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Bilan : la CAN 2015 passe à l’orange…

Par Cherif Ghemmour
Bilan : la CAN 2015 passe à l’orange…

L'Afrique est noire, rouge, verte, jaune. Isolez le noir des Étoiles ghanéennes, puis mélangez le rouge et le jaune et vous aurez l'orangé ivoirien…

Éléphant rose…

L’Afrique est croyances et religions. L’Afrique est superstitions. Et on ne parlera pas ici de « maraboutages » et de « féticheurs » , malgré le fait qu’ils soient bien réels. Non, évoquer le final de cette CAN, c’est plutôt approcher cette part d’irrationalité qui, en Afrique, prend une dimension un peu plus grande qu’ailleurs. Surtout dès qu’il s’agit de foot. Le destin, le mektoub… Restons d’abord dans les couleurs. On se souviendra longtemps d’Hervé Renard et de sa chasuble rose portée sur sa désormais célèbre chemise blanche. Un truc parfaitement inesthétique, mais devenu au fil des matchs un fétiche pour le coach français aux deux CAN gagnées dans deux pays différents (exploit unique). C’est au stade de Bata que Hervé Goupil avait éliminé le Ghana avec ses Chipolopolos zambiens en demies de CAN 2012 (1-0) et c’est dans la même arène qu’il a été sacré à nouveau avec la Côte d’Ivoire face aux Blacks Stars. C’était la quatrième finale de CAN pour les Éléphants et elles se sont toutes finies aux tirs au but… Bilan à l’équilibre : deux défaites (2006 et 2012) et deux victoires (1992 et 2015, 9 tab à 8), et même score de 0-0 à la fin de la prolongation. En 1992 et 2015, les gardiens ont sauvé la patrie, Alain Gouaméné en 1992 et Copa Barry hier soir… Comme en 1992, la destinée avait encore réuni Ghanéens et Ivoiriens pour un final à couper le souffle, et ces deniers l’ont encore emporté.

Maroc pas rock…

Le mektoub a, lui, laissé en plan des Maliens très pieux, élus malheureux du tirage au sort qui a envoyé la Guinée à leur place en quarts après une rare égalité mathématique parfaite… Destinée, toujours : débutée sur fond de virus Ebola, épidémique plaie d’Afrique, cette CAN s’est achevée sur un drame dans un stade du Caire. Des incidents mortels ont emporté 22 vies au moment où Black Stars et Éléphants s’affrontaient à Bata. Cette nouvelle tragédie du foot égyptien n’a rien à voir avec la CAN, mais elle est survenue un peu comme pour nous rappeler qu’une CAN sans les Pharaons (7 titres, record continental) n’est pas exactement la CAN. Destinée, enfin : c’est le Maroc qui demeure le grand perdant de cette édition 2015. Pour des motifs « extraordinaires » (virus Ebola), le Royaume chérifien a préféré zappé une compétition qu’il avait si bien préparée avec des stades nickel (accueil et pelouses) et un climat plus propice que la touffeur équatoriale de la Guinée du même nom. En plus de la lourde sanction d’exclusion des deux prochaines CAN décidée par la CAF, le Maroc a été désavoué sur le plan sanitaire : la compète 2015 s’est parfaitement déroulée et n’a pas, jusqu’à aujourd’hui, occasionné d’inquiétudes à propos de la santé des joueurs, des staffs et des supporters. Pauvres Marocains, foutu Ebola…

Seechurn Rajindraparsad…

Pour motif de précipitation à changer d’organisateur, on peut excuser la Guinée équatoriale pour les conditions d’hébergement moyennes et pour l’état critique de ses pelouses. Même indulgence pour les conditions climatiques difficiles : les joueurs des 16 nations ont dû se « reprogrammer » en mode équatorial au dernier moment. On sera plus sévère sur les questions de sécurité qui ont mis en danger les supporters ghanéens lors de la demi-finale (cf. le vol d’hélico au-dessus du stade de Malabo). Sans agiter le spectre de la corruption, on peut indirectement incriminer le pays hôte pour un arbitrage-maison qui l’a grandement favorisé de deux pénos opportuns, dont celui contre la Tunisie en quarts (2-1 a.p, bravo Seechurn Rajindraparsad !). C’est dommage, car l’arbitrage a été globalement bon pour cette édition 2015 et il fallait le souligner. En tout cas, en symbiose avec la CAF, les futurs pays organisateurs devront veiller de façon « pédagogique » à bien choisir et bien protéger les arbitres lors des matchs cruciaux… Autre récurrence néfaste à toutes les CAN : les tribunes vides. Là aussi, la CAF et les futurs pays hôtes devront trouver le moyen de rendre les prix des billets plus accessibles. Après tout, ce sont surtout les partenaires économiques (Orange, etc) qui génèrent le gros des recettes de la CAN. Alors pourquoi ne pas inviter les jeunes dans les gradins ? Pour les motifs évoqués plus haut (hébergement, état très moyen des pelouses, climat, stades vides), il ne fallait donc pas s’attendre à du grand spectacle sur le terrain…

