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Bernardo Silva, l’affaire du siècle ?

Par Nicolas Jucha
5 minutes
Bernardo Silva, l’affaire du siècle ?

En recrutant Bernardo Silva pour 15,75 millions d'euros, l'AS Monaco a réalisé la plus grosse transaction d'un mercato pour le moment atone. Surfacturation ou investissement génial ? À Benfica, le départ de l'enfant prodigue fait grincer des dents quand le club princier espère lui refaire le coup de James Rodríguez.

En annonçant le 20 janvier avoir recruté définitivement le Portugais Bernardo Silva contre un chèque de 15,75 millions d’euros, l’AS Monaco a créé la surprise en cette fin de mercato. À seulement 20 ans, le gaucher de 1,73 m a certes fait étalage de son talent en une demi-saison en Ligue 1, mais on peut s’interroger quant au prix payé par le club monégasque pour un international espoir n’ayant jamais percé en équipe première à Benfica. Sur le Rocher, le milieu offensif a disputé 16 matchs de championnat, pour 2 buts et une passe décisive, ainsi que quelques miettes en Ligue des champions (trois entrées en jeu). Pour rappel, en 2002, Manchester United avait déboursé 17,3 millions pour Cristiano Ronaldo, 18 ans, mais déjà plus de 30 matchs avec l’équipe première du Sporting.

Jamais appelé en équipe A du Portugal, Bernardo Silva a pour principaux faits d’armes un but décisif contre l’OM le 14 décembre, une demi-finale à l’Euro U19 2013 ou encore un titre de meilleur joueur de seconde division portugaise avec le Benfica B en 2013-2014. En clair, en dépit de sa grande qualité de passe du pied gauche et sa conduite de balle exceptionnelle – qui lui a valu le surnom de Messizinho, petit Messi, par le légendaire Fernando Chalana – Bernardo Silva a fait l’objet d’une offre que le Benfica ne pouvait refuser. « Il faut accepter » a simplement commenté Jorge Jésus, l’emblématique coach benfiquiste, quand les propos de Luis Filipe Vieira, président du club, annonçait pourtant la couleur lors de l’officialisation de son prêt cet été : « Les joueurs ont des clauses dans le contrat. Imaginez qu’il y ait une offre à 15 millions d’euros pour un joueur formé au club. Nous ne sommes pas de mauvais gestionnaires et nous ne pouvons pas l’ignorer. » Le boss lisboète avait précisé que « si rien d’anormal ne se passait » , son prodige reviendrait au club en fin de saison. L’anormal s’est donc produit…

Benfica, l’usine à talents

« Bernardo Silva n’aurait pas eu de temps de jeu à Benfica, donc c’est une belle vente. Je regrette seulement que Benfica forme des joueurs sans leur donner une chance en équipe première » , s’indignait récemment Pedro Henriques, ancien joueur du Benfica et consultant TV populaire au Portugal. Au pays, si la vente du joueur semble lucrative, elle n’en a pas moins suscité des réactions mitigées. Les supporters sont consternés par la vente d’un des joueurs les plus prometteurs de ces 20 dernières années sortis de la formation benfiquiste. Car pour beaucoup, Bernardo Silva est le digne successeur de Rui Costa, un joueur déjà indispensable à l’équipe du Portugal espoirs, et tout désigné pour prendre les clés du jeu en équipe A dans les années à venir. Si on y ajoute le fait que Bernardo Silva est un pur supporter du club depuis ses 12 ans, et qu’il a refusé d’intégrer le FC Porto ou le Sporting par amour pour son club de cœur, la déception de la base populaire du club n’en est que plus logique.



Mais à y regarder de plus près, la vente définitive de Bernardo Silva à Monaco est une solution « gagnant-gagnant » pour le joueur et son club formateur. Fortement endetté, ce dernier s’est fait une spécialité de produire des jeunes talents dans l’optique de les prêter ou les vendre au meilleur prix avant même de les avoir lancés en équipe A. Rien que pour la saison actuelle, Benfica compte encore onze joueurs en prêt (sans compter Silva), dont quelques-uns de ses plus talentueux espoirs comme Ivan Cavaleiro (deux sélections avec le Portugal), prêté à La Corogne, ou Filipe Djuricic (international serbe) prêté à Mayence. Dans la plupart des cas, les clubs bénéficiaires font partie des réseaux de Jorge Mendes – La Corogne accueille quatre joueurs de Benfica – dont l’entreprise GestiFute s’occupe de… Bernardo Silva. Quant à en déduire que le super agent a encouragé l’offre « généreuse » de l’AS Monaco, il n’y a qu’un pas.

Bernardo Silva, solution d’avenir et pari financier pour l’AS Monaco

Plus de 15 millions pour Bernardo Silva, cela peut paraître peu au regard du potentiel du joueur et des aptitudes de Benfica à vendre ses meilleurs joueurs au prix fort. Mais au regard de sa situation sportive, le milieu offensif aurait difficilement pu développer sa valeur marchande à Benfica, où Jorge Jesus n’a jamais compté sur lui. D’une part car il joue sans vrai numéro 10 depuis la saison 2012-2013, date du déclin de Pablo Aimar, et d’autre part car dans un rôle de meneur excentré à droite comme à Monaco, l’international espoir se serait heurté à la concurrence de Salvio et Gaitan, aujourd’hui intouchables au Stade de la Luz. Seulement 31 minutes en équipe première la saison passée, Bernardo Silva n’avait pas à espérer beaucoup mieux cet été. Interrogé à propos de son jeune talent, Jorge Jesus avait été assez clair : « On ne peut pas juger un garçon sur ses seules aptitudes techniques car durant 90 minutes de match, un joueur n’a le ballon en moyenne que trois minutes et demie. » Une manière de demander à Bernardo de muscler son jeu, et de ne pas compter sur la solidarité nationale, le technicien ayant toujours assuré « ne pas favoriser les jeunes joueurs portugais aux dépens des joueurs étrangers » …

Le milieu offensif a finalement trouvé bonheur dans un club que son agent Jorge Mendes connaît très bien pour y avoir négocié plusieurs transferts (James Rodríguez, Falcao…) et installé un entraîneur à lui, Leonardo Jardim. Ce dernier, réputé apprécier les jeunes joueurs, s’était d’ailleurs expliqué sur Antena 1 du recrutement définitif de son jeune compatriote : « Bernardo Silva a beaucoup progressé sur les derniers mois. Il n’avait pas beaucoup d’expérience en première division au début de la saison, mais à Monaco, il est devenu titulaire. » Désormais, l’AS Monaco espère refaire le coup de James Rodríguez, recruté pour 45 millions avant de partir un an et une Coupe du monde plus tard pour le double. « Bernardo Silva fait partie de ces jeunes joueurs talentueux sur lesquels l’AS Monaco veut s’appuyer pour construire son futur. Il a déjà démontré à tous nos supporters son potentiel lors de cette saison et il était important pour nous de le conserver. Nous souhaitons à présent que Bernardo continue sa progression sous le maillot rouge et blanc » avait très officiellement expliqué Vadim Vasilyev, le président de l’AS Monaco. Quinze millions, une belle somme que l’ASM aura bien besoin de rentabiliser pour rester dans les clous du fair-play financier.

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