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Berodia, le taxi ne passe qu’une fois

Par Ruben Curiel
Berodia, le taxi ne passe qu’une fois

Formé au Real Madrid, Gerardo Berodia a vu sa carrière interrompue par une blessure tout aussi grave que rare : une tumeur au pied. Après trois ans de traitement, le gaucher a repris le football dans les divisions inférieures espagnoles avant un transfert en Bolivie. Devenu idole du club de Wilstermann, Berodia est revenu en Espagne après le grave accident de son fils. Aujourd'hui, il est chauffeur de taxi et amateur dans un club madrilène. Retour sur une carrière tumultueuse.

C’est une blessure qui semble banale. Une douleur à la cheville, qui devait l’éloigner des terrains quelques semaines. Gerardo Berodia a quinze ans et se balade sur les terrains d’Espagne avec le maillot du Real Madrid. Un an auparavant, alors que la cantera de la Maison Blanche remporte un tournoi de jeunes à Paris, Berodia est élu meilleur espoir d’Europe. Le jeune joueur est même sponsorisé par Nike, chose rare pour un jeune footballeur à cette époque. Mais les douleurs à la cheville persistent. Les diagnostics des radios diffèrent. On lui conseille une période de repos. Problème, l’adolescent peut à peine poser le pied au sol. Après plusieurs examens, la sentence tombe. Gerardo Berodia, coéquipier et ami de Casillas au centre de formation du Real Madrid, souffre d’une tumeur au pied. Une blessure rare et grave, qui met sa carrière en danger.

Trois ans de soins

Alors qu’un médecin avance même une amputation du pied, la famille recherche d’autres solutions. « Je n’avais jamais vu mon père pleurer. Ce jour-là, je l’ai vu. Il m’a expliqué qu’on devait m’enlever l’os, ou m’amputer le pied. Mais il était déterminé à trouver une autre solution pour que je continue ma carrière. » Le Real Madrid ne pouvant pas prendre en charge le traitement, les proches de Berodia s’envolent vers les États-Unis. « Je dois tout à un médecin américain. Il m’a dit qu’ils essaieraient de nettoyer mon os, ou de me faire une greffe osseuse. À ce moment, je ne pensais plus au football. J’ai juste dit au médecin que je voulais au moins pouvoir courir pour rattraper le bus. » La promesse du Real est finalement soignée. Une période très difficile, qu’évoque aujourd’hui l’Espagnol : « À cet âge, tu n’es pas prêt pour une telle blessure. Surtout quand tout marche pour toi, quand tu rêves d’une carrière professionnelle, surtout au Real Madrid. »

La tumeur résorbée, Berodia doit observer une très longue période de trois ans de récupération. Alors qu’il retouche le ballon, l’ancien numéro dix des jeunes du Real souffre : « C’était très difficile. Je n’avais plus de force dans la jambe. C’était un processus très lent. Petit à petit, j’ai retrouvé mon niveau, j’ai parcouru toutes les catégories. » Le gaucher passe du rêve d’une carrière prospère au football amateur espagnol. El Álamo, Pinto, Navalcarnero, Zamora, Ponferradina, Conquense et CD Lugo, le joueur ne joue jamais plus d’un an dans un même club. Alors qu’il retrouve un bon niveau à Lugo, le natif de Madrid est mis de côté par son entraîneur, Quique Setién : « J’étais le meilleur buteur de l’équipe. Puis après une interview où j’ai raconté mon histoire, Setién m’ignorait. Il ne me convoquait plus pour les matchs. Les supporters scandaient mon nom, mais il m’affirmait qu’il n’y avait rien de personnel dans cette mise à l’écart. » Une offre inattendue vient alors changer le cours de la carrière tumultueuse de Berodia.

