- FA Cup
- 3e tour
- QPR-Leeds
Bielsa : « Les absences ne génèrent pas de problèmes sans solutions »
Depuis maintenant de nombreuses années, Marcelo Bielsa a choisi de ne plus accorder d’interview à la presse, par souci d’équité et de justice entre les médias. Par souci de justice et d’équité envers Marcelo Bielsa, So Foot publie les transcriptions in extenso de ses conférences de presse avec Leeds United. Ce dimanche, Leeds se déplace chez les Queens Park Rangers dans le cadre du troisième tour de la FA Cup.
Marcelo, vous vous attaquez maintenant à la coupe. Que pensez-vous de cette compétition ?C’est une composante connue et reconnue dans le football anglais. Tous ceux qui regardent ce football depuis plusieurs années la connaissent, la localisent et l’identifient bien. Quel que soit l’épisode que ce pays aborde avec un lien avec le football, je l’aborde avec beaucoup d’attentes.
Il y a toujours un choix à faire au moment d’aborder la coupe. Quels sont les joueurs que vous allez choisir, en sachant que vous avez aussi le championnat en tête et vos joueurs à protéger ? (Il réfléchit.) L’évaluation de chaque footballeur nous permet de construire une équipe. Je vais vous donner quelques exemples : il y a des joueurs qui ne jouent pas trop de manière habituelle, mais qui mériteraient de jouer davantage. Ce sont ces joueurs-là que je considère comme prioritaires dans cette compétition. Il y a aussi des joueurs qui jouent habituellement et qui nécessitent des minutes supplémentaires pour s’assurer un bon niveau de jeu, et il y a ceux qui préfèrent le jeu au repos. Tous ces arguments sont conjugués ensemble pour composer mon équipe dans l’optique de la rencontre de dimanche.
Pensez-vous que le coach ait un droit absolu à choisir les membres de son équipe, au-delà des compétences de chacun ? Que voulez-vous dire exactement par « droit absolu » ? Avec qui pourrais-je le partager ?
Certains clubs font le choix d’aligner des joueurs de l’équipe première avec des joueurs de la réserve, par exemple…Ah, c’est exact. I understand ! De mon point de vue, ce qui ne signifie pas qu’une position contraire soit fausse, je ne suis pas obligé de respecter cela dans chaque match auquel nous participons. Avant de démarrer la saison, je sais à quel type de calendrier je dois faire face. Dans ce but, nous organisons notre effectif de manière à affronter cet exercice dans le but de jouer sur tous les tableaux. Je ne vais pas sous-évaluer une compétition officielle à laquelle nous participons. La coupe est ancrée dans chacun de mes joueurs, elle possède une histoire qui se passe de commentaires. Bien entendu, je vais la respecter. Que mes supérieurs m’obligent ou non à la respecter, je la respecterai.
Pour parler de l’équipe, savez-vous qui est indisponible et quels joueurs seront alignés ? Je vous explique mon idée. Farrell va démarrer, puis Shackleton jouera en arrière gauche. C’est un joueur auquel j’accorde beaucoup d’importance. Halme va aussi jouer, car Jansson ne s’entraînera normalement qu’à partir de lundi. Lundi ou mardi… Ayling va aussi jouer, car il a besoin de jouer. De plus, Phillips est blessé, et Cooper va jouer lundi prochain avec les U23. Daves va jouer, car Douglas est blessé. Douglas devrait nous manquer pendant un bon moment… C’est une blessure musculaire, pas si grave, car cela lui permettait tout de même de terminer le match contre Nottingham.
