- Français de l'étranger – Jérémy Berthod
Berthod : « En déplacement à Tromso, 22 heures d’ensoleillement ! »
Pur produit de la formation lyonnaise, Jérémy Berthod a progressivement senti sa carrière battre de l'aile en France. Alors il a choisi l'exil, dans un pays pas trop loin ni trop exotique, histoire de retrouver la confiance balle au pied tout en assurant un cadre de vie pépère à sa famille. Vis ma vie de pionnier en Norvège.
Pendant que l’intersaison bat son plein en France, toi tu es en pleine bourre actuellement en Norvège, où tu as débarqué cet hiver…Ouais, et ça se passe plutôt bien. J’évolue dans une équipe promue, à Sarpsborg, donc au début de saison, on nous prédisait plutôt la descente que le haut de tableau. Puis finalement, après 14 matchs, on est au milieu de classement. C’est top, ça joue bien. On a perdu quelques matchs contre les grosses équipes à l’extérieur, mais sinon dans l’ensemble le premier bilan est pas mal.
À titre personnel, l’adaptation au foot local s’est faite sans souci ?Oui. Comme je suis arrivé début février, j’ai pu faire toute la préparation avec l’équipe, histoire d’être au point dès l’entame de saison, fin mars. J’ai débarqué dans un groupe où je me sens vraiment bien, avec des joueurs qui se prennent pas la tête. T’as pas de stars, c’est tous des gars simples, sains, super sympas.
Comme en France, tu évolues à gauche de la défense ?C’est ça, on m’a embauché ici pour jouer latéral gauche, j’essaie de montrer ce que je sais faire (3 buts et 1 passe décisive depuis le début de saison, NDR).
Le football norvégien, ça donne quoi ?Je vais pas te mentir, c’est pas le niveau des championnats d’Espagne ou d’Angleterre, mais objectivement, c’est quand même pas mal du tout. Il y a beaucoup de très bons joueurs, notamment parmi les jeunes. D’ailleurs, en France, on est bien placés pour le savoir : l’équipe espoir a battu les Bleuets et s’est qualifiée pour l’Euro, où elle a plutôt été bonne il me semble (demi-finale perdue 0-3 contre le futur vainqueur espagnol, NDR). En plus des locaux, beaucoup d’équipes sont constituées de joueurs des pays scandinaves voisins : Suède, Danemark, Islande… Donc déjà, physiquement, c’est costaud, il y a un côté viking. Et comme ici, étant donné la météo, 80 % du temps on joue sur terrain synthétique, niveau technique c’est pas mauvais non plus.
Et l’ambiance ?Nous, à Sarpsborg, ça me rappelle beaucoup mon ancien club d’Auxerre : une ville de 30 000 habitants qui est à fond derrière son club de foot. Le stade fait que 5000 places, mais il est complet à chaque match à domicile. C’est très familial, bon enfant. Sinon, ailleurs, t’as des gros clubs bien populaires. La meilleure ambiance pour l’instant, c’est sur la pelouse de Rosenborg que je l’ai connue, d’autant plus qu’on y a joué le jour de la fête nationale. C’est la tradition ici : tous les stades sont pleins pour l’évènement. Sinon c’était sympa aussi d’aller défier l’actuel leader Stromsgodset, une équipe invaincue chez elle depuis deux ans.
Par contre, je viens de voir que le double champion en titre, Molde, entraîné par Ole Gunnar Solskjær, a fait un très mauvais début de saison…Oui effectivement, l’équipe a plus de mal cette saison, elle a commencé par être relégable une bonne partie du temps. Mais on sent qu’elle monte actuellement en puissance (troisième victoire de la saison obtenue face à… Sarpsbrog à domicile samedi dernier, 3-1, NDR). Il est temps, les barrages de Ligue des champions approchent et elle aimerait bien pouvoir accrocher la phase de poules. C’est pas impossible, malgré son début de saison. C’est aussi ce qui fait le charme du championnat norvégien : n’importe qui peut battre n’importe qui. C’est très homogène.
