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Bérigaud : « Je sais qu’on m’oubliera un jour »

Propos recueillis par Maxime Brigand
12 minutes
Bérigaud : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je sais qu&rsquo;on m&rsquo;oubliera un jour<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Arrivé en prêt à Angers en provenance de Montpellier en janvier dernier, Kévin Bérigaud retrouve progressivement du temps de jeu et du plaisir sous les couleurs du SCO, dernier repère de son « petit chemin ». Entretien relance, entre l'ETG, la mécanique et le PSG, avec un mec qui n'a jamais parlé en caractères.

En décembre dernier, Pascal Dupraz affirmait pouvoir être l’entraîneur pour te relancer. Qu’est-ce que tu fais à Angers alors ?Je suis ici parce que le club a fait le forcing pour que je vienne. Ils m’ont appelé en direct, c’était important. Avec Pascal, on ne s’est même pas appelés. Moi, j’avais besoin de jouer et j’ai pensé que c’était la meilleure solution. Je ne voulais pas passer le mois de janvier dans l’attente pour savoir si, finalement, j’allais être prêté ou pas. C’était un peu compliqué, il fallait que ça se fasse rapidement et c’est ce qu’il s’est passé avec Angers. Comme leur discours m’a plu, j’ai tenté le coup.

C’était quoi ce discours ?Le coach, Stéphane Moulin, m’a expliqué qu’il me suivait depuis plusieurs années. Quand tu ne joues pas beaucoup, tu as besoin de recevoir un discours positif, car c’est compliqué de retrouver quelque chose. Là, quand on t’appelle, qu’on te montre qu’on ne t’a pas oublié, qu’on t’exprime de l’intérêt, ça fait forcément plaisir. À Montpellier, la situation était difficile, notamment concernant le temps de jeu et, pour moi, c’était ça le plus important, pour retrouver du rythme. Après, malheureusement, je me suis blessé peu de temps après mon arrivée, donc ça n’a pas amélioré les choses, mais là je commence à revenir doucement, donc je suis content.

Les pépins physiques, c’est devenu une sale habitude depuis quelques années. J’ai surtout eu une grosse blessure au niveau du genou à Montpellier. (en septembre 2015, Kévin Bérigaud a été victime d’une entorse au genou lors d’un match contre Lorient, ndlr.) On m’a blessé, ça ne s’est pas fait tout seul. Sinon, je n’ai jamais eu de gros soucis. C’était surtout l’année dernière, ça m’a arrêté un peu plus de deux mois. Là, avec Angers, c’était encore le genou, mais en moins grave.

Lors de la première partie de saison, tu n’as été titularisé que six fois avec Montpellier. Comment tu peux l’expliquer ?Je n’ai pas trop eu d’explications en fait. Je n’ai eu aucun problème avec le coach à Montpellier. Je pense que c’était simplement une histoire de choix, que je n’entrais pas dans ses projets. Après, je pense que quand il a fait appel à moi, il n’a pas été déçu donc… Mais quand tu n’enchaînes pas les matchs, ce n’est jamais évident. Tu ne joues qu’un match par-ci, par-là, et quand tu n’as pas de rythme, c’est forcément compliqué.

À l’époque où j’étais mécanicien, j’attaquais ma journée à sept heures et demie et je la terminais vers cinq heures pour aller à l’entraînement.

Tu es du genre à douter facilement ?Non, j’ai toujours travaillé de la même manière. Que je joue, que je ne joue pas, je n’ai jamais changé d’état d’esprit. C’est pas quelque chose qui me touche psychologiquement. Après, il y a des périodes dans le foot où ça se passe moins bien, mais il faut faire avec, travailler plus dur et être au mieux quand on fait appel à toi, même si ce n’est pas évident.

Avec Angers, tu as déjà eu un peu de place pour t’exprimer et tu as marqué ton premier but contre Bordeaux en Coupe de France.Ça fait toujours du bien de marquer. Après, pour marquer encore plus, il faut avoir des occasions, ce qui n’était pas toujours le cas jusqu’ici. En ce moment, je me sens bien, et dans ces conditions, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas.

