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Bernard Minet : « La fille de Daniel Xuereb chantait avec moi dans « Dis-moi Bioman » »
Le premier décroche son téléphone en hurlant « BUT ! » Le second offre un répondeur qui va à l'essentiel – « Bonjour, bonjour ! Merci, merci ! Message ! Salut, salut ! » À respectivement 65 et 70 ans, Bernard Minet et Eric Bouad n'ont rien perdu de la badinerie qui les animait lorsqu'ils faisaient partie des Musclés. Trente ans pile après la sortie de La Fête au village, leur premier tube, il était nécessaire de causer foot avec une partie du casting de La Croisière foll'amour. Histoire d'évoquer Valdo, Daniel Xuereb, Nicoletta, Jean-Michel Larqué, Olivier Atton, Jean-Luc Sassus et Damso. Entre autres.
Quels rapports entretenez-vous avec le football ?Bernard Minet : Il est énorme depuis tout petit, vous allez être surpris. J’ai grandi dans une commune à côté de Lens, une terre de football, où j’ai débuté en benjamins, jusqu’en minimes. Dans cette ville, il y avait un concours de jeunes footballeurs, avec des épreuves de vitesse et d’adresse, et figurez-vous que je l’ai gagné. Mais en match, ce n’était pas du tout la même chose. Je jouais inter-droit, c’est-à-dire attaquant, au Stade héninois (le club de la commune d’Hénin-Beaumont, qui s’appelait à l’époque Hénin-Liétard, N.D.L.R.). Mais j’avais peur, je n’allais pas au contact du tout. Donc j’ai arrêté. Eric Bouad : Je suis moins foot que Bernard, mais j’ai fait ma scolarité chez les frères, à Millau, où on jouait beaucoup au foot, et un peu au rugby. On a joué comme des fous ! Et un peu en colo, aussi, l’été. Un ballon sur la plage, ou sous les arbres, et c’était parti !
Vous supportez quelle équipe ?E.B. : Je survole l’actualité, mais je ne supporte pas une équipe en particulier. Ce que j’aime bien, c’est quand ça joue, avec des mecs qui sortent du lot.
B.M. : Le RC Lens, obligé. Lorsque j’étais enfant, c’était une équipe qui ne rigolait pas, il y avait des mecs qui mouillaient le maillot, comme Georges et Bernard Lech, d’excellents joueurs polonais, Daniel Leclercq… L’ambiance était extraordinaire. En 1981, j’ai amené Hyacinthe Maestracci, le musicien corse avec qui je travaillais, à Bollaert, pour une demi-finale de Coupe de France contre Bastia. Il en a gardé un souvenir impérissable. Il faisait tellement froid que les mecs bouffaient des piments dans les tribunes pour se réchauffer. Là, on peut dire que c’était mieux avant. Il n’y avait pas tous ces fléchages, on pouvait se déplacer comme on voulait dans le stade. Ensuite, en vivant à Paris, je suis souvent allé au Parc des Princes. Je me souviens particulièrement d’une finale de Coupe de France entre Lens et Saint-Étienne, lors de laquelle Jean-Michel Larqué avait marqué un but superbe, sur une reprise de volée (en 1975, N.D.L.R.). Et puis au PSG, c’était la grande époque de « Loulou » Floch. Vous êtes jeune, vous, non ?
Oui, très…B.M. : Bon, alors pour faire court, j’ai ensuite arrêté de m’intéresser au foot pendant un moment, jusqu’à l’arrivée de Zlatan au PSG.
Qu’est-ce qui vous plaît chez Zlatan Ibrahimović ?B.M. : Tout. Son sens du but, le poids qu’il a sur un match. J’aurais voulu jouer comme lui. Je suis carrément devenu fan, j’ai même acheté sa biographie. Et j’ai beaucoup aimé, parce que le gars qui a écrit le livre – je sais bien que ce n’est pas Zlatan lui-même – a bien utilisé le « je » , ce qui fait que je suis complètement rentré dedans. Donc quand une fille m’a appelé pour écrire ma biographie, je lui ai dit que j’étais d’accord uniquement si c’était écrit comme celle de Zlatan.