Kidiaba fait encore le buzz…

Et ça a été le cas. On le répète, mais depuis l’édition 2012, la CAN n’a pas retrouvé son haut niveau de compétitivité de 2006, 2008 et 2010. Or, depuis 2010, la CAN est devenue un rendez-vous médiatique planétaire plus important. Malheureusement, cette exposition plus grande en 2012, 2013 et 2015 n’a pas offert de grands moments forts, hormis ces séries de tirs au but finales 2012 et 2015 qui feront le buzz. Et les zappings TV diffusant jusqu’à plus soif les joyeuses cabrioles fessues du gardien Kidiaba (RDC)… Le « résultat d’exploitation » n’est pas fameux : 68 buts pour 32 matchs, dont les deux finales (la petite et la grande) se sont achevées sur un 0-0 et des tirs au but. Après un premier tour quelconque, juste éclairé par des Bafana Bafana emballants, on sauvera du marasme le Côte d’Ivoire – Algérie en quarts (3-1) et les deux demies inégales où Ghanéens et Ivoiriens ont surclassé la Guinée équatoriale (3-0) et la RD Congo (3-1). Ça fait maigre… D’autant plus que pour de nombreux profanes de par le monde, le foot africain est par nature flamboyant, offensif et débridé. Le choc est donc aussi rude pour eux que la découverte de la L1 un dimanche soir (0-0)… Côté révélations, on retiendra peut-être les fulgurances du Ghanéen Christian Atsu (23 ans, Chelsea, mais prêté à Everton). Les vedettes attendues n’ont pas tellement brillé (Brahimi, Feghouli, Choupo Moting, Pitroipa, Sadio Mané). Mais on peut rendre hommage aux deux leaders finalistes : le grand Yaya Touré, capitaine plus victorieux que Drogba et l’inconsolable André Ayew, pile au rendez-vous continental (3 buts et deux passes décisives).

Horizon 2017

Après cette édition 2015, les détracteurs de la CAN auront beau jeu de dénigrer cette compète, quant à la saison hivernale problématique et quant à sa périodicité bisannuelle. Car à la vérité, la CAN est de plus en plus l’affaire de joueurs expatriés ou binationaux plus trop habitués aux conditions climatiques africaines et « saisis au vol » en plein milieu de leurs championnats respectifs. On le répète également : l’accumulation de tournois internationaux trop rapprochés du fait du passage aux années impaires de la CAN a occasionné pour les grosses sélections africaines un marathon impitoyable : CAN 2012, puis CAN 2013, puis Coupe du monde 2014 et enfin CAN 2015. Avec en plus les éliminatoires afférents à ces compètes et les matchs amicaux, plus les saisons en club, les joueurs arrivent physiquement éprouvés. Il faut se projeter sur la CAN 2017, précédée d’une année 2016, vierge de compète, et qui offrira peut-être un spectacle meilleur. On connaîtra en avril prochain l’organisateur 2017 (entre Algérie, Égypte, Gabon et Ghana). La CAF devra donc s’atteler à ces problèmes au risque de voir « sa » CAN de plus en plus dévaluée, et à terme, snobée par des joueurs, de surcroît mis sous pression par leurs clubs souvent européens. Lesquels clubs devront eux aussi savoir négocier avec respect avec le foot africain. Car qu’on ne s’y trompe pas : la joie immense des Ivoiriens comme la détresse absolue des Ghanéens démontrent l’attachement sincère des footballeurs africains à défendre leurs couleurs et leurs drapeaux…

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