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Bielsa : « L’optimisme et l’autocritique doivent cohabiter de manière pacifique »
Depuis maintenant de nombreuses années, Marcelo Bielsa a choisi de ne plus accorder d’interview à la presse, par souci d’équité et de justice entre les médias. Par souci de justice et d’équité envers Marcelo Bielsa, So Foot publie les transcriptions in extenso de ses conférences de presse avec Leeds United. Ce vendredi, Leeds accueille un concurrent direct à la montée en Premier League : West Bromwich Albion.
Bonjour Marcelo. À la suite de la défaite contre QPR en début de semaine (1-0, N.D.L.R.), considérez-vous que ce match crucial arrive dans une période compliquée pour votre équipe ?
Je ne vois pas ce match comme une difficulté, mais comme un défi collectif et stimulant.
Le fait d’avoir joué trois matchs en six jours a-t-il pu fatiguer votre effectif ? Non, je ne vois pas cela comme un problème.
Comment jugez-vous le défi proposé par West Bromwich, justement ? C’est un tout autre type d’équipe que celle affrontée dernièrement, capable de jouer en fonction de l’adversaire et d’avoir le même type de jeu que le nôtre.
Quelles sont les forces majeures de West Bromwich d’après vous ? C’est une équipe équilibrée, même si je considère que sa qualité principale réside dans la quantité et la qualité de ses attaquants.
Le match aller a été compliqué pour Leeds (défaite 4-1). Avez-vous des enseignements à tirer de cette défaite ou pensez-vous que le match sera complètement différent ? C’est difficile de savoir si les deux matchs vont se ressembler. Mais évidemment, nous allons chercher à être supérieurs et meilleurs que notre adversaire afin d’inverser les impressions laissées lors de notre première confrontation.
Tout le monde s’attend ici à voir un match crucial pour Leeds, Elland Road va être plein à craquer… Est-ce que cela souligne aussi l’importance du match à vos yeux ? Tous les matchs sont importants, et je crois que le public s’est toujours chargé de remplir le stade. Nous prenons vraiment chaque match avec une importance capitale.
Le dernier match à domicile s’est bien terminé pour Leeds. Pensez-vous que les supporters peuvent avoir une influence sur la rencontre ? Les fans possèdent toujours un impact sur les performances de l’équipe. La première, c’est que les réactions du public affectent les émotions des joueurs. Nous avons toujours reçu des encouragements dans les efforts positifs durant le match, ainsi que du soutien dans les moments plus délicats. Sans nos fans, nous ne serions pas cette équipe-là.
Marcelo, on vous sentait touché moralement après la défaite contre QPR… Qu’avez-vous fait pour vous redonner l’envie d’aller de l’avant ?
(Il sourit.) Mon métier m’oblige à aller au-delà de la tristesse… L’espoir engendré par la rencontre suivante agit comme un remède. Il est parfaitement naturel d’être triste après une défaite. Ce qui serait étrange, c’est de ne pas l’être. Être rempli d’espoir en vue du prochain match est aussi quelque chose de naturel. Continuer de penser aux mauvaises choses au lieu d’imaginer que le bon est à venir, ce n’est pas une bonne chose. Durant la saison, vous avez déjà expliqué que la chose qui vous intéressait le plus était le processus de développement de l’équipe, et pas tellement les victoires ou les défaites. Pensez-vous que les gens réagissent de façon disproportionnée aux défaites de Leeds United ? (Il réfléchit.) Écoutez, peut-être que je ne me suis pas bien expliqué à ce sujet. Je n’enlève aucune valeur que ce soit à la victoire ou à la défaite, car les deux issues sont importantes. Le fond de ma pensée, c’est qu’il est parfois possible de limiter son raisonnement au résultat. Les résultats sont déterminants, mais ils ne suffisent pas à expliquer le contenu des rencontres. L’importance que nous donnons à la défaite est issue de l’essence même de Leeds, un club doté d’une passion multidisciplinaire. Quand la victoire procure autant de joie, cela va de pair avec la déception de la défaite. Quand une équipe traverse des moments de frustration, il est normal de voir les alarmes clignoter quand un pas vers l’avant n’est pas effectué. Notre obligation, c’est de marcher vers l’avant et neutraliser l’anxiété du public. Jack Clarke a-t-il une chance de jouer contre WBA ? Non.
Malgré votre dernière défaite, vous restez dans une position intéressante en vue de la montée directe en Premier League. Est-ce important d’avoir une vision plus large que celle relative au dernier match ?Oui. Votre raisonnement est aussi certain que la défaite dont vous parlez était inattendue. Quand vous voyez le verre à moitié vide, vous perdez votre optimisme. Quand vous voyez le verre à moitié plein, vous perdez votre autocritique. L’optimisme et l’autocritique doivent cohabiter de manière pacifique. Nous n’ignorons pas la place que nous occupons au classement, mais nous savons aussi que cette position avantageuse doit être maintenue.
Concernant le faible rendement entre le nombre d’occasions engendrées pour Leeds United et le nombre de buts inscrits, pensez-vous pouvoir faire quelque chose afin d’améliorer l’efficacité de votre équipe ? (Bielsa lève les sourcils et réfléchit longuement.)