Bon, donc, pour toi, l’objectif, c’est le maintien ?Oui, d’autant que Sarpsborg est un club habitué à faire l’ascenseur. On a plutôt bonne réputation ici, avec du beau jeu, mais parfois un manque de rigueur. Pour comparer, on est un peu le Troyes de Norvège. En espérant qu’on finisse mieux.
« Ils sont tous bilingues »
Sinon, la vie en Norvège, tu trouves ça comment ?
Top. Même si j’ai débarqué en plein hiver, avec le froid, la neige… Il a fallu s’habituer. Mais là, depuis deux mois, le climat est agréable. Il fait doux, la vie est belle. Niveau communication, j’ai décidé de prendre des cours de norvégien une fois par semaine. Je compte pas forcément être bilingue, mais j’aimerais au moins avoir les bases pour me débrouiller dans la vie de tous les jours et communiquer avec mes coéquipiers.
Ça cause pas mal anglais aussi, non ?Oui, en plus à Sarpsborg, le staff est anglais. Et même les joueurs locaux se débrouillent tous en anglais, c’est dans leur culture de l’apprendre comme seconde langue dès tout gamin. Ils sont tous bilingues.
Il y a des choses qui t’ont surpris depuis ton arrivée au pays ?Un déplacement m’a particulièrement marqué : c’était en mai à Tromso, une ville tout au nord, au-delà du cercle polaire. C’est pas le temps qui m’a surpris, mais l’ensoleillement, qui était déjà de 22 heures à l’époque. Du coup, j’avais mis mon réveil à 2h du matin juste pour voir ce que ça faisait, parce que ça m’avait impressionné cette histoire. Et bah ouais, il faisait jour ! En plein été, le soleil se couche carrément jamais. Et en hiver, c’est l’inverse, la nuit H24. Là, franchement, je sais pas comment je réagirais, ça doit être assez déprimant d’être plongé tout le temps dans le noir…
Tu es le seul Français à évoluer ici ?
Oui. Comme on m’a déjà posé la question, j’ai fait des recherches et je suis effectivement le seul. J’ai débarqué un peu à l’aventure, sans trop me renseigner ni trop savoir à quoi m’attendre.
Tu avais d’autres opportunités ?Oui. Après Auxerre, j’ai connu une petite période de chômage et je me suis mis en relation avec une agence, Soccer Consulting. Grâce à mon conseiller Freddy Ferreira, j’ai eu le choix, avec notamment quelques autres possibilités dans des pays exotiques qui m’intéressaient pas trop. Or moi, j’avais envie d’allier le côté football et le côté familial, offrir un cadre de vie sain pour mes deux enfants et ma femme. Leur offrir la possibilité de s’épanouir. C’est un choix que je ne regrette pas.
Pour ta carrière en plus, n’y a-t-il pas des passerelles entre le championnat norvégien et l’Angleterre ?Si, c’est vrai. La Premier League, c’est le championnat le plus médiatisé, de loin. À la louche, je te dirais que 80 % des gens ici sont fans de Manchester United, c’est assez incroyable. Donc c’est vrai que beaucoup des bons joueurs d’ici peuvent partir là-bas, mais aussi aux Pays-Bas, en Allemagne… C’est un championnat pas mal suivi des recruteurs.
Combien de temps comptes-tu rester ici ?J’ai signé pour deux ans. L’idée en débarquant en Norvège, c’était déjà de retrouver le terrain, de reprendre le rythme, de faire mes matchs. Après pour le long terme, je n’ai pas forcément un plan de carrière précis en tête. On verra. Mais je reste ambitieux, j’ai encore envie de connaître le haut niveau, de gagner des choses. Donc, déjà, je me concentre à fond sur cette saison et on verra à la fin si des opportunités se présentent.
Propos recueillis par Régis Delanoë