À l’époque des Musclés, il vous arrivait de regarder des matchs, tous ensemble ?E.B. : Oui, parce que ça intéressait beaucoup Bernard et Framboisier. Lorsqu’il y avait un gros match et que nous étions en tournage, on filait le regarder dans le troquet le plus proche. Cela nous permettait de nous retrouver et surtout, de boire un coup.
Vous pouviez aussi taper dans le ballon, à l’occasion ?B.M. : Non… En revanche, je jouais parallèlement dans des équipes d’artistes, comme le Samba Football Club, en compagnie, entre autres, de Yannick Noah et Jean-Pierre François, ou les Polymusclés, qui m’ont permis de disputer un match avec Safet Sušić et Didier Six. D’ailleurs, j’ai encore une anecdote pour vous : j’ai chanté « Dis-moi Bioman » avec deux petites filles. « Dis-moi Bioman, na na na… » Vous vous souvenez ?
Oui, bien sûr…B.M. : Eh bien une des petites filles était la fille de Daniel Xuereb.
À notre connaissance, aucun footballeur n’a jamais été invité au Club Dorothée. Vous savez pourquoi ?B.M. : On était avant 1998, le football n’était pas aussi populaire que maintenant. Et cela restait un sport très masculin, contrairement à aujourd’hui. En revanche, des joueurs comme Yvon Le Roux amenaient leurs enfants au Club Dorothée.
Il y avait aussi ce petit numéro 10 brésilien du PSG, très sympa, dont le nom m’échappe…
Valdo ?B.M. : C’est ça ! Il était charmant. Il se baladait dans les coulisses, avec d’autres joueurs.E.B. : À l’époque, j’aurais beaucoup aimé rencontrer Platini, c’est quelqu’un qui m’a beaucoup étonné. Plus tard, j’ai bien aimé le gardien de but, là, Barthez. Il est d’à côté de chez moi, on aurait parlé du pays.
Avec les Musclés, vous avez beaucoup chanté la fête, la camaraderie et les filles, mais jamais le football. Pourquoi ?
E.B. : C’est à cause de l’auteur, Jean-Luc Azoulay, qui n’était pas fan de foot. Il préférait nous écrire des chansons sur les filles et le saucisson.
Bernard, à l’occasion de la dernière Coupe du monde, vous avez interprété la chanson « Allez Belgique, bière, frites, mayo » , à la gloire des Diables rouges. Cela interpelle, de la part d’un patriote comme vous, qui n’hésitait pas à hisser le drapeau français dans le clip de « La Merguez Partie » … B.M. : Non, mais là vous mélangez la fiction et la réalité… Je vais vous expliquer : je viens du Pas-de-Calais, j’ai un nom belge (Wantier, N.D.L.R.), je travaille beaucoup en Belgique…
C’est un pays très sympa, où il règne une ambiance de folie. Le public belge, c’est le meilleur, il adore la fête. Et moi, cela faisait longtemps que je voulais faire un titre pour la Belgique, parce que je voyais cette équipe flamber lors des éliminatoires. Sauf que là-bas, la grande star de la chanson festive, c’est Le Grand Jojo, qui était l’idole de mon père, donc je ne voulais pas marcher sur ses plates-bandes. Mais il se trouve que la Fédération belge de football avait choisi un rappeur (Damso, N.D.L.R.) plutôt que Le Grand Jojo, et que finalement, ce rappeur n’a pas fait l’affaire. Du coup, il y avait un vide, et je l’ai rempli. Et puis je savais qu’une chanson populaire comme celle-ci n’était pas dans l’esprit français. Je connais un peu le métier, et je savais qu’aucune radio française ne l’aurait diffusée.
Pour le public, passer de Damso à vous, c’est ce qu’on appelle un grand écart…B.M. : Oui, mais moi, je ne sais pas rapper. Je donne plutôt dans la chanson festive et efficace.
