bien ! J’étais confiant.

S’ensuivent trois bonnes saisons à Tours, et Angers qui vient te chercher en début de saison. Tu t’es bien intégré ?

Oui, je suis arrivé en juin, il m’ont très bien accueilli. Le staff et les anciens joueurs ont tout fait pour que ce soit facile pour les nouvelles recrues.

Tes origines laotiennes doivent sûrement t’aider dans cette intégration en douceur, non ? Que t’apportent-elles dans ta philosophie de vie au quotidien ?

Je suis quelqu’un de discret, on est des gens assez sympas, je pense, gentils… On est aussi très serviables et généreux dans la vie. C’est pareil sur le terrain : je suis très généreux dans l’effort, je peux faire des allers-retours pour défendre et attaquer. En tout cas, c’est ce que j’essaye de faire.
J’aime bien jouer du Francis Cabrel à la guitare. C’est sympa pour l’ambiance. J’en fais un peu moins maintenant, j’ai appris quand j’étais tout seul en appartement à Strasbourg.

Finalement, tu n’es jamais allé au Laos, alors est-ce que tu sens tes origines au quotidien ? On te vanne parfois ?

Je suis parti tôt de chez moi, donc j’ai un peu perdu mon laotien. Je ne le parle pas au quotidien, à part quand je rentre dans ma famille. Après, je suis un Français normal, hein ! En revanche, oui, il y a pas mal de coéquipiers qui me font des vannes (rires). Mais c’est depuis toujours, donc ça va. À Angers, il y a Ludo Butelle, qui me chambre avec mes accents… ou sur tout ce qu’on peut faire en fait !

Et d’ailleurs, pourquoi Billy ? Il paraît que ton vrai prénom c’est Vilayphone…

Non ! Ah non, moi, je m’appelle juste Billy, hein ! On m’a souvent dit qu’il y avait marqué ça sur ma fiche Wikipedia, mais Vilayphone, ça n’a rien à voir. Je ne sais pas qui l’a inventé, mais j’ai juste un prénom, c’est Billy.

Finalement à 25 ans, tu as déjà une grosse expérience de la vie derrière toi, tu as connu la formation à Clairefontaine, les galères à Sion, la paternité, et tu as aussi perdu une fille il y a 2 ans…

Je suis un combattant dans la vie. J’essaye de vivre au jour le jour. Je n’ai que 25 ans, mais j’ai déjà vécu pas mal de choses… Tout ça m’a fait grandir dans la vie, j’essaye tous les jours d’apprendre quelque chose. Une carrière de footballeur, c’est court, c’est une passion, mais aussi un travail, il faut en profiter et faire attention.

Tu dis parfois de toi-même que « tu es trop gentil » …

Oui, je pense qu’être gentil peut être une qualité comme un petit défaut. Quand on dit toujours « oui oui » , ça peut revenir sur nous quand on explique gentiment que « non » .

Ces expériences de la vie t’ont appris à dire non ?

Je ne sais pas, ce que m’est arrivé il y a deux ans m’a permis de relativiser sur certaines choses. Franchement, quand je perds un match, je me dis que ce n’est pas grave, qu’il y a vraiment pire dans la vie. Après, ce n’est pas dans mes gènes de dire non aux gens, je suis quelqu’un de très généreux, qui aime donner.

C’est quoi tes objectifs dans la vie aujourd’hui ?

Avoir une bonne santé. Pour mes proches et pour moi. Franchement, c’est vraiment ça le principal dans la vie. Tout ce qui est professionnel, ça vient à côté, l’important c’est que tout le monde soit heureux dans la vie de tous les jours. Aujourd’hui, les gens oublient tout et ne voient que l’argent dans leurs yeux, ils ne profitent pas de ce qu’ils ont entre leurs mains. Tu vois, c’est un peu dommage, je trouve.

Il paraît que tu aimes bien jouer de la guitare, du coup tu es plutôt Francis Cabrel ou Willy Denzey ?

(Rires) Aucun des deux ! Francis Cabrel, j’aime bien, j’aime bien. C’est sympa pour l’ambiance. J’en fais un peu moins maintenant, j’ai appris quand j’étais tout seul en appartement à Strasbourg. J’avais du temps et je voulais un peu m’évader du foot… La guitare, c’est vraiment bien pour penser à autre chose. Sinon, j’aime bien Chris Brown ou Drake. Willy Denzey, c’est quand j’étais petit !
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Propos recueillis par Théo Denmat

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