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Bernardoni, le bon cheval de Troyes
À 18 ans, Paul Bernardoni se fait une place de titulaire dans les buts de l'ESTAC. Ce samedi, il a la lourde tâche de défendre le but troyen au Parc des Princes. Portrait d'un jeune gardien mûr et talentueux, qui éclaircit la grisaille troyenne.
Cinq points au compteur et toujours pas de victoire à l’approche du mois de décembre. Dur. Lanterne rouge du championnat, Troyes vit un début de saison affreux. Samedi dernier, l’ESTAC a seulement partagé les points à domicile face au LOSC (1-1). Pourtant, à la fin du match, le kop troyen ne s’y trompait pas en livrant des applaudissements nourris. L’homme salué par la foule ? Paul Bernardoni, 18 ans et un peu de poil au menton. Le gardien des locaux a livré une prestation de « grande classe » , dixit son entraîneur, Jean-Marc Furlan, en conférence de presse. Lorsque le portier percute dans les airs son coéquipier Jonathan Martins Pereira, en début de match, l’affaire débute mal, puisque Yassine Benzia en profite pour ouvrir le score en faveur des Nordistes. Mais en deuxième période, Bernardoni dégaine cinq arrêts phénoménaux pour préserver le match nul. Clairement, c’est lui l’homme du match.
Grande tige, vitesse grand V, pointe des pieds et par hasard
« Ça ne me surprend pas » , affirme Olivier Tingry. Depuis sa signature en pro il y a un an et demi, le coach des gardiens de l’ESTAC voit sa jeune pépite éclore à vitesse grand V. Le 6 mars dernier, cette grande tige d’un mètre 90 troquait pour la première fois les buts de la CFA troyenne pour la cage de l’équipe pro. Victoire 2-0 contre Clermont en Ligue 2 et « pas la moindre pression » sur les épaules du natif d’Évry, se souvient Olivier Tingry. « Il a fait un super match » , enfonce le capitaine Benjamin Nivet. Alors que Denis Petrić reste titulaire tout le reste de la saison, Bernardoni attend patiemment son heure. Elle arrive cet automne lorsque les défaites de l’équipe s’enchaînent. Titularisé à Bordeaux (1-0) fin octobre, le natif d’Évry n’est plus jamais ressorti du XI depuis cinq rencontres. « C’est un choix sportif d’un commun accord avec Jean-Marc Furlan » , explique Tingry.
« Paulo » , comme le surnomme le vestiaire troyen, est arrivé dans l’Aube il y a quatre ans. Un peu sur la pointe des pieds. « À la base, c’est un gardien timide, note Tingry. Il se révèle progressivement. » « Il est discret, bosseur, mais c’est aussi un chambreur » , confie Nivet. Sur le terrain aussi, le gardien met un peu de temps avant de hausser la voix pour placer sa défense. De Troyes à son ancien club de l’Essonne, l’ESA Linas-Montlhéry, les avis sont unanimes : c’est un chic type, humble et équilibré. « Il ne manquait jamais un entraînement, serrait la main à tout le monde, tu sentais que c’était un mec bien éduqué » , se remémore avec plaisir Nordine Baaroun, le coordinateur technique du club, qui l’a fait venir « presque par hasard » , pour mettre en concurrence le gardien de l’équipe U14.
« Si on m’avait dit que le petit Bernardoni allait percer en L1… »
Déjà sacrément grand, le portier n’impressionne pas encore. « Avec le taux d’échec dans le foot, si on m’avait dit que le petit Bernardoni allait percer en L1… » « Le petit, comme aime le surnommer Baaroun, était gêné par sa taille. Au niveau des appuis, ce n’était pas encore ça. » Une croissance capricieuse, donc. Sauf que le jeune joueur est du genre à mettre toutes les chances de son côté. « Je me souviens de ses plongeons sur les terrains en stabilisé » , se marre celui qui a aussi vu passer Paul-Georges Ntep. Un jour d’hiver, comme ils en ont désormais l’habitude deux fois par semaine, Bernardoni et son père parcourent la vingtaine de kilomètres de route depuis Lieusaint (Seine et Marne), où il évoluait étant jeune. Pour rien. « Tous les joueurs avaient appelé le club pour savoir si on pouvait jouer, mais lui, il est venu directement. » Grâce au réseau de son coach de l’époque, Christophe Fossard, Bernardoni attire alors les regards de l’ESTAC.
Quand il est parti, je lui ai dit : « J’espère juste que tu ne changeras jamais » , confie Baaroun. La suite, c’est une montée avec l’équipe réserve troyenne, l’équipe de France – il est aujourd’hui titulaire chez les Bleus en U19 -, le contrat pro et même une prolongation de contrat (jusqu’en 2019) l’été dernier, après avoir empoché un bac STMG (Sciences et technologie du management et de la gestion). Bernardoni impressionne, ses entraîneurs comparent son profil à celui du Belge Thibaut Courtois. « Même physiquement, il lui ressemble. On l’a beaucoup charrié avec ça » , sourit Tingry. S’il devait y avoir un défaut à trouver dans la panoplie technique bien remplie du gaillard, ça serait son jeu au pied. « Je ne lui demande pas d’être numéro 10, mais disons qu’il part de loin… Bon, en ce moment, il me fait mentir. (rires) » Face aux assauts parisiens, l’ESTAC aura bien besoin des exploits de son joyau.
Par Florian Lefèvre
Tous propos recueillis par FL