En 1990, vous avez produit « Il suffit d’un ou deux excités » , un morceau qui samplait des commentaires de Thierry Roland et Jean-Michel Larqué. Comment vous est venue cette idée folle ? B.M. : Un an auparavant, était sorti un morceau samplant des paroles de Christophe Dechavanne, et je trouvais que c’était bien fait. Un jour, je regardais un Cannes-Marseille de Coupe de France à la télé, avec Roland et Larqué aux commentaires. À Cannes, il y avait un joueur qui s’appelait Jean-Luc Sassus, et Thierry Roland n’arrêtait pas de crier « SASSUS, SASSUS ! » Je me suis dit « merde, il faut faire un truc avec ça ! » Donc j’ai enregistré toute la suite du match sur une VHS, et le lendemain, j’ai appelé mes copains, Olivier Masselot et Gérard Langella, à qui j’ai expliqué l’idée.
Et là, Olivier m’a dit : « Minet, si on met « Sassus », ça ne passera jamais à la radio. » Du coup, on a réécouté tout le match, et on s’est arrêté sur cette phrase de Larqué, « il suffit d’un ou deux excités » , qui sonnait vachement brésilien. On a décidé de partir là-dessus, et on a été numéro 9 au Top 50, entre autres grâce à un super clip réalisé par François-Charles Bideaux, qui débutait.
Vous pourriez faire la même chose aujourd’hui, avec Grégoire Margotton et Bixente Lizarazu ?B.M. : Ah, aujourd’hui, mon ami, ce serait beaucoup plus difficile. TF1 dirait que les droits leur appartiennent. Et puis les commentateurs sont plus sages qu’avant, ce serait difficile de trouver une bonne phrase. Les mecs font gaffe, ils ont raison. D’ailleurs, là, en vous parlant, il faudrait que je fasse gaffe.
En 1992, vous interprétiez le générique de L’École des champions. Avec un peu de recul, qui était le plus fort, entre Benjamin Lefranc et Olivier Atton d’Olive et Tom ? B.M. : C’est compliqué… Au niveau des génériques, les deux plaisent. J’interprète celui d’Olive et Tom sur scène, parce qu’il est festif, il y a des chœurs… Tandis que celui de L’École des champions est plus lent, je le joue moins en public. Mais sur mon site internet, c’est la chanson la plus écoutée. C’est rigolo, non ? Mais c’est vrai que les paroles sont très bonnes, c’est un texte très fort.
C’est exact. On peut notamment entendre : « Viens, viens à l’école des champions / Te battre avec passion / Pour un jour devenir / Le numéro 1 de l’avenir » . Cela rappelle votre parcours, vous qui avez commencé à animer des bals avant d’avoir 15 ans. À ce moment-là, vous imaginiez réaliser une telle carrière ? B.M. : Alors déjà, je ne suis pas l’auteur du générique. Si c’était le cas, vous m’appelleriez aux Bahamas. Mon but a toujours été d’être musicien professionnel. Ce qui était déjà une ambition énorme pour un Ch’ti comme moi. J’ai eu la chance que mes parents l’acceptent. Ils étaient d’accord pour que j’arrête mes études, à condition que j’obtienne un diplôme au conservatoire, pour qu’au pire, je puisse être professeur (Bernard Minet a reçu le premier prix de percussion au Conservatoire national, N.D.L.R.).
Petr Čech est un bon batteur. Est-ce que cette activité a pu l’aider à développer ses qualités de gardien de but ?B.M. : L’indépendance des membres, nécessaire pour jouer de la batterie, est une sorte de don. Si tu ne l’as pas, ce n’est pas la peine de commencer à pratiquer. J’imagine que c’est la même chose pour un gardien, qui doit autant faire attention à ses pieds qu’à ses mains. C’est un truc naturel, cela ne se travaille pas. Il faut avoir « la pulse » .
E.B. : Je tenais à dire que je souhaite un bon rétablissement à Neymar !
Propos recueillis par Mathias Edwards