Idole en Bolivie

« J’étais en deuxième division espagnole. Une offre d’un club de première division bolivienne est arrivée (du Club Deportivo Jorge Wilstermann, à Cochabamba, ndlr). J’ai décidé de tenter ma chance. J’avais déjà 32 ans, je ne m’attendais pas à relancer ma carrière comme cela » , se souvient Gerardo Berodia. De l’autre côté de l’Atlantique, l’Espagnol vit un rêve : « Ils vivent le football différemment. J’étais le premier Espagnol à jouer en première division là-bas. Je ne pouvais même pas aller manger au restaurant. Il y avait des enfants que venaient me voir, des parents qui voulaient que je vienne à l’anniversaire de leurs enfants. » Sur le terrain, Berodia se balade : « C’est un football rustre. Les terrains sont mauvais, très secs. Le football est donc très lent. C’est aussi un football plus violent et il y a une réelle défaillance tactique, idem pour la formation. L’adaptation a pourtant été facile. Je suis numéro 10, et comme les équipes n’étaient pas bonnes tactiquement, il y avait beaucoup d’espaces. » Le Madrilène devient même une icône publicitaire pour BMW. Un engouement jamais vu pour un joueur étranger en Bolivie : « Au bout de trois semaines, ils m’ont prolongé mon contrat pour trois ans et m’ont triplé mon salaire. J’ai été élu meilleur joueur du championnat. J’ai même été contacté par la Fédération : il voulait me nationaliser et me faire jouer pour la sélection. » Le prélude d’une fin de carrière de rêve.

Un retour en Espagne forcé

Mais l’idole du club de Wilstermann voit une nouvelle fois sa carrière s’interrompre : « Mon fils a eu un grave accident. Il s’est coupé en sortant de la piscine, en se cognant sur une énorme porte en verre. Il a dû être opéré pendant cinq heures. Il s’en est sorti avec six cents points de suture ! Mais les médecins boliviens ont été très efficaces. » La famille évoque rapidement un retour en Espagne, afin que leur fils soit suivi par une clinique : « Avec ma femme – qui ne supportait pas l’altitude – on a décidé de rentrer à Madrid pour notre fils. J’ai dû choisir entre la famille et le football. Et je n’ai pas hésité une seconde. » Berodia résilie son contrat avec le club bolivien et achète une licence de taxi à Madrid : « Je n’étais pas sûr de vouloir retrouver le football amateur en Espagne. Finalement, j’ai accepté l’offre de Navalcarnero. » Berodia combine les travail en tant que chauffeur de taxi la journée, et les entraînements le soir. Actuel leader de la quatrième division espagnole, le club de la province de Madrid profite du talent de Berodia, qui a déjà marqué six buts en huit matchs.

L’ancienne promesse du Real revient sur son quotidien de footballeur amateur : « Évidemment, je savais que j’allais jouer dans les divisions inférieures. Mais cela m’a permis de combiner le football et le travail. Je savais que je n’allais pas vivre du football, comme en Bolivie. Aussi, je ne voulais pas être loin de Madrid. » Très attaché à sa terre d’accueil – où il ne sera finalement resté qu’une saison – Gerardo Berodia ne comprend toujours pas la passion qu’il a déchaîné à Cochabamba : « En Bolivie, ils ne me croient pas quand je leur dis que je suis chauffeur de taxi. Il y a quelque temps, j’avais un client bolivien. Je lui ai dit que j’étais Berodia, il est devenu fou. Il a pris des photos, et il les a envoyées à toute sa famille. La dernière fois que je suis allé en Bolivie, pour les vacances, il y avait des milliers de personnes pour m’accueillir à l’aéroport. Et quand je suis revenu à Madrid, il y avait juste un taxi qui m’attendait. Le mien. » Alors que beaucoup décrivent sa carrière comme une succession de drames, Berodia nuance : « J’ai quand même réussi à profiter du football. J’ai dû prendre des décisions. Au contraire, je suis content de pouvoir marcher, courir, jouer. Pareil pour mon fils, il mérite de grandir chez lui, à Madrid. Après son accident, il peut désormais jouer au football, il est comme moi sur le terrain. » Et de conclure : « Après mon retour à Madrid, tout est redevenu normal. Je suis un joueur normal, un chauffeur de taxi normal. »

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La révolution du football viendra t-elle d’une start-up ?
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Par Ruben Curiel

Tous propos recueillis par Ruben Curiel

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