- Ligue 2
- J5
- Le Mans-Lorient
Bevic Moussiti-Oko : « J’étais en cuisine, côté bœuf »
En signant cet été au Mans, promu en Ligue 2, Bevic Moussiti-Oko est revenu dans sa ville d’enfance. Formé dans le Nord de la France avant de signer pro au Havre, l’attaquant de 24 ans a déjà marqué deux buts cette saison, sans pour autant permettre au club manceau d’arracher sa première victoire en championnat. Entretien avec un dur au mal avant la réception de Lorient ce vendredi soir.
Tu es né à Brazzaville, mais tu as commencé le foot au Mans. Y revenir cet été, c’était un retour au source désiré ?Oui, j’ai commencé le foot à l’âge de 8 ans au Club Olympique de Pontlieue (COP) dans la ville du Mans. En signant au Mans FC cet été, je suis plus ou moins revenu là où tout a commencé. C’est un club avec lequel on avait déjà parlé, le coach et le président. Mais ça n’avait pas pu se faire. Ça a toujours été un club qui m’a procuré des sensations. J’habitais au Mans quand ils sont remontés en Ligue 1 après être descendus, et à l’époque c’était le MUC 72. Même si pas mal de clubs m’ont sollicité, vu que c’est un club dans lequel j’avais toujours voulu jouer, ou au moins avoir l’occasion d’y jouer, c’était comme une évidence.
Après tes premiers matchs de jeunes avec le COP, tu as déménagé en région parisienne avant d’aller jouer dans le Nord, à Wasquehal puis à Lesquin. Pourquoi ? C’est un choix que j’ai fait. Celui d’aller à l’internat au lycée César-Baggio de Lille, et en même temps, d’essayer de jouer au football au haut niveau. J’ai d’abord joué avec les U17 nationaux de Wasquehal, puis par la suite, je suis resté dans le Nord puisque je suis allé jouer à Lesquin.
Ce n’était pas trop difficile de quitter le domicile familial alors que tu ne te dirigeais pas vers une structure pro ? Non, parce que j’avais déjà 16 ans au moment de quitter le foyer.
Puis, dans le Nord, les gens sont vraiment sympas, surtout à Lesquin où le club était franchement familial. Tous les gens du club ont été très accueillants. À l’époque, j’ai commencé une licence de STAPS. Mais la première année, je devais valider mon stage, puis je suis parti en sélection U20 avec le Congo. À cette période-là, je n’ai pas pu valider certaines matières quand il le fallait. Et l’année d’après, j’ai signé à Dunkerque.
Après Lesquin, tu as joué deux saisons à Dunkerque. C’est là-bas que tu as eu un déclic et surtout, que tu as commencé à franchir les paliers. Ça a été un gros changement dans ta carrière ? Lors de la première année, le coach m’a pris dans le groupe A pour jouer quelques matchs. Et la deuxième saison, je faisais directement partie du groupe National. La première partie de saison a été un peu compliquée, mais mes coéquipiers me faisaient confiance et m’aidaient à me surpasser. Ça m’a permis d’avoir un déclic et d’enchaîner les matchs et les buts en deuxième partie de saison.
C’est aussi à cette époque que tu as modifié ta manière de t’alimenter et de te préparer ?Oui, à Dunkerque, il y a eu un changement dans ma préparation athlétique. J’ai été sans doute plus assidu que quand j’étais à la fois joueur amateur et étudiant. C’était plus les mêmes rythmes et les mêmes enchaînements d’entraînement. Plein de choses ont changé à mon arrivée à Dunkerque. Mais finalement, j’ai réussi à m’adapter rapidement à tout ça.
C’est à ce moment-là que tu travaillais dans un fast-food ? Non, ça c’est quand j’étais à Lesquin. J’ai travaillé quelques mois comme équipier polyvalent au McDo. Je faisais ce petit boulot en parallèle de ma licence de STAPS. J’étais en cuisine, côté bœuf.
Maintenant que tu es pro, tu y manges encore ?Non, je n’y vais presque plus, voire quasiment jamais en réalité. J’avais plus envie d’y aller.
Et à Dunkerque, est-ce que tu gagnais ta vie grâce au foot ? J’étais d’abord arrivé dans le groupe de la réserve, donc forcément, non, pas à cette époque-là. Au bout de deux mois, j’ai intégré l’équipe première, mais ce n’est pas pour autant que mon contrat a changé plus que ça, je ne gagnais pas grand-chose. Mais l’année suivante, quand j’étais installé dans le groupe National, j’ai fait un CAE (Contrat d’accompagnement dans l’emploi, N.D.L.R.) avec la mairie. J’ai notamment travaillé dans la préparation et l’entraînement des jeunes.
J’imagine que tu as eu l’occasion, pendant ces deux saisons à Dunkerque, de faire le carnaval ?Ouais, je l’ai fait une année avec toute l’équipe.