Il n’est pas possible de s’entraîner à devenir plus efficace. En revanche, il est possible d’entraîner la production de situations de but. Je donne une grande valeur au mérite que mon équipe produit afin de convertir des buts. Je célèbre cela quand elle marque un but parce qu’ils méritent cette issue heureuse, et je ne fais aucune conclusion entre le nombre d’occasions et le nombre de buts, car je ne trouve pas qu’il y ait de corrélation entre ces deux facteurs.
Avez-vous de nouvelles blessures à signaler dans votre effectif ? Non. Les onze titulaires et les remplaçants seront les mêmes que lors de notre dernier match.
La dernière fois, vous avez parlé de l’importance énergétique de l’équipe. Pensez-vous qu’une fatigue mentale puisse apparaître en cette fin de saison ? Nous évaluons le rendement physique des joueurs, les charges qu’ils assument dans les entraînements collectifs, et l’adaptation à l’exigence mentale nécessaire pour affronter le quotidien de ce championnat. Nous disposons d’outils positifs et nous connaissons des difficultés. Je ne souhaite pas parler publiquement des difficultés. Mais en ce qui concerne les outils favorables au développement de l’équipe, j’essaie de vous les décrire de la façon la plus juste possible. Je ne fais jamais de critique en public, et je ne vais jamais surestimer un joueur devant les caméras dans le but de le rendre plus heureux. Si les joueurs font de bons matchs, c’est avant tout grâce à eux. De mon côté, j’assume pleinement la responsabilité de résultats négatifs. J’ai déjà expliqué le pourquoi de ce raisonnement : en cas de mauvaises performances, j’ai des outils pour les éviter. Si je n’y arrive pas, je sens que c’est ma responsabilité. Si une situation n’est pas idéale, ce n’est pas parce que nous n’avons pas trouvé de raison, mais parce que nous n’avons pas la bonne réponse. Trouver la bonne réponse, c’est toujours notre responsabilité. Je ne vois pas de fatigue physique ou mentale, et nous nous entraînons de manière égale à toute autre équipe. Nous évaluons nos joueurs à chaque entraînement, et nous ne dépassons jamais les efforts physiques prescrits selon nos analyses. Nous disposons de toute l’information nécessaire afin de contrôler le corps et l’esprit de nos joueurs pendant les séances d’entraînement.
Nous contrôlons leur alimentation et leur période de repos, et nous demandons également l’aide de Dieu. Tout ce qui ne fonctionne pas est en rapport avec mon incompétence dans l’exercice de ma profession. Je reçois tout ce dont j’ai besoin de la part des joueurs, de mon staff et de mon club. Si ma réponse est aussi longue, c’est parce que je sais que je vais avoir à répondre à des questions inquisitoires de ce type ou non, cela va dépendre de mes prochains résultats. J’espère que nous pourrons utiliser cette réponse pour les prochaines questions comme celle-là à l’avenir. Il n’y a aucune excuse de ma part, les joueurs ne sont responsables en rien et je suis le responsable de tout cela, car j’ai le soutien de tous les fans de ce club et de ma direction.
Merci pour votre réponse détaillée, c’est super. (Bielsa regarde le journaliste avec intensité, puis se tourne vers Salim Lamrani.) Qu’est-ce qu’il vient de dire là ? J’ai l’impression qu’il était un peu amusé… Ce n’était pas ironique de sa part ?
(Lamrani lui confirme que son remerciement était franc et honnête, mais traduit tout de même les propos de Bielsa au journaliste.)
Oh, non ! Alors je me suis trompé…
(Rires du journaliste et rires dans la salle.)
Mais vous riez de la sincérité de ma réponse, en fait ?
Oui. J’ai trouvé intelligent de votre part que vous nous préveniez pour les prochaines questions similaires qui puissent arriver dans le futur…Bien.
(Contrarié, Bielsa se renferme sur lui-même et attend la question suivante.)
Lors de la rencontre face à Bolton, nous avons vu des supporters de l’Athletic Club venir supporter Leeds United depuis Bilbao. Il est vraiment peu fréquent de voir des fans d’un autre club venir supporter une équipe étrangère. Quelle est votre opinion là-dessus ? J’aime l’Athletic Bilbao, et certains fans de ce club m’aiment aussi. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit que d’un groupe de fans, pas tous. Ce serait trop vaniteux d’affirmer que tout Bilbao m’aime. Quand cette affection est illustrée par la présence d’un des leurs, je le remercie.
Selon vous, quel serait le rendement de Leeds United dans la Premier League actuelle ? (Il sourit et lève la tête vers le journaliste.) Je ne peux pas répondre avec précision à cette question. Il y a déjà tellement de facteurs que je ne peux pas résoudre aujourd’hui… Vous donner une réponse maintenant serait… sans fondements suffisants. Mais votre question est très loin d’être anecdotique.
En fait, voilà le véritable fond de ma pensée : visualiser l’équipe en Premier League fait-il partie intégrante de votre processus de développement pour Leeds United ? Il existe un principe appliqué par tous au moment d’éduquer. Là, je vous parle de nos enfants respectifs, par exemple… Nous leur disons de ne pas dépenser de l’énergie dans ce qu’ils ne possèdent pas. Dans ce cas de figure, ma philosophie est la même.
Propos retranscrits par Antoine Donnarieix