Il n’était pas sorti du match à ce moment-là parce que je voulais le garder sur le terrain et adopter une stratégie plus offensive avec l’entrée d’Alioski. Notre milieu défensif sera Adam Forshaw, puis Baker en milieu relayeur. Il faut savoir que Klich en est déjà à 36 matchs joués depuis le début de saison, en comptant nos matchs de championnat et les rencontres avec sa sélection nationale. Là-dedans, il doit tout de même y avoir une exception qui m’échappe… Mais parmi tous les joueurs de notre championnat, je ne crois pas qu’un d’entre eux ait joué plus de minutes que Klich cette saison. En cela, je crois que le repos est indispensable en ce qui le concerne. Ensuite, Pablo (Hernández, N.D.L.R.) est un joueur qui nécessite que ses efforts soient dosés. En l’occurrence, Tyler Roberts occupera son poste. Et en attaque, Clarke, Harrison et Alioski vont démarrer. En l’absence de Bamford, j’ai tout intérêt à titulariser Harrison en tant qu’avant-centre. Du peu de temps qu’il a passé dans cette position, il est parvenu à marquer un but (contre Millwall, N.D.L.R.). Le fait qu’il marque un but ne signifie rien, mais c’est une option que j’ai envie de développer. Aussi, il est préférable pour Roofe de ne pas participer à cette rencontre. Voici le scénario actuel. Si je vous donne tous ces détails, c’est pour ne pas courir le risque de vous voir écrire que je ne respecte pas mon idée de concurrence au sein du groupe. J’ai énormément d’espoir en cette équipe, un espoir véritable et authentique. Cela fait un moment que nous travaillons avec Shackleton, Halme et Davies dans cette optique. Le moment me semble opportun, les circonstances nous le permettent. Et pour la première fois, je vous ai sans doute donné plus d’informations que ce à quoi vous vous attendiez.
(Rires dans la salle.)
Nous pourrions d’ailleurs terminer la conférence là-dessus, il me semble !
(Bielsa s’exprime à bras ouverts et avec un sourire bien visible.)
Savez-vous quel est le type de blessure dont souffre Douglas exactement ? C’est une blessure de type musculaire. La donnée que je conserve, c’est qu’il a pu terminer son dernier match. En temps normal, une blessure musculaire grave empêche le joueur de rester sur le terrain. Parfois, ce type d’explication est plus lié au désir qu’à une analyse concrète. De toute manière, comme à chaque fois dans notre équipe, nous allons optimiser la récupération de nos joueurs. Il reste encore cinq mois de compétition et nous sommes clairement prêts à résoudre ce type d’absences. Davies a déjà joué à ce poste, mais aussi Pearce qui sera apte pour le match à venir. Alioski peut lui aussi évoluer dans cette position, il l’a déjà prouvé dans les rencontres précédentes. En clair, nous sommes en capacité de résoudre l’absence de Douglas. Mais bien entendu, nous aurions préféré ne pas avoir à le faire.
Le marché des transferts est à nouveau ouvert. Pensez-vous recruter un gardien de but supplémentaire dans votre effectif ? Je ne crois pas que nous allons incorporer beaucoup de joueurs. Je ne peux pas vous affirmer maintenant si nous allons incorporer des joueurs dans les faits, mais si le club peut recruter des joueurs d’une qualité supérieure à celle de notre effectif et dans des postes où nous avons des nécessités, pourquoi pas.
Par exemple, la confirmation de Samu Saíz en tant que milieu défensif a converti Pablo Hernández en milieu offensif. De fait, nous avons un ailier en moins… Aussi, la blessure de Blackman n’a pas été comblée numériquement. Mais les situations qui étaient résolues en début de saison sont aujourd’hui résolues d’une autre manière. En début de saison, Clarke n’était pas une possibilité. Maintenant, il est une possibilité. Si de nouveaux joueurs arrivent, tant mieux. Mais si aucun joueur supplémentaire ne vient, nous allons résoudre cela avec l’effectif que nous avons et avec la grande confiance qui nous anime. Le club doit comprendre que dans le cas où un joueur signe chez nous, il doit améliorer le niveau global de l’effectif.
Savez-vous si des équipes adverses sont intéressées par des joueurs de votre effectif ?(Il fixe le journaliste.) Ça, je ne le sais pas.
Avez-vous des nouvelles de Berardi et Dallas ? Berardi se porte bien, et nous allons décider du moment où nous aurons besoin de ses services au cours du mois de janvier. Le processus est le même que celui suivi par Cooper auparavant : il va devoir passer par les U23 avant de se lancer dans le Championship, un championnat à l’exigence autrement plus élevée. Sa récupération est prise en charge par le staff médical et le préparateur physique, et cela s’est toujours avéré très utile. Quand les joueurs reviennent au haut niveau, vous ne percevez pas le temps qu’ils ont passé sans jouer. En règle générale, c’est une tâche très difficile à réaliser pour les médecins, les physiologues et les kinésiologues. En cela, nous valorisons à juste titre leurs aides dans notre objectif de compétitivité.
