- Ligue 2
- J5
- Dunkerque-Nîmes
Billy Ketkeophomphone : « Des gens ont cru que j’étais mort »
A 31 ans, l’attaquant aux 53 matchs en Ligue 1 avec Angers coule enfin des jours heureux. Au bord de la mer du Nord, à Dunkerque, il a retrouvé un équilibre de vie bien loin du tumulte qui a jalonné une carrière où on lui promettait le meilleur il y a encore cinq ans. Mais en septembre 2016, Billy Ketkeophomphone quittait les terrains après une rupture des ligaments croisés. Le début du parcours du combattant.
Billy, avant de parler football, parlons déjà santé. Fin juillet, tu contractais la Covid-19. Comment as-tu vécu cette période ?C’était dur, très dur. J’ai eu de la fièvre, des courbatures, mal au nez, à la gorge, ma femme qui l’attrape deux jours après moi… Avec nos enfants ce n’était pas simple. La veille du match de Quevilly (le 24 juillet, NDLR), je ne me sentais pas très bien. Le lendemain j’en parle au staff médical et je suis positif. Du coup direction la maison pour m’isoler. J’ai perdu cinq kilos en même pas deux semaines. Je n’avais plus d’appétit, j’étais sur le canapé toute la journée. Dès que je montais les escaliers j’étais essoufflé, j’avais des montées de chaleur. J’ai pu reprendre la semaine dernière avec le groupe et j’ai déjà repris deux trois kilos, mais c’était une période délicate. Je n’étais pas vacciné, je ne suis pas pour à la base. Pour autant, je ne sais pas si je le ferai même après ça.
Au-delà de ça tu entames ta deuxième saison dans le Nord. Que fais-tu ici à Dunkerque ? Je ne connaissais pas du tout ce territoire. Le temps est un peu dur (rires). Mes enfants sont contents d’être là. Sportivement on a vécu une première saison compliquée mais nous avons atteint l’objectif du maintien. On se devra de faire pareil cette année, même si ce sera sûrement encore plus difficile. Avant d’arriver ici, Grenoble aussi me contacte. Mais le projet dunkerquois me convenait un peu plus dans mes envies, mes valeurs. J’ai vite fait le choix de Dunkerque. Un an après je ne regrette pas, j’ai eu quelques pépins physique au dos qui m’ont ralenti mais là je suis en forme.
Si on reprend le fil de ta carrière, il y aura bientôt cinq ans que tu en as vécu l’un des pires moments avec cette rupture des ligaments croisés au genou…Le 21 septembre 2016, face à Caen… C’est gravé en moi. Même si je n’avais jamais eu de grosse blessure avant, je comprends immédiatement que c’est très grave. Il reste trois quatre minutes avant la mi-temps et mon genou craque. Je sors immédiatement sur civière. On n’est pas du tout préparé à ça, j’étais en pleine bourre, super bien physiquement. Personne ne s’y attend, surtout les croisés comme ça où ça n’est pas lié à un gros tacle, plutôt à un mauvais appui ou une réception. Ce n’est pas facile de passer ce cap, ça a été long avant que je revienne, plus d’un an. J’ai subi trois opérations, même si les deux dernières étaient plus légères, des arthroscopies, mais il y avait tout de même des anesthésies générales. Forcément j’ai des souvenirs de ce moment, mais je n’y pense plus. Mon genou est plus costaud, plus solidifié désormais. Cette blessure a ralenti ma carrière, j’ai eu des moments bien difficiles après avec beaucoup de doutes, mais je pense en être sorti plus fort qu’avant.
Te souviens-tu des premières fois où tu remarches ?La rééducation était très longue. Je suis passé par Clairefontaine et Doha au Qatar avec Alexandre Letellier qui avait eu les croisés peu avant moi. On faisait trois semaines à Clairefontaine, on revenait à Angers, et ainsi de suite. Une longue période.
Quand tu reviens, sais-tu que tu n’auras plus jamais le même niveau ?Je voulais évidemment retrouver mon meilleur niveau, mais ça n’a pas été le cas avec Angers. Malheureusement après il y a eu mon départ et un passage à Auxerre très compliqué. Plusieurs barrières se sont mises sur mon chemin, des choses personnelles dont je ne veux pas parler. Certains ont dit que le sort s’est acharné sur moi, peut-être. C’était compliqué à vivre, mais je me devais de rester positif, devant mes proches aussi. Je sais qu’on ne retrouvera plus le Ketkeophomphone d’Angers, c’est évident, mais je pense que je peux encore donner beaucoup.
