- Coupes d'Europe
Bilan des clubs français : la vengeance de la Croatie…
Les Bleus ont été champions du monde en pratiquant un foot de crevards, mais haut de gamme. Enlevez le « haut de gamme » aux six clubs français en coupes d’Europe et il ne reste plus qu’un foot de crevards. Trois nuls en C1 et trois revers en C3. Soit une vision du jeu obsolète et minable...
État d’esprit, es-tu là ?
« Allons à l’essentiel. Paris ne gagnera pas la Ligue des champions 2019. Lyon non plus. Monaco non plus. Évidemment, en sport tout peut arriver. Mais la C1 nécessite un niveau d’exigence et d’accomplissement que nos trois clubs auront du mal à atteindre pour espérer triompher le 1er juin à Madrid. » C’est le constat, certes lapidaire, qu’on dressait en forme de bilan au soir de la première soirée des clubs français en C1 malgré le beau succès de l’OL à City. Ce n’était pas non plus un pronostic définitif. On le répète : tout peut arriver, et cette année, la Ligue des champions est assez ouverte. Alors si Paris ou Lyon se révèlent, on applaudira… Sous le titre globalisant « Carrément négatif ! » de cette première soirée continentale, l’article incluait surtout les performances des trois clubs tricolores en C3, Rennes, OM et Bordeaux.
Plus d’un mois plus tard, au soir de la troisième soirée européenne, le bilan est aujourd’hui encore plus accablant et se généralise aux six représentants de la L1 : aucun d’eux n’a assumé ce fameux « niveau d’exigence et d’accomplissement » que nécessitent à la fois la Ligue des champions et la ligue Europa. Paris s’est fait balader par Naples (2-2), comme l’OM par la Lazio (1-3). D’Hoffenheim, Lyon a ramené un 2-2 correct, mais en subissant un total dingue d’assauts offensifs, pire qu’à City (26 tirs contre 23). Rennes a craqué à la fin en étant en supériorité numérique, à onze contre dix, face à un Dynamo Kiev amoindri (1-2). Bordeaux a aussi craqué à Saint-Pétersbourg sur le même score en reculant beaucoup trop en seconde période. Par charité, on excusera un Monaco encore malade qui s’est fait malmener face à un très modeste FC Bruges (1-1). La mentalité « Sam’ suffit » d’une L1 surpayée en droits TV a encore sauté aux yeux chez les six clubs français : zéro implication-concentration totale et aucune combativité à 100 % pendant 90 minutes. Même pour Lyon.
Un foot français pris à revers…
Une constante plus grave et pas du tout anodine a plombé les clubs français : sauf Monaco qui a pris un but sur tête venu d’un centre aérien non contré au départ, Lyon, Paris, Marseille, Rennes et Bordeaux ont tous encaissé au moins un but sur une action où la défense s’est fait prendre dans son dos, en profondeur ou sur les côtés. Le visionnage est sans appel : le premier but de Naples, les deux premiers d’Hoffenheim, le deuxième du Zénith, le deuxième de Kiev et le deuxième de la Lazio ! Preuve ultime d’équipes qui ne savent pas défendre parce qu’incapables de trouver le bon équilibre. Lyon n’est pas si mal, Paris n’est pas si nul, mais ils n’affichent aucun réel point d’équilibre tactique. Quant aux quatre autres clubs français, n’en parlons pas… Cette fébrilité défensive s’explique en grande partie par une L1 indécise, le cul coincé entre deux chaises (faut-il attaquer ou défendre ?), habituée à prendre des risques à domicile et à blinder derrière à l’extérieur.
Désolé, les Frenchies ! Mais ce foot de crevards qui a si bien réussi aux Bleus en Russie (grâce quand même à une vraie rigueur collective et à des fulgurances offensives indéniables), ça ne marche pas en coupes d’Europe des clubs ! Au sortir de la deuxième soirée européenne, on citait l’Ajax et Dortmund comme exemples d’équipes à l’identité forte et bien définie. Voilà ce qui leur permet aujourd’hui de briller en C1. Eux non plus ne gagneront pas la C1 en juin 2019. Mais l’Ajax et le Borussia, eux, ont un cap, une boussole, un projet de jeu, un style, des principes, un équilibre tactique qu’ils essaient d’établir face aux grosses cylindrées continentales, mais sans se renier. Et c’est beau ! Comme la Croatie était belle… Les gamins d’Amsterdam sont co-leaders de leur groupe avec le Bayern et Dortmund a giflé l’Atlético de Madrid 4-0.