C’est un carnaval, donc il faut être libre et ouvert d’esprit, et accepter toutes les choses qu’on peut voir, comme des gens qui se déguisent en certains types de personnes. Mais on est dans le Nord, il y a des gens ouverts et chaleureux qui vous accostent et vous disent bonjour de manière naturelle. C’est un truc à faire. Même s’il faisait parfois un temps presque glacial, Dunkerque c’était une belle époque. J’en garde vraiment des bons souvenirs.
Après Dunkerque, tu t’es engagé au Havre, en Ligue 2. C’était une consécration de se rapprocher enfin du vrai haut niveau ?Je voyais ça plutôt comme l’aboutissement d’un travail limite acharné jusqu’au bout. C’était un aboutissement, mais pas une fin en soi, car derrière, il fallait essayer d’aller voir plus haut. Mais c’est clair que c’était un grand moment pour tout le monde et pour ma toute jeune carrière.
Tu as été prêté en janvier dernier à Rouen, car tu n’avais que très peu joué en début de saison. Comment expliques-tu cette difficulté à t’imposer au Havre ?Je pense qu’au Havre, c’était dur de m’imposer, notamment à cause de la difficulté à enchaîner les matchs. Puis il y avait beaucoup de joueurs, de bons joueurs, un effectif garni, et l’entraîneur devait faire ses choix aussi. À l’époque, je pense que j’étais présent aux entraînements et que j’arrivais à m’imposer.
Après, je suis plus un joueur dans l’affect, et au Havre, ce n’était clairement pas un club où l’affect était présent.
Justement en 2017, tu expliquais déjà être un joueur d’affect dans un article de La Voix du Nord. As-tu retrouvé ça à Rouen lors de ton prêt de six mois ? Oui, carrément. Il y avait un effectif moins garni, un entraîneur plus proche des joueurs, et la possibilité de dialoguer avec le coach, les adjoints. La porte du président était toujours ouverte et globalement, je pense que c’était un club vraiment familial. Après, ce n’est pas forcément quelque chose d’indispensable. J’ai tendance à avoir des attitudes qui poussent à se renforcer, même si c’est vrai que j’aime d’autant plus un club avec de l’affect. Mais je peux aussi faire sans. Maintenant, j’ai pris mon rituel des matchs et des entraînements. Que l’affect soit là ou pas, je suis lancé.
Pour ton premier match officiel avec Le Mans, à domicile contre Lens lors de la 1re journée de Ligue 2, tu as marqué ton premier but. Malgré la défaite 2-1, tu avais parfaitement combiné avec Vincent Créhin, juste derrière toi dans un rôle de faux numéro neuf. C’est le profil parfait à tes côtés ? Oui, c’est un type de profil avec lequel j’aime beaucoup jouer. Mais je peux également jouer avec plusieurs types de joueurs. Parce que je peux prendre la profondeur, mais je sais aussi décrocher et garder les ballons. En fonction des joueurs avec qui je joue, je peux m’adapter. Contre Lorient en Coupe de la Ligue, je pense que notre association avec Harrison Manzala a été aussi très bonne.
Tu as marqué ton deuxième but de la saison en Coupe de la Ligue, c’est un bon début de saison pour toi, non ?
C’est un bon début au regard de mes débuts au Havre, mais je pense que je peux être plus efficace dans la finition, ce qui permettrait à l’équipe de marquer plus de buts. Ça, c’est un aboutissement collectif, mais pour l’instant, il y a un sentiment mitigé pour moi et l’ensemble du groupe, car il y a encore des zones à améliorer. On doit progresser dans la gestion des moments clés du match, dans les temps forts et temps faibles.
Justement, avant d’affronter Lorient, vous n’avez pas encore gagné un seul match de championnat. Quel sentiment prédomine ? On est frustré, car on n’a gagné aucun match, mais on ne peut pas se permettre de baisser la tête ou de se démobiliser. Surtout que, je pense, on a de quoi avoir confiance en notre jeu et son contenu. On sait qu’on va casser cette spirale à un moment donné. Le plus tôt sera le mieux, mais il faut qu’aucun ne baisse la tête ou les bras, parce qu’on produit du beau football quand même.
Mais après quatre défaites en produisant un beau football, est-ce qu’on n’est pas tenté de jouer un peu moins tout en prenant moins de risques ?Non pas du tout, parce que c’est notre philosophie et c’est la philosophie du coach Richard Déziré. Je pense que c’est un jeu qui nous permet de nous procurer beaucoup d’occasions. Maintenant, il nous faut aussi de la réussite, de l’efficacité. Et après, on doit être beaucoup plus costauds, tous ensemble, pour ne pas prendre certains buts.
Propos recueillis par Maxime Renaudet