Ta carrière est une sorte de yo-yo permanent où tu as été trimballé de mauvaises expériences en bonnes périodes, de transferts où tu ne peux pas jouer (à Sion en Suisse) à des relégations administratives comme à Strasbourg…J’en ai vécu des choses. A Auxerre par exemple, une semaine après mon arrivée je me blesse au dos. Ça s’enchaîne, je n’arrive pas à revenir et en fait je n’étais pas prêt physiquement. Je n’en veux pas à Auxerre. Juste après mon passage là-bas, c’était tellement compliqué qu’à un moment je me suis demandé si j’allais continuer à être footballeur. Je me retrouve sans club. Ma femme se posait des questions sur mon avenir. Je me préparais seul, il n’y avait pas grand monde pour nous soutenir. Je devais tout faire tout seul. Heureusement j’ai vite balayé ça de ma tête car le foot c’est toute ma vie, je fais ça depuis tout petit. Je devais me battre. Ma carrière est un long combat et je suis content d’être encore là à 31 ans.
Quelques années plus tôt, tout le monde t’adule à Angers et là tu as l’impression que tout s’écroule ?Clairement, j’ai compris que tout le monde avait oublié ce que j’avais fait avant. Le téléphone ne sonne plus. Tu as beau faire une belle saison, tu dois sans cesse refaire tes preuves. C’est le foot, plein d’autres gars sont prêts à prendre ta place. Quand j’étais absent à Angers, des joueurs ont été bons, ils ont pris ma place et c’était trop tard. Je suis resté en contact avec quelques-uns de cette époque-là comme Romain Thomas, Pierrick Cappelle, Cheikh N’Doye aussi, que j’ai eu l’année dernière au téléphone parce qu’il a failli venir à Dunkerque. Au fond, cette première saison à Angers, avec un groupe sain, reste le meilleur moment de ma carrière, tout le monde tirait dans le même sens, la ville était avec nous, on remontait en Ligue 1.
A l’été 2019, tu décides de taper à la porte de l’UNFP FC, le lieu où les joueurs au chômage se rassemblent.Au début je ne voulais pas y aller. Je connaissais cette structure, mais je ne me voyais pas être là-bas. Chaque fin de saison on voyait des personnes de l’UNFP venir dans chaque club. Finalement mon agent m’en parle et me convainc. Quand j’arrive, je vois de bonnes installations, un bon staff, un bon groupe. J’ai repris goût au football à ce moment-là. Il y avait Sachat Clémence (aujourd’hui à Lège-Cap-Ferret, NDLR), Bilel Mohsni (Al-Rawdhah en Arabie Saoudite), Anatole N’Gamukol (Paris 13 Atlético). Et puis il n’y avait pas d’esprit de compétition, c’était sain. C’est comme si tu partais en stage de reprise avec un vrai club, tu disputes des matchs amicaux, tu vas dans les hôtels.
Il faut attendre novembre 2019 pour que Cholet vienne te chercher, et tu files en National…Mon agent apprend que leurs représentants sont intéressés par moi. Je n’ai pas hésité, il fallait que je joue, que je retrouve la compétition. Je ne serai pas allé n’importe où, j’ai eu quelques propositions dans les pays de l’est, mais je ne le sentais pas, surtout pour ma famille. Je voulais a minima un club de Ligue 2 mais il n’y en avait pas d’intéressés à ce moment-là. Ça a donc été le national. Mais je suis content d’être passé par là-bas. C’était court à cause de la Covid qui a stoppé la saison, mais c’était bien.
Finalement, à 31 ans, en Ligue 2 à Dunkerque, tu es là où tu devais être ?Evidemment j’aimerais encore être en Ligue 1, voire plus haut, mais c’est la vie. Elle est faite d’épreuves et on doit composer avec. Même si j’aurais apprécié avoir une autre trajectoire. On ne peut rien programmer dans l’existence. Jamais, quand j’étais à Angers lors de cette première saison en Ligue 1, j’aurais cru six ans plus tard me retrouver en Ligue 2 ici.
Billy Ketkeomphomphone est donc toujours en vie ?Quand j’étais à Cholet, que je n’étais plus pro, des gens ont cru que j’étais mort. Mais être de retour en Ligue 2, ça envoie un petit signal. Je vis au jour le jour, j’espère être là jusqu’à 35-36 ans. Au fond, chaque match joué est une victoire. La saison passée je subissais encore une opération pour une hernie discale. Je reviens de loin. Le foot va vite, ça se joue à rien. Et je suis encore là.
Propos recueillis par Florent Caffery, à Dunkerque