C1 : trois têtes de nuls…
Paris, d’abord. Un signe qui ne trompe pas : face aux gros, le PSG a toujours été mené au score en Ligue des champions. À Liverpool (1-0 puis 2-0, puis battu 3-2) et à domicile face au Napoli (0-1 puis 1-2, avant d’égaliser sur un 2-2 final). Preuve que Paris est une équipe à réaction, qui subit d’abord et se reprend après. Dans le détail, on constate que c’est plus grâce à ses individualités que par son collectif que Paris a surnagé : Mbappé et Di María en buteurs à Anfield puis au Parc, plus un Neymar en organisateur correct face à Naples. Les carences d’un milieu Verratti-Rabiot privé d’un vrai 6 ont abouti aux déferlantes napolitaines sur l’axe défensif Marquinhos-Kimpembe qui ont logiquement pris la vague. Le passage du 4-2-3-1 au 3-4-3 en seconde période opéré par Tuchel a plus colmaté derrière que vraiment dynamisé devant. L’organisation tactique magistrale mise en place par Mister Ancelotti s’est traduite, elle, par une supériorité italienne parfois vertigineuse, comme le démontrent les sorties de balles des 16 mètres d’Ospina vers le but parisien dans un ballet de passes parfaitement huilé. Avec ce 2-2 inespéré, Paris est vraiment au bord du gouffre, mais n’est pas mort.
Pour le retour, le PSG dispose d’un avantage sur Naples : une expérience européenne plus grande. On l’a vu dans sa capacité à remonter deux fois au score. À la différence du Napoli qui n’a pas participé à la C1 avec la même fréquence que Paris et qui a péché par son incapacité à faire le break qui tue. Reste que… Carlo Ancelotti risque de trouver des solutions qui feront très mal au San Paolo le 6 novembre prochain. Lyon a fait du Lyon, comme en L1 : il a beaucoup marqué et il a trop encaissé. Ce match à Hoffenheim qui mettait aux prises deux équipes qui se déséquilibrent quand elles attaquent promettait un match fou et avec des buts, et c’est ce qui est arrivé (3-3). Il faut relativiser la qualité de cette rencontre qui se situe dans la moyenne haute de la C1, mais en dessous de l’intensité d’un Barça-Inter (2-0), PSG-Naples (2-2) ou d’un Dortmund-Atlético (4-0). Lyon est invaincu, second avec 5 points derrière City (6 points), et peut quasiment décrocher la qualification le 7 novembre prochain en accueillant Hoffenheim. C’est jouable. Monaco ? Un nul 1-1 sans relief à Bruges qui maintient des espoirs de troisième place qualificative pour une C3 à ne pas négliger. À noter le joli but de Sylla sur un magnifique service d’un bon Golovin qui monte en puissance. Première pas trop mal réussie en Coupe d’Europe pour coach Henry. Mais on oubliera…
C3 : la lose des années 1970…
Les plus jeunes qui n’ont pas connu le foot français de clubs en coupes d’Europe des années 1970 (sauf Sainté, hein !) ont eu hier soir un aperçu de la lose crade que les plus anciens ont enduré à cette époque. Les défaites 2-1 de Bordeaux et de Rennes ou le 3-1 de l’OM de cette semaine sont semblables à ceux d’hier, avec la même marge ténue. Mais avec la même impression désespérante, hier comme aujourd’hui : pour Bordeaux et Rennes, on a vécu avec cette même certitude qu’avant qu’ils allaient finir par perdre ! Et ça n’a pas raté : 2-1 à la 85e pour les Girondins et à la 89e pour les Bretons… Même sans démériter, un Bordeaux cohérent qui a mené au score sur une tête de Briand a fini par céder sur un but de la tête à la Hrubesch de Dzyuba et sur un but à la Simonsen inscrit par Kuzyaev. C’est avec la même résignation d’avant que Bordeaux a reculé, reculé, sans tenter de jouer le tout pour le tout pour gagner. Costil a bien arrêté un péno de Dzyuba comme Baratelli avant. Mais à la fin, ça perd quand même. Bordeaux est dernier avec zéro point. What else ?
Même topo pour Rennes, battu 2-1 par Kiev comme Nice ou Nantes se faisaient sortir avant en perdant bêtement à domicile contre des équipes adverses pas géniales, mais terriblement réalistes. Le Dynamo a cadré deux fois et a marqué deux fois, avec une belle mine sur le premier inscrit par Kędziora. Le Stade rennais est encore en course et jouera son avenir en C3 en se déplaçant à Kiev, dans l’Est lointain. Marseille ? Dans les années 1970, quand la France ou un club français se faisaient écrabouiller, on insistait sur les absents (Farizon et Synaëghel blessés contre le Bayern à Glasgow 1976). Hier soir au Vélodrome, il manquait Thauvin. La belle affaire ! L’OM s’est fait manger 1-3 par une Lazio aussi implacable tactiquement que l’a été le Napoli face au PSG. Sauf que l’addition a été plus salée, car les Romains ont su faire le break en pointant à 2-0 à la 59e. Cet OM très correct en L1 est tout simplement trop faible au niveau européen. Le 1-3 d’hier soir s’inscrit dans la lignée du 2-2 à Limassol en plus de la défaite logique à domicile face à Francfort. Détail qui tue : la bourde de Mandanda sur le but de Wallace sur corner. Si même Steve était hors sujet, alors il n’y avait plus d’OM sur le terrain. Le frisson du splendide coup franc de Payet a viré à l’aigre avec l’altercation finale entre Dimitri et Adil. L’ex-finaliste de C3 est très mal barré pour la suite. Reste à prier la Bonne Mère.
Par Chérif Ghemmour