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Bien fait pour les Croates !
Quand on joue avec un maillot à damier, c'est pour planter des pions et faire dame ! Les controverses arbitrales ne sont que pleurnicheries de gamin.
La théorie du complot pour commencer. L’arbitre de la partie était un Japonais, M. Nishimura… Or, au Brésil vit la communauté nippone la plus importante au monde hors Japon. Et où trouve-t-on le plus de ces Brésiliens japonais (les Nissei) au Brésil ? À São Paulo, notamment dans le quartier de Libertade… Les récriminations croates ensuite : « C’est un scandale pour la FIFA. C’est mieux qu’on donne la Coupe tout de suite au Brésil » (Dejan Lovren). « L’arbitrage ? Si vous me posez la question, c’est que vous connaissez déjà la réponse… » (Ivan Rakitić). « S’il y a faute de Lovren sur cette action, on devrait peut-être jouer au basket. Si on continue dans cette voie, ce sera un cirque. Autant leur donner la Coupe du monde et rentrer à la maison » (Niko Kovač, coach croate).
Achever la bête, d’abord !
Flash back… Ce 5 juin 2002 au Suwon World Cup Stadium, on joue la 36e minute du match USA-Portugal du premier tour. Et on ne rêve pas : le Portugal, grand outsider de ce Mondial asiatique, est mené 3-0 par des petits Ricains sans pitié ! O’Brien, Costa (csc) et Mc Bride ont plombé les Lusitanos FC. Sans complexe et terriblement réalistes, les Américains l’emporteront finalement 3-2 et élimineront en définitive un Portugal trop long à se mettre en marche dès son premier match. Elle est là, la leçon éternelle du foot : quand un « petit » affronte un « gros » , il doit se mettre en mode winner. Car des opportunités de marquer se présenteront et l’adversaire réputé plus fort peut avoir un « match sans » . C’est ce qui fait le charme des matchs de coupes nationales : on y croit et on donne tout ! Une évidence ? Pas pour la Croatie. Hier soir, face à des Brésiliens totalement tétanisés et assez logiquement menés 1-0 dès la 11e, les Croates n’y ont pas assez cru à fond. Si les Brésiliens ont eu beaucoup de mal à assumer la pression du favori, les Croates ne se sont pas assez défaits du statut de challenger. En boxe, ça ne pardonne jamais : le premier qui baisse le regard est un homme mort. Celui qui n’achève pas son adversaire compté plusieurs fois au tapis finit par se manger l’uppercut fatal…
La Croatie a manqué sa première partie de deuxième mi-temps, dans un gros temps fort où son milieu avait enfoncé le bloc brésilien. Même Lovren s’est permis un raid plein axe dans le camp adverse ! À 1-1, tout était jouable : les Croates poussaient, mais ne parvenaient pas à marquer. Ils n’y sont pas parvenus, preuve qu’ils n’étaient donc pas meilleurs que les Brazileiros malmenés. Et comme toujours, c’est dans ces moments qu’on repense aux opportunités gâchées auparavant. Notamment en première, sur la tête d’Olić passée pas loin du cadre (7e). Et tout ça parce que la Croatie avait visé au départ le match nul honorable, et non la victoire. Pourtant, ce Brésil écrasé par l’enjeu au point d’être à la rue physiquement au bout de 50 minutes, était prenable. Dès le début, les regards apeurés indiquaient bien que le mode rouleau compresseur de la Coupe des confédérations 2013 (3-0 d’entrée face au Japon, 1-0 au bout de 2 minutes en finale contre l’Espagne) ne fonctionnerait pas… Déjà, face à la Serbie en amical (1-0), les hommes de Scolari avaient laissé des espaces derrière, notamment sur les côtés. Hier soir, en première mi-temps, les replis aléatoires de Dani Alves (coupable sur l’ouverture du score croate) et Marcelo (Hulk a dû redescendre pour le seconder) ont ouvert des boulevards insuffisamment exploités. Avant le fameux penalty de la 71e minute, la Croatie avait déjà laissé passer sa chance.
À l’Euro 2012, déjà…
Avant de revenir sur ce péno qui fera polémique jusqu’en 2027, autre flash back… On est fin 1975 et Michel Hidalgo prend en main l’équipe de France. L’un de ses premiers messages forts concerne l’arbitrage ! Connaissant parfaitement la lose tricolore qui se traduit souvent par des sempiternelles pleurnicheries liées à l’arbitrage, Hidalgo se montre très ferme : la France est une petite nation de foot, donc pas respectée et donc susceptible parfois de subir un arbitrage défavorable. C’est pas cool, mais c’est comme ça : il faudra faire avec et, pour se prémunir contre ces coups du sort, il ne faut pas pleurnicher et il faut marquer des buts ! À Sofia, malgré l’arbitrage dégueu de M. Foote, les Bleus tiendront le 2-2 qui les qualifiera plus tard pour le Mundial 78… Retour à Brésil-Croatie, à la 71e. Oui, la « faute » de Lovren sur Fred n’est pas évidente : il le retient un peu par l’épaule… Peine très sévère. Mais c’était peut-être les consignes très strictes de la Fifa : traquer la moindre faute dans les 16 mètres et la sanctionner d’un penalty. On verra par la suite… Neymar a transformé (2-1). Mais il restait encore 20 minutes de jeu. Et là, grosse séquence pour la Croatie : David Luiz à deux doigts du csc (73e), frappe dangereuse de Modrić repoussée par Júlio César (86e), puis tête du même Madrilène (88e) et tir de Perišić (90e). En vain ! C’était la deuxième séquence stérile des Croates. Comme l’a reconnu le coach Niko Kovač : « À 2-1, on a encore eu des opportunités, mais on n’a pas su les concrétiser. » Ben, ouais, Niko…
Puis il y eut aussi la fameuse charge d’Olić sur Júlio César qui invalida une action de but a priori valable (83e). Décision très limite, mais dans le domaine de l’acceptable (le gardien se troue, mais Olić le déséquilibre un peu). Là aussi, ce sont peut-être des consignes très strictes de la Fifa : traquer la moindre faute sur les gardiens et sévir. On attend donc pour la suite de la compète ces deux axes d’arbitrage : la jurisprudence Lovren (à la moindre faute, un péno) et la jurisprudence Júlio César (à la moindre charge, une faute). Historiquement, le pays organisateur est toujours un peu « aidé » . C’est une règle non écrite du sport en général… Mais la Croatie ne doit s’en prendre qu’à elle-même : les actions non converties en but pèseront plus lourd que les décisions arbitrales « défavorables » . Les Croates devraient d’abord s’inspirer de leurs bonnes séquences face au Brésil pour aller loin lors de ce Mondial : ils en ont le talent. À eux surtout d’y croire plus fort, sinon ils quitteront la compète comme lors de l’Euro 2012, au premier tour. Car déjà, ils avaient été magnifiques face à l’Espagne. Magnifiques, mais stériles, avec la punition au bout : 0-1, but de Navas à la 88e… L’arbitre n’a pas été bon hier soir ? Soyons sérieux : l’arbitrage de Nishimura n’a pas atteint les standards scandaleux d’incompétence observés lors des deux matchs de la Corée du Sud face à l’Italie et à l’Espagne au Mondial 2002. L’arbitrage « défavorable » est trop souvent une bonne excuse à la défaite. Or la « bonne excuse » , c’est l’autre définition de la lose.
Chérif Ghemmour