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Mais pourquoi tu as pris le numéro 2 ?(Rires) Parce qu’il n’y avait plus rien ! On va dire que je n’ai pas trop eu le choix… Mais bon, je suis arrivé le 2 janvier, ça fait un clin d’œil. C’est sûr qu’on n’a pas trop l’habitude de voir un attaquant avec ce numéro, mais ça me fait plus rire qu’autre chose. C’est pas grave, j’aurai des maillots collectors !

Tu repenses des fois au Kévin Bérigaud mécanicien ?J’y pense souvent, ça me permet de garder les pieds sur terre et de se rendre compte qu’on a une chance énorme de faire ce métier. Quand tu te lèves à sept heures du matin tous les jours, que tu finis à cinq ou six heures le soir, ce n’est pas évident. Repenser à tout ça de temps en temps, ça te permet de garder certaines valeurs. Il ne faut pas oublier d’où on vient, et je pense que ça m’a pas mal aidé d’être passé par ce niveau. À cette époque, j’attaquais ma journée à sept heures et demie et je la terminais vers cinq heures pour aller à l’entraînement.

Pourquoi la mécanique ?Quand j’ai eu quinze ans, je ne savais pas trop quoi faire. C’était le moment où je jouais au Servette. J’avais le trajet à faire, donc le fait de bosser avec mon père, ça me permettait d’être libéré un peu plus tôt l’après-midi pour aller jusqu’à Genève. C’est une étape qui m’a permis d’avoir une grosse progression là-bas vu que je m’entraînais tous les jours, c’était intensif. Quand tu y ajoutes les journées de travail, ça te forge un caractère et ensuite, mentalement, on est prêt.

Tu penses que tu aurais pu rester mécanicien toute ta vie ?Je ne pense pas, j’en sais rien, mais j’aurais certainement essayé de faire autre chose, surtout qu’à l’époque, l’entreprise de mon père était en difficulté économique. En étant le dernier arrivé, il avait été obligé de me licencier. Après, comme il y a la Suisse à côté, j’aurais peut-être essayé de trouver un job pour gagner un peu plus d’argent (rires). J’étais un peu multifonctions à l’époque, donc je n’aurais pas fait le difficile.

Tu faisais d’autres choses à côté ?Quand j’étais jeune, je faisais un peu de tout : du ski, du surf… J’ai dû arrêter à cause du foot parce que ce n’est pas compatible, mais j’y reviendrai quand j’arrêterai. Il y a quelques trucs qui me manquent, mais il faut faire des concessions. On aura le temps de profiter plus tard.

Moi, les études, ça a été assez simple vu qu’à quinze ans, j’ai dû trouver un boulot ou au moins quelque chose à faire de ma vie.

Comment tu es arrivé au foot ?Mon père a toujours fait du sport, mais il ne connaissait pratiquement rien au foot. Il voulait simplement que je sois heureux et il a rapidement vu que j’avais un bon niveau. Sincèrement, mes parents ont tout fait pour me permettre de continuer. Après, je n’aurais jamais imaginé un jour devenir pro et en arriver là.

C’est pour ça que tes parents ont aussi insisté pour que tu assures un diplôme avant de te lâcher. Moi, les études, ça a été assez simple, vu qu’à quinze ans, j’ai dû trouver un boulot ou au moins quelque chose à faire de ma vie. Les profs ont aussi eu un impact là-dessus. Quand j’étais en Suisse, les vacances scolaires étaient décalées et comme j’avais parfois des stages avec le Servette, je ratais les cours. J’ai manqué le brevet blanc comme ça. Deux-trois professeurs avaient alors marqué sur ma feuille « a préféré faire du foot » (rires). C’est une réaction normale, car à cet âge, on ne sait pas vraiment ce qu’il peut se passer. C’était des choix de jeunesse, mes parents m’ont suivi et c’est aussi ce qui m’a permis d’en arriver là, je pense.

