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Bielsa, encore une fois…
Et à la fin, c’est l’équipe de Bielsa qui perd. Le coach argentin n’est pas parvenu à faire remonter Leeds en Premier League, sans pour autant que cette désillusion en play-offs fasse de sa première saison dans le Yorkshire un échec.
Marcelo Bielsa ne serait pas un grand entraîneur. Pas un grand entraîneur, car il n’aurait jamais rien gagné. Rien gagné à part le championnat d’Argentine par trois fois (saison 1990-1991 et tournoi de clôture 1992 avec Newell’s ; tournoi de clôture 1998 avec Vélez Sársfield) ainsi que la médaille d’or des Jeux olympiques d’Athènes (2004) à la tête de la sélection d’Argentine. Soit déjà un palmarès plus fourni que l’immense majorité de ses confrères qui exercent aujourd’hui dans les grands championnats européens. Actuellement, en Ligue 1, par exemple, aucun coach n’a gagné trois championnats de première division et seul le coach de Bordeaux Paulo Sousa en a déjà remporté deux – c’était en Israël et en Suisse. Est-ce à dire que l’immense majorité des entraîneurs sont forcément mauvais car ils n’auraient encore moins gagné que celui qui n’aurait rien gagné en gagnant peu ? Faudrait-il seulement juger les entraîneurs sur leurs résultats ? Ou pourrions-nous ouvrir les yeux sur ce qui se passe sur le terrain en se rappelant que le résultat n’est que le produit aléatoire de faits de jeu qui se sont succédé pendant 90 voire 90e+6 minutes ?
Au service de la Ligue 1, Bielsa a été tamponné – double-tamponné – loser à l’OM puis en menant le LOSC dans le mur. Rappelons qu’il n’a eu droit qu’à 13 journées de Ligue 1 sur le banc nordiste avant de se faire éjecter. Son successeur, Christophe Galtier, avait récolté encore moins de points lors de ses 13 premiers matchs au cours de l’édition 2017-2018 (2V 3N 8D) que lors du début de saison lillois avec Bielsa (3V 3N 7D). Mais aujourd’hui, le LOSC de Galtier est qualifié pour la prochaine Ligue des champions après une saison fantastique quand Bielsa, lui, a failli dans sa mission de faire remonter Leeds United en Premier League. Encore une fois…
Oui, encore une fois… Comme à Rosario, où le stade de Newell’s Old Boys porte son nom, comme au Chili, où il restera le bâtisseur des succès de l’ère Sampaoli ; comme à Marseille, où les ultras ont brandi des tifos à son effigie, à Elland Road, Bielsa a attisé la passion de la communauté Leeds United. Et ce n’est pas rien. « C’est déjà un personnage culte à Leeds » , nous assurait en janvier dernier, Phil Hay, journaliste qui suit Leeds United au quotidien pour le Yorkshire Evening Post. « Le club a été redynamisé, les fans ont retrouvé ce lien avec le club, par rapport au football que nous avons vu. Il y a des eu des matchs sensationnels. Ça a été le meilleur football joué ici depuis 18 ou 19 ans ! » , appuie Rob Bagchi, le journaliste qui suit le club du Yorkshire pour le Telegraph, interrogé cette semaine par France Football. Le tout avec un effectif peu renforcé par rapport à la saison précédente au terme de laquelle les Peacocks avaient terminé à une triste 13e place. L’aventure 2018-2019 avec Bielsa s’est terminée en play-offs ? Les supporters de Leeds qui s’expriment dans les médias ont foi en Bielsa pour aller chercher la montée la saison prochaine.
Et si le coach argentin devait partir cet été, il laisserait une trace émotionnelle indéniable dans la mémoire des 30 à 40 000 supporters qui se sont massés dans les tribunes à chaque match à domicile pour voir Hernandez, Bamford, Phillips et toute la clique.
Ce jeudi, pendant que Leeds séchait ses larmes après la défaite contre Derby County, à Amsterdam, la foule est venue acclamer ses héros. Parce que l’Ajax est champion des Pays-Bas ? Un prétexte, plutôt pour rendre hommage à l’épopée continentale des Ajacides. Le capitaine, Matthijs de Ligt, 19 ans, a pris le micro : « Nous avons montré à tout le monde qui nous étions. Nous avons montré à tout le monde ce qu’est un football d’attaque. Nous avons montré à tout le monde ce que ce grand homme là-haut (Johan Cruyff, N.D.L.R) voulait voir ! » Et ça ne pouvait parler qu’à ceux qui ont vu l’équipe d’Erik ten Hag sortir grandie au-delà du résultat fatal de la demi-finale de la Ligue des champions. À une autre échelle, Leeds United a aussi perdu une demi-finale retour palpitante et rendu fier les siens. Mais ce n’est pas marqué au paragraphe palmarès de la fiche Wikipédia.
Par Florian Lefèvre