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Bielsa : « Il n’existe pas de réalité vitale sans hauts et bas »
Depuis maintenant de nombreuses années, Marcelo Bielsa a choisi de ne plus accorder d’interview à la presse, par souci d’équité et de justice entre les médias. Par souci de justice et d’équité envers Marcelo Bielsa, So Foot publie les transcriptions in extenso de ses conférences de presse avec Leeds United. Ce samedi, Leeds joue un derby à Sheffield United pour mettre la pression sur le leader Norwich.
Pensez-vous que Pontus Jansson soit de retour dans le groupe pour cette rencontre ?(Bielsa coupe Salim Lamrani dans sa traduction.) Nous pensons que oui.
Votre anglais commence à s’améliorer !(Bielsa acquiesce de la tête et montre un sourire satisfait.) C’est mon intuition en lien à votre question, pas mon niveau d’anglais.
Jansson sera disponible d’accord, mais pensez-vous qu’il sera prêt à jouer ce match ? Oui, je le pense sincèrement. Je préfère user de la précaution en vous disant cela, mais cela semble possible. Cela fait maintenant 20 jours qu’il n’a plus joué avec nous, mais je le pense apte pour nous aider.
Depuis que vous êtes arrivé au club, Jansson semble davantage consistant dans son jeu. Qu’avez-vous fait pour le rendre meilleur ? J’ai regardé tous les matchs de Leeds la saison passée, et je ne constate pas la remarque que vous venez de faire concernant Pontus. Mais en ce qui me concerne, je n’ai rien fait de spécial. Si je devais m’engager sur ce terrain-là, les idées que j’avancerais ne seraient pas certaines.
Ce que je veux dire, c’est qu’il semble beaucoup plus tranquille sur un terrain de football… Écoutez, je peux vous parler de ses aptitudes à jouer au football. J’ai vu très peu de joueurs de cette envergure qui puissent répondre aux exigences physiques d’un défenseur latéral. Si vous êtes intéressé par ce dont nous sommes en train de parler, il y a une action contre West Bromwich où il est en réel duel avec le numéro 15 adverse (Harvey Barnes, N.D.L.R.) pendant tout le match. L’action où il se blesse au genou illustre le fond de ma pensée.
Pensez-vous que Jansson détient les capacités pour jouer au plus haut niveau national ? La seule chose qui me fait douter de mes conclusions, c’est qu’il ne joue pas au plus haut niveau. Cela me fait donc penser que mes conclusions sont peut-être exagérées. Quand je parle du haut niveau, nous pourrions éventuellement considérer que Leeds évolue dans cette catégorie… (Bielsa esquisse un sourire.) Il est toujours très opportun de faire attention à ce genre de détails.
Vous avez déjà joué plusieurs derbys contre Rotherham ou Sheffield Wednesday, mais celui qui vous attend contre Sheffield United est perçu comme le seul véritable par les supporters. Considérez-vous ce derby comme aussi important qu’un Newell’s Old Boys-Rosario Central ? Je ne l’ai pas encore expérimenté, donc il est difficile de m’exprimer là-dessus. Ce que je peux vous assurer, c’est que le derby de Rosario est inimitable.
Lors de votre dernière conférence de presse, vous avez expliqué ne pas avoir vu l’action où Alioski s’écroule au sol. Que pensez-vous des joueurs qui tombent dans la surface et cherchent à obtenir quelque chose ? Du coup, vous voulez savoir ce que je pense d’Alioski ? (Sourire de Bielsa.)
Dans un premier temps, oui…Il existe des questions dans lesquelles la réponse se trouve.
Je ne pourrai jamais être en faveur de la tromperie. Parfois, la tendance peut amener à ce que la triche soit perçue comme une espièglerie intelligente. Je ne condamne pas ce genre de comportement, mais je n’en fais pas d’éloge. Il y a une différence de taille entre ces deux positions. Je crois que le travail de l’arbitre est terriblement difficile. Cette tâche est aussi difficile qu’indispensable, et il est opportun d’aider à cela. Essayer de tromper quelqu’un, ce n’est pas l’aider. Il faut être compréhensif quand l’arbitre se trompe et ne pas provoquer d’erreurs. Mais dans le même temps, je n’aime pas non plus critiquer les footballeurs qui simulent, car dans leur processus de formation, il n’existe pas de condamnation personnelle de la tromperie. À mes 12 ans, je ne me souviens pas avoir critiqué l’un des mes partenaires pour avoir obtenu un penalty à travers la simulation. Lorsque vous trichez dans un match, vous ne pouvez pas faire une analogie avec le principe de moralité dans la vie quotidienne des êtres humains. En temps normal, c’est ce que nous faisons. Je crois que je parle trop…
Non, c’est intéressant. Allez-y ! Pour conclure, je voudrais dire que je ne veux pas critiquer Alioski, car je l’aime beaucoup !
Merci, Marcelo. (Sourire et regard pensif de Bielsa.)
Vous avez utilisé Philipps comme un défenseur central au dernier match. En quoi est-il difficile pour un milieu défensif d’être replacé en tant que stoppeur ? Un milieu défensif, c’est une sorte de troisième défenseur central au sein de l’équipe.
En cela, son jeu découle de ses habitudes à son poste de prédilection. Mais il existe une différence entre prendre une décision avec trois joueurs derrière soi, les deux stoppeurs et le gardien, et la prendre avec une seule personne derrière soi. Vous pourrez vous rendre compte que très souvent, le milieu de terrain défensif cherche à récupérer la balle sans avoir la certitude de pouvoir la conserver dans la foulée. En revanche, le travail du défenseur central consiste à diminuer l’improbabilité à récupérer la balle.