Et Dallas ? Dallas s’est remis à s’entraîner ! Son cas est assez particulier, car il s’agit d’un problème à l’os. Dès lors, il faut attendre que le corps soigne aussi cela. Il faut être très rigoureux avec la santé de chacun de nos joueurs.
Concernant Philipps, vous avez aussi parlé d’une blessure… Oui, mais Philipps est surtout suspendu pour trois rencontres. En cela, il est nécessaire qu’Ayling soit aligné pour garder du rythme, car il sent qu’il n’est pas encore à 100% de ses capacités. Nous avons là un cas particulier : Philipps est suspendu, et Cooper doit jouer un match avec les U23 juste avant d’être disponible pour notre prochain match de championnat.
Pensez-vous que Brown et Bamford soient disponibles à partir du prochain match contre Derby County, ou doit-on attendre le match contre Stoke City ? Isaiah Brown va bien. Le problème, c’est qu’il n’a pas joué depuis un an. De fait, le processus minimum dans ce cas précis consiste à jouer quatre ou cinq matchs dans une ligue inférieure au Championship, autrement dit la catégorie U23. En cela, si tout va bien, il sera en condition de postuler une place dans l’équipe première à partir de la mi-février. Premièrement, il doit acquérir une forme optimale et ensuite, il va devoir créer une concurrence avec Pablo, Baker ou Roberts qui occupent le même poste que lui.
En ce qui concerne Bamford, il va bien aussi. Le problème se situe au niveau de sa blessure qu’il a subie au même endroit que la précédente, mais à un niveau de gravité moindre. Ce genre de rechute incombe à tout le staff, et cela nous oblige à prendre des précautions supplémentaires. Cette précaution concerne le staff comme le comportement du joueur lui-même. En cela, nous n’allons pas accélérer la période de rétablissement de Bamford. Vous avez deux manières de soigner les blessures de vos joueurs : soit en prenant en considération l’urgence et la nécessité pour l’équipe, soit en considération de la durabilité de la santé du joueur. En ce qui me concerne, je vais toujours opter pour la deuxième option. Mais pour vous expliquer la chose bien clairement, si Roofe ne joue pas et que Bamford est disponible, cela est une alternative possible. L’élément fondamental à prendre en compte, c’est que Tyler Roberts est parvenu à résoudre ces deux options moins privilégiées. Et pour le match de ce week-end, nous allons tenter d’élargir cette alternative à Harrison. Cela signifie que les absences n’engendrent pas de problèmes sans solutions. Le fait que nous avons joué beaucoup de matchs dans un temps si restreint engendre aussi des problèmes inévitables pour les autres équipes que nous allons rencontrer. Je n’ignore cette situation d’aucune manière, mais elle est tout à fait normale et affrontable. Le problème est horizontal : il concerne toutes les équipes d’Angleterre.
Il est peu fréquent qu’un entraîneur donne son onze initial en conférence de presse avant d’affronter une équipe… Cela vous pose-t-il un vrai problème de nous communiquer cela ? (Il enlève ses lunettes.) Écoutez, c’est imprudent de donner ma formation deux jours avant. Cela n’est pas conventionnel. D’ici au jour du match, il peut se passer tellement de choses… En général, je ne donne pas mon onze de départ juste pour cette raison. À l’heure actuelle, chacun de nos rivaux savent plus de choses sur notre équipe que nous-mêmes, et cela vaut aussi pour nous-mêmes concernant nos rivaux. Nous ne le faisons pas parce que cela est efficace, mais parce que nous souhaitons augmenter les précautions. Quand j’ai commencé à entraîner, notre staff technique était de trois personnes. Désormais, nous sommes quinze, soit cinq fois plus. Et le jeu ne s’est pas amélioré pour autant… Après oui, il y a plus de travail pour notre physiothérapeute ! Mais c’est pour cela que donner ou divulguer la formation de départ, cela m’est égal. Et si, aujourd’hui, j’ai décidé de la donner, c’est parce que l’opinion sur mes décisions m’importe. Je voulais expliquer cas par cas que je ne sous-estime en rien la concurrence. La concurrence possède comme destinataire final les fans. Et ces fans détiennent un lien avec l’écusson de leur équipe que nous ne devons jamais décevoir.
