- Angleterre
- Manchester City
Bernardo Silva-Benjamin Mendy, comme un ouragan
Le Portugais de Manchester City Bernardo Silva est accusé par la FA d’être à l’origine d’un tweet raciste après un gazouillis qui se voulait humoristique envers son coéquipier Benjamin Mendy. Une hérésie quand on connaît l’amour qui existe entre les deux gauchers nés d’une rencontre improbable à l’AS Monaco en 2016.
On ne peut pas rire de tout et encore moins avec n’importe qui. C’est un peu ce que doit se dire Bernardo Silva qui, après avoir tweeté une photo de Benjamin Mendy accolée d’un dessin d’un personnage de la marque espagnole de cacahuètes enrobées de chocolat, s’est vu accuser de racisme par la Fédération anglaise de football. « On ne peut même plus plaisanter avec un ami de nos jours… Franchement, les gars… » a d’ailleurs tweeté le Portugais dans la foulée, tout en supprimant son poste initial – liké par Mendy en personne au passage – quand il a pris en pleine gueule la vague d’indignation née de sa mauvaise blague.
Bernardo Silva a été accusé de violation aggravée pour avoir enfreint les règles de la Fédération anglaise, à la suite de son tweet il y a quelques jours sur Benjamin Mendy. Il devrait écoper d’une amende et pourrait être suspendu plusieurs matchs.Une honte. Une honte. pic.twitter.com/dciJvbbtlm
— Manchester City (@MCityFrance) October 2, 2019
Dans la foulée, la FA a pris la chose à bras-le-corps, le joueur risque jusqu’à 6 matchs de suspension et son historique 2.0 va être fouillé. A priori, ces messieurs vont tomber sur une évidence : Bernardo Silva et Benjamin Mendy s’apprécient. Mieux, ils s’aiment d’une amitié qui ressemble à de l’amour, et ce n’est pas Pep Guardiola, le coach des deux joueurs, qui dira le contraire. « Bernardo est l’une des personnes les plus charmantes que j’ai jamais rencontrées dans ma vie. Il parle quatre ou cinq langues et c’est la meilleure façon de comprendre son ouverture d’esprit. Tout cela n’a rien à voir avec la couleur de la peau ou la nationalité. Ils sont tout le temps en train de plaisanter. Mendy est comme son frère. » C’est un peu ça. Entre les deux hommes existe ce que l’on appelle une relation fusionnelle basée sur le respect (du joueur, mais aussi de l’homme), la vanne et l’humour trash.
« Il ne me lâche jamais, il me fait des câlins, des bisous tous les jours, disait d’ailleurs Bernardo sur le plateau du CFC en mars 2019.C’est un plaisir d’être avec lui, c’est fantastique. » « Ne change pas, reste le même, t’es une personne en or, tu fais partie de mon cœur » , a d’ailleurs répondu Mendy dans la foulée, via une vidéo privée rendue publique sur le plateau. Ils se sont trouvés et il n’est pas difficile de comprendre ce qui lie les deux garçons de 25 ans : l’amitié. Sincère et profonde, et cette dernière a vu le jour à Monaco. Quand Benjamin Mendy débarque sur le Rocher en 2016 en provenance de l’OM, Bernardo Silva est déjà en place depuis deux ans. Au départ, les deux hommes n’ont aucune raison de se rapprocher ni même de s’entendre. Ils ne viennent pas du même monde.
« Tu fais partie de mon cœur »
Bernardo Silva est calme, parle déjà anglais depuis que ses parents l’ont inscrit dans une école bilingue au Portugal, ne se soucie guère de la mode et des belles bagnoles puisqu’il roule en Mini Cooper à La Turbie. Mendy, lui, débarque comme un ouragan dans le vestiaire de l’ASM. Joueur prometteur, mais accompli (plus de 170 matchs en pro quand il arrive alors que Bernardo n’avait jamais joué avec Benfica), Mendy aime tout ce qui brille, vanne beaucoup et prend de la place dans un vestiaire. Enfin, surtout son téléphone. Le natif de l’Essonne filme tout. Et chambre. Beaucoup. Tout le temps. Tout le monde. Mais Mendy a ses têtes, enfin ses petits chouchous. Il y a le jeune Kylian Mbappé, mais surtout Bernardo Silva qu’il appelle d’abord « chewing-gum » car le ballon colle à ses pieds. Le Portugais, rebaptisé ensuite « Pablo Picasso » par le latéral gauche, va devenir sa coqueluche, mais surtout son ami car « qui aime bien, châtie bien » .
Deux potes qui se chambrent
Quand Silva débarque à la cafétéria du centre d’entraînement en slip et claquettes, Mendy dégaine son smartphone et immortalise l’instant. Bernardo Silva torse nu, hop, le téléphone sort et Silva est raillé pour son « corps de lâche » tout en étant invité à « aller à la muscu » . Cette habitude va devenir quotidienne durant la saison 2016-2017 qui voit Monaco devenir champion de France et les deux gauchers… prendre la direction de Manchester City. Entre eux, une amitié réelle, franche, tactile, intense a vu le jour sous le soleil monégasque. Au départ, la connexion est sportive avant de devenir humaine. Centre des railleries pour son style vestimentaire, Bernardo Silva se prend au jeu et commence à balancer sur Mendy. Sauf qu’aujourd’hui, les deux sont des personnages publics et le font… sur Twitter. Et, parfois, ça ne fait pas rire tout le monde, même si les deux principaux intéressés valident le procédé et s’en amusent.
En août 2017, fraîchement arrivés à Manchester, Mendy filme Bernardo Silva marchant devant un chantier dans le centre-ville avec la bonne vieille vanne « va travailler Portugais ! » Plus tard, Mendy se filme s’essuyant les pieds sur un maillot de l’équipe nationale floqué « Bernardo » en remerciant son copain pour ce nouveau tapis. Des blagues qui, au premier degré, vont en choquer plus d’un. Oui, on est face à de la blague graveleuse, mais entre deux copains consentants qui n’ont pas beaucoup de limites ni de tabou, car ils se connaissent par cœur. On a tous dû faire les mêmes blagues salaces à nos amis les plus proches, car tout est permis dans le trashtalk, c’est même une manière d’exister dans un groupe. Et de s’apprécier, aussi. Mais Bernardo Silva et Benjamin Mendy ont le malheur de le faire en public où tout n’est pas forcément contextualisé. Et où les écrits restent qui plus est. C’est leur seule faute. À l’heure où le football est envahi par les communicants et où les discours deviennent de plus en plus aseptisés, l’une des rares amitiés réelles et sincères du football actuel est pointée du doigt pour avoir franchi la ligne jaune du politiquement correct. Peu importe la sanction, que ces deux potes continuent de se chambrer sans limite. Ils s’aiment comme ça, alors pourquoi les changer ?
Par Mathieu Faure