Diriez-vous que Philipps est le joueur qui s’est le plus amélioré sous vos ordres ? Écoutez, je me sens beaucoup trop amoureux de mes joueurs pour que mon opinion les concernant soit véritablement à considérer. Avant de dormir, si j’imagine que nous allons affronter Liverpool, je crois que nous sommes capables de gagner. Dès lors, l’évaluation que je fais de mes propres joueurs est très partiale.
D’accord, peut-être que je dois reformuler ma question. Quelle importance donnez-vous à Philipps au sein de votre équipe et comment jugez-vous son influence ? La versatilité est une qualité fondamentale dans le football contemporain. La saison passée, il avait joué certains matchs en tant que milieu offensif. Ensuite, il est passé milieu central, puis milieu défensif et maintenant, le voilà défenseur central.
Si au lieu de faire le chemin en descente sur le schéma, Philipps le faisait maintenant en remontant progressivement sur le terrain, il pourrait le faire avec de bons résultats. Cela veut dire beaucoup car souvent, les joueurs peuvent perdre cette versatilité. Par exemple, Dallas ressemble de plus en plus à un défenseur latéral qu’un ailier. C’était simplement pour vous donner un exemple.
Nous avons pu observer l’entrée de Clarke lors du dernier match, et les retours sur sa prestation ont été très positifs. Pensez-vous qu’il puisse bientôt commencer un match, que ce soit d’un point de vue technique ou physique ?(Longue hésitation.) Les joueurs sont évalués selon le nombre d’objectifs qu’ils remplissent. Si vous observez bien la première partie de sa période, vous verrez que le rendement est différent dans la deuxième partie. Cela engendre toujours des interrogations. Ce que nous pouvons dire sur lui, c’est que le haut niveau ne l’inhibe pas.
Évidemment, il doit avoir encore beaucoup de choses à apprendre et il possède la chance de pouvoir se refléter dans le jeu de Pablo Hernández. Quand vous le regardez, vous apprenez des choses rien que dans sa manière de jouer. Ce que fait Pablo dans certains moments du match, ce ne sont pas des choses que l’on peut enseigner. Parfois, Pablo se déplace sur certaines zones du terrain, car il peut y recevoir la balle et la relancer dans une zone différente, où la densité défensive adverse est très inférieure. Qui va se remémorer cette action ? Les spectateurs se souviennent des faits déterminants, pas de ce qui va contribuer à ce que les faits soient déterminants.
Vous avez eu l’occasion de bien jouer contre des équipes qui prônent le jeu. Pensez-vous que le match de ce week-end sera beau à voir, étant donné que Sheffield United est une équipe qui ferme le jeu ? Écoutez, comme je suis assez peu cultivé à propos du football anglais, j’essaie de donner mon opinion avec beaucoup de précaution. Mais si j’étais assis avec des amis à la table d’un café, je dirais que l’entraîneur de notre prochain rival (Chris Wilder, N.D.L.R.) est une personne avec une innovation que j’ai rarement vue auparavant. En tant qu’entraîneurs, nous parvenons à nous améliorer en observant le travail de nos homologues. Ce que nous voulons apprendre réside souvent dans ce qui est inhabituel. Personne n’observe les techniques habituelles pour apprendre, nous nous enrichissons grâce à la nouveauté. Les méthodes de notre prochain adversaire méritent d’être observées. Je ne connais pas l’histoire exacte de cet homme, mais je pense que mon avis est le bon.
Quand vous parlez d’idées nouvelles, à quel type de jeu est-ce que vous vous attendez exactement ? (Sourire de Bielsa.) Vous pouvez établir vos propres conclusions… Ou alors posez-moi la même question la semaine prochaine ! Je suis toujours partant pour que le public puisse comprendre les différentes manières de jouer au football. Quand je commente mes impressions sur Pablo, l’objectif de mon commentaire est de permettre au spectateur de valoriser une fonctionnalité qui ne brille pas en temps normal. Quand je parle des caractéristiques de notre adversaire, je détiens le même objectif que lui. Cette semaine, j’ai vu dans cette équipe des aspects que je souhaitais développer, mais dont je n’avais pas trouvé la formule.
Quel est votre plan concernant les gardiens et pensez-vous à faire signer un gardien au mois de janvier ? Je ne peux pas vraiment vous répondre sur ce point, car sincèrement, je n’y ai pas encore pensé. Il nous reste encore un gros mois de compétition, et ce genre de décision doit être prise d’une manière plus consciente par rapport à la situation à résoudre.
Que pensez-vous de la réaction de Farrell sur le dernier match ? Quand vous nous avez parlé de lui la dernière fois, vous expliquiez attendre une réaction de sa part… Je ne mettrais pas en rapport mes commentaires à son égard avec ses performances. En tant qu’entraîneurs, nous sommes beaucoup plus responsables des cycles négatifs de nos joueurs que des cycles positifs. Les hausses de performances sont souvent liées à l’autogestion… Le lien avec les hauts et les bas est lié à la capacité de leadership. Est-ce que vous voyez les montagnes russes dans les parcs d’attractions ? (Bielsa mime les trajectoires d’un grand huit.) Certaines images sont très représentatives de l’image d’aller vers le bas. Pour reprendre de la vitesse, il est nécessaire d’aller vers le bas pour vite remonter. Cette idée reflète ma vision des choses sur les hauts et les bas : il n’existe pas de réalité vitale sans hauts et bas. Quand vous êtes en bas, certaines personnes ne peuvent pas en sortir. D’autres, comme dans une montagne russe, se servent de cela pour aller de l’avant.
Propos retranscrits par Antoine Donnarieix