Vous expliquez qu’un renforcement grâce au marché des transferts n’est pas essentiel, mais les fans peuvent penser le contraire : si vos adversaires parviennent à se renforcer de leur côté, cela va les rendre encore plus difficile à battre. Quelle est votre opinion là-dessus ? L’équipe que je possède actuellement a été construite par Victor Orta (directeur sportif de Leeds United, N.D.L.R.). Bien sûr, j’ai donné mon opinion sur les recrutements effectués, mais le véritable architecte de l’équipe, c’est lui. Actuellement, cette équipe occupe une place prestigieuse dans le Championship. Et cela signifie clairement qu’il ne s’est pas trompé dans ses choix. J’ai confiance en lui, mais ce n’est pas par un simple acte irréfléchi ou par camaraderie.
J’ai confiance en Victor, mais aussi dans le soutien que peut lui donner le président. Aussi, quand le club prend une décision, ce sont mes décisions. En cela, il faut bien comprendre comment fonctionne le mécanisme du club : même si l’équipe est construite par Victor Orta aidé par notre président, l’unique responsable du non-fonctionnement de l’équipe, c’est moi. Pourquoi est-ce que je vous dis ça ? Parce que quand ils me proposent quelque chose, si j’accepte leur proposition, la décision devient mienne. Dès lors, j’ai confiance en Victor, et notre seule politique est d’intégrer des joueurs qui améliorent notre équipe. Le fait d’augmenter notre quantité de joueurs ou de donner l’image d’une préoccupation pour notre effectif, cela ne nous intéresse pas. Souvent, vous allez avoir des prises de décision effectuées à la suite de l’inquiétude populaire. Il faut écouter ces revendications, mais donner des réponses en rapport avec ce que les fans demandent. Ce que les fans veulent, c’est améliorer notre équipe. Et cela n’est vraiment pas une chose facile, d’autant plus lors du marché hivernal. Ce que je sais, c’est que même si personne n’intègre l’équipe durant cette période, nous serons capables de réussir nos objectifs de la saison.
Vous dites avoir une pleine confiance en Victor Orta. Qu’est-ce qui vous plaît dans son travail exactement ? J’ai confiance, car les joueurs qui sont à ma disposition en ce moment, je les aime. Et pourtant, j’ai rencontré Victor Orta pour la première fois de ma vie il y a cinq mois. Ce n’est pas comme si nous étions amis de longue date et que je me sentais obligé de parler en bien de lui… Aujourd’hui, je disais à mes joueurs que j’avais de grands espoirs dans le match de ce dimanche. J’ai envie de voir cette équipe que je prépare depuis un moment nous rendre heureux avec le jeu qu’elle produit et bien entendu avec une victoire au bout. Bien jouer sans gagner, cela n’a aucun sens. Et gagner sans bien jouer, cela ne me semble pas être un projet viable sur le long terme. Bon, ça vous suffit là, non ? (Bielsa remet ses lunettes avec un large sourire.)
J’ai beaucoup aimé votre éloge lié à la FA Cup. Avez-vous en mémoire un match de Coupe d’Angleterre comme référence personnelle ?C’est une excellente question. Cela me laisse dans une position délicate, car ce que je vais vous dire va très vite être vérifiable !
(Rires dans la salle.)
Je vais donc vous répondre par la vérité. Vous savez que le football anglais est très populaire à travers le monde. Et vous devez savoir aussi que les Anglais sont amoureux de leurs traditions. Il y a donc deux éléments : tout le monde veut voir ce que vous avez construit pendant toutes ces années. Je ne vais pas vous faire une conclusion démagogique, mais ce que j’avance est réel. Je n’ai pas dans ma mémoire toutes les périodes du football anglais bien dissociées. (Bielsa mime des tiroirs allant de droite à gauche) Ma mémoire se souvient de Reagan, de Bobby Charlton, et cela remonte jusqu’à aujourd’hui. (Il coupe sa réflexion, puis réfléchit.) Me suis-je trompé sur le nom de Reagan ? Je pensais à un joueur plutôt petit, aux cheveux longs, un avant-centre extraordinaire devenu une légende du football anglais…
Keegan ? KEEGAN ! Vous me laissez vraiment dire tout et n’importe quoi, hein.
(Rires.)
Propos retranscrits par Antoine Donnarieix