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Bernardeschi, Criscito, Insigne : Toronto et les Italiens du sang

Par Florian Porta
Bernardeschi, Criscito, Insigne : Toronto et les Italiens du sang

Domenico Criscito, Lorenzo Insigne et Federico Bernardeschi en attendant éventuellement Andrea Belotti. Le Toronto FC comptera bientôt plus d'Italiens dans son effectif que les écuries qui occupent le haut de l'affiche en Serie A. Tout sauf une surprise au regard des finances du club, mais surtout des liens qui unissent la ville et la Botte.

Le mercato estival n’existait pas encore que déjà un Italien choisissait de rejoindre le Canada. Le Vénitien Giovanni Caboto, ou Jean Cabot dans sa version française, débarque de l’autre côté de l’Atlantique en 1497 après un bon mois de traversée. Cinq cents ans plus tard, trois de ses compatriotes n’ont mis que quelques heures pour rejoindre le Toronto FC. Si, à l’époque, le goût de la découverte avait attiré le navigateur, près d’un demi-millénaire plus tard, Domenico Criscito, Lorenzo Insigne et Federico Bernardeschi ont eux répondu à l’appel des billets verts, mais pas que. Forte d’une importante communauté italienne, la ville reine demeure plus que jamais liée à l’Italie.

Una storia importante

« Le seul endroit qui a plus de Ferrari que Toronto, je pense que c’est Miami », lance Pal Di Iulio, aujourd’hui à la retraite après avoir dirigé pendant 35 ans Villa Charities, un organisme de bienfaisance italo-canadien basé à Toronto. Après avoir vu le jour en Italie, le septuagénaire immigre au Canada en 1956, comme beaucoup de ses compatriotes : « La plupart d’entre nous sont arrivés ici après 1948-1949. Le Canada avait besoin de main-d’œuvre. Et donc des gens comme mon père, qui avaient fait la guerre contre le fascisme ou le nazisme, sont venus au Canada. » Après avoir vu les flux migratoires vers le Canada stoppés par l’arrivée au pouvoir de Mussolini, les Italiens, surtout ceux du Sud, fuient massivement après la guerre. Tant et si bien qu’aujourd’hui, 500 000 à 750 000 d’entre eux peuplent la région de Toronto, de quoi en faire « la plus grande communauté de personnes d’origine italienne au Canada ». Un argument de poids pour la franchise MLS au moment de convaincre ses trois nouvelles recrues.

« Toronto est certainement la meilleure solution. Il y a une communauté italienne qui peut vous combler comme un roi, explique Andrea D’Amico, l’agent de Criscito qui a également participé aux venues de Bernardeschi et Insigne. Si vous allez jouer à l’étranger et qu’il n’y a pas la même communauté que la vôtre, vous êtes seul. Donc pour les Italiens, c’est un privilège de venir ici. » D’autant plus que depuis ces années-là, l’importance de toute cette diaspora arrivée en provenance de la Botte n’a cessé de grandir. « Nous avons peut-être été discriminés quand nous sommes arrivés ici, mais finalement la plupart d’entre nous ont maintenant une éducation. La communauté a surtout travaillé : les femmes dans les usines et dans l’industrie du vêtement et les hommes dans la construction, notamment celle des chemins de fer. S’il y a 50 grandes entreprises de construction à Toronto, 30 à 40 d’entre elles appartiennent à des Italo-Canadiens très aisés », détaille Pal Di Iulio. En d’autres mots, les Italiens pèsent économiquement dans le Nord de l’Amérique.

Coupes du monde et Formica atomica

Les arrivées des trois petits nouveaux ne devraient pas changer la donne pour Andrea D’Amico : « Insigne et Bernardeschi n’auraient pas pu avoir le même contrat en Italie ou en Europe. » Outre une puissance financière non négligeable, les pensionnaires de MLS gardent surtout dans un coin de la tête le Mondial 2026 organisé au Mexique, aux États-Unis et au Canada, notamment à Toronto. Raison pour laquelle les deux champions d’Europe 2020 ont tous les deux signé un contrat jusqu’en décembre de cette même année. Un évènement qui lie les deux pays depuis la Coupe du monde remportée par la Nazionale en 1982. « À ce moment-là, nous avons montré à Toronto comment faire la fête, rembobine Di Iulio, qui vit au Canada depuis plus de 60 ans. À chaque fois que l’Italie joue, les Italiens sortent au bar, ils boivent, mangent, sautent… Ils font n’importe quoi. Et au fil des ans, depuis 1982, c’est devenu une tradition à chaque Coupe d’Europe ou chaque Coupe du monde. En plus, beaucoup de bars et de restaurants à Toronto sont détenus et gérés par des personnes d’origine italienne. » Cette ferveur partagée fut d’ailleurs encore de mise lors du sacre continental des Azzurri l’été dernier.

À nouveau, l’histoire de la capitale de l’Ontario se retrouve marquée par son contingent débarqué en provenance de la Botte. Plutôt logique, puisque le football a lui-même été popularisé par ces immigrés. « Beaucoup d’entre nous, qui sommes venus ici petits, n’avions peut-être pas d’argent pour jouer au hockey. C’était moins cher de jouer au football, explique Pal Di Iulio. Il y a deux ou trois enfants d’immigrés ou petits-enfants d’immigrés qui font partie de l’équipe du TFC actuellement(un dans l’équipe première, quatre en réserve, NDLR), en plus des trois joueurs italiens qui viennent d’arriver. » Sans oublier que l’un de leurs prédécesseurs, Sebastian Giovinco, arrivé en 2015, a aussi contribué à cet essor. Triple vainqueur du championnat canadien, et sacré en MLS en 2017, la Formica Atomica participe grandement au rayonnement de ses compatriotes. « Quand Giovinco est parti, ils ont essayé d’autres footballeurs ou des entraîneurs de différents pays. Et pour une raison que j’ignore, ils n’ont pas très bien réussi. Donc je pense qu’ils ont dit, retournons là où nous avons bien réussi », avance l’Italo-Canadien pour justifier le recrutement de Criscito, Insigne et Bernardeschi. Ne reste plus désormais qu’à attendre quelques mois pour voir si ces recrues permettront au Toronto FC de retrouver les sommets en MLS dans ce qui s’apparente à un véritable retour aux sources. En attendant d’écrire leurs propres histoires, ils s’inscrivent déjà dans celle, plus chargée, qui unit les Italiens et les Canadiens depuis plusieurs siècles.

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Par Florian Porta

Tous propos recueillis par FP.

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