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Big Willy Style
En signant à Porto, Willy Boly, l’ancien défenseur de l’AJ Auxerre, change de dimension. Retour sur ses jeunes années, de Rosny-sous-Bois à la Bourgogne, où tout le monde le voyait déjà aller bien haut.
C’est un de ces terrains stabilisés comme il en existe des milliers en France. Une couleur rouge, et une surface qui racle la peau à chaque chute. Sur celui de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), un bonhomme brille au tournant des années 2000, alors qu’il n’a pas encore dix ans. « Un jour, mon frère était venu encourager notre équipe au bord du terrain. Willy s’apprête à tirer un corner. Il lui a dit de le tenter direct. Et c’est allé au fond » , se souvient Sacha Cohen. Quinze ans plus tard, le fameux Willy ne tire plus les corners, mais il a pris du galon. Dans les derniers jours du mercato, Willy Boly a été transféré au FC Porto. L’ancien défenseur d’Auxerre, âgé de vingt-cinq ans, se trouve à un moment charnière, avec la perspective de s’installer enfin dans un top club. Alors que beaucoup, dans sa jeunesse, pensaient qu’il irait plus vite.
À Rosny, Willy Boly est au-dessus. Physiquement, d’abord. Il met une ou deux têtes de plus à tous ses coéquipiers, ce qui annonce un physique de géant – il fait 1,91m aujourd’hui. En général, lorsqu’un gamin surclasse les autres en catégorie poussins ou benjamins, il est positionné devant. « Il jouait attaquant et c’était un bonheur de le regarder jouer. Pendant les tournois le week-end, on allait loin grâce à lui. Il avait une puissance de frappe énorme. Et lorsqu’il n’était pas là, on se demandait si on allait gagner » , continue Sacha Cohen, ancien coéquipier et camarade de classe en primaire. À l’époque, le foot ne se vit pas qu’en club. C’est le moment où l’on use le bitume de la cour de récré avec un ballon en mousse et où l’on retrouve les potes à n’importe quelle heure pour aller jouer jusqu’à la tombée de la nuit. « Je me souviens d’avoir fêté un anniversaire chez lui. On avait beaucoup rigolé et, forcément, on était descendus jouer au foot. On jouait tout le temps » , continue Sacha Cohen.
« On trouvait qu’il avait un peu le melon »
Très vite, le talent de Boly est repéré. Il continue son apprentissage au centre de formation de football (CFF) de Paris, où il passe en défense centrale, un poste qu’il ne quittera plus. C’est là-bas que Daniel Rolland le remarque. « Je l’ai vu jouer pour la première fois à treize ans. Il y avait déjà beaucoup de clubs sur lui. Il était déjà très athlétique. Pour le poste qu’il occupait, c’est presque un impératif » , se souvient l’Auxerrois, ancien patron du centre de formation de l’AJA. La réputation du fief bourguignon, la proximité avec la région parisienne et sa famille finissent de convaincre Boly de tenter l’aventure auxerroise. La formation se passe sans problème, mais le football sélectionne ses élus à la dernière marche, la plus dure. Celle du passage en pro. Le jeune défenseur débute à vingt ans en Ligue 1 et termine la saison 2010-2011 avant de s’installer en tant que titulaire la saison suivante dans l’équipe entraînée par Laurent Fournier. Manque de pot, c’est la pire année pour l’AJA, qui est reléguée en fin de saison. Les supporters s’agacent de l’attitude de plusieurs joueurs, dont Willy Boly. « On a le souvenir d’un gars qui ne venait pas souvent saluer les supporters, on trouvait qu’il avait un peu le melon. D’ailleurs pour le dernier match, on était déjà assuré de descendre en Ligue 2. Les supporters avaient jeté des projectiles, du papier toilette, des fruits sur la pelouse. Je me souviens que ceux qui jetaient des melons avaient dit que c’était pour Willy Boly » , se rappelle Mathieu, des ultras de l’AJA.
« Il a gagné en maturité »
De nombreux clubs comme Saint-Étienne et la Fiorentina s’intéressent à lui, convaincus par les performances solides du gaillard. Mais Auxerre se montre un poil gourmand, et Boly reste au club. « C’est toujours difficile de descendre d’un étage. D’autant plus que Willy a besoin de confiance, pour que ça le motive personnellement. Quand il était jeune, il a pu être un peu trop facile. C’est un peu son tempérament et ça a pu lui jouer parfois des tours » , note Daniel Rolland. Dans un championnat plus rugueux que la Ligue 1, Boly progresse dans les duels et prend son mal en patience durant deux saisons. Avant, enfin, de partir au Sporting Braga de Paulo Fonseca, à l’été 2014. Un choix audacieux, un changement d’environnement salutaire. « C’est une trajectoire un peu atypique. Il y a des joueurs assez vifs, le championnat portugais est une bonne école. Willy Boly est assez complet. Il lit bien le jeu, a un bon jeu de tête. Je pensais qu’il aurait percé plus vite. À Braga, dans un bon club, il a repris confiance et gagné en maturité » , poursuit l’ex-formateur de l’AJA. Maintenant qu’il a franchi un cap, reste à prouver au top niveau. Et confirmer les espoirs de tous ceux qui le voyaient rapidement très haut, des terrains stabilisés de Rosny aux gazons du centre de formation bourguignon.
Par Guillaume Vénétitay