Qu’est-ce que t’a apporté ton passage au Servette ?C’était top. Au niveau jeune, c’était super bien structuré. On allait jouer contre les meilleures équipes dans toute la Suisse. Quand, après ça, je suis arrivé en moins de dix-huit ans en France, je ne pensais pas avoir ce niveau-là et on m’a rapidement dit que j’étais au-dessus. Par rapport à ça, je ne regrette rien, surtout qu’à cette époque, j’étais dans toutes les sélections Rhône-Alpes et on me conseillait d’y aller plutôt que de retourner en Suisse.

La Suisse, c’était aussi une autre mentalité de travail ?Je ne sais pas trop comment ça se passait dans les centres de formation français, mais c’était assez strict. Il fallait être à l’heure comme chez les pros, surtout qu’à mon époque, le Servette était encore au sommet. Pour les jeunes, il y avait en plus quelques entraîneurs français, donc c’était sympa.

Comment tu t’es retrouvé à Croix-de-Savoie finalement ? En 2005, le Servette a coulé, donc le plus simple pour moi, c’était de rejoindre Croix-de-Savoie. J’ai fait un essai et ils m’ont pris tout de suite. Je suis arrivé chez les dix-huit ans et à la fin de ma première année, j’ai commencé à aller jouer en DH. On ne voyait pas encore les changements qui allaient venir ensuite. Quand je suis arrivé, le club était en National et il a été relégué au bout de ma première année en 2006. Quand tu es jeune, tu ne penses qu’à jouer, tu t’amuses avec tes potes, tu ne regardes pas trop ce qu’il y a au-dessus.

Aujourd’hui, quand je reviens chez mes parents à Évian, certaines personnes me demandent encore comment je vais, où j’en suis…

Surtout que le club n’intéressait pas forcément grand monde à cette époque.Pas trop, c’est vrai. Moi, j’y suis allé au départ pour jouer à un assez bon niveau, et Croix-de-Savoie, on n’en entendait pas trop parler. On savait que le club jouait en National, c’était pas mal pour la région, mais bon… On n’imaginait pas trop que ce club pourrait un jour être en Ligue 1. C’était beaucoup d’ententes entre petites villes. Et, quand il y a eu l’investissement de Danone, tout a changé, il y a eu un projet et on s’est dit qu’il y avait possibilité de faire quelque chose. C’est venu bien après mon arrivée.

Aujourd’hui, ce qui était devenu l’ETG est mort. Tu as connu la belle période du club. Tu en gardes quels souvenirs ?Je garde que du positif de cette aventure. Je suis arrivé, j’ai fait toutes les montées, il n’y avait que de l’évolution. Quand tu regardais le recrutement, tu sentais un projet sérieux. Chaque année, l’effectif était renouvelé. Quand les dirigeants ont vu qu’il y avait du potentiel, l’investissement a grimpé. Tout s’est enchaîné rapidement, c’est difficile à expliquer. Comme s’il avait suffi d’avoir les bons joueurs, une bonne cohésion, au bon moment. Je n’oublierai jamais ça, c’étaient des années magnifiques.

Tu penses que ça a été trop vite ?Non, surtout qu’on a su rester en Ligue 1 pendant plusieurs années. Quand j’y étais, on prétendait jouer le maintien chaque saison, ce qui était logique. Voir le club disparaître m’a forcément surpris. Je ne sais pas trop ce qu’il s’est passé. Avec tout l’investissement qu’il y a eu, en arriver là, c’est dommage. C’est surtout triste pour les emplois qu’il y avait en jeu, pour les gros matchs que ça offrait à la région…

Vous en avez reparlé avec les anciens ?J’ai encore deux-trois contacts, oui. De toute façon, faut essayer de passer à autre chose pour ceux qui n’y sont plus. Ce qui m’embête, c’est pour ceux qui étaient encore là. Ce n’est pas une situation évidente à gérer.

Quand on fait le bilan de cette histoire, ton nom revient rapidement. Ça te fait plaisir ?Bien sûr, je suis super content. Aujourd’hui, quand je reviens chez mes parents, certaines personnes me demandent encore comment je vais, où j’en suis… Par rapport à ça, je suis content d’en être arrivé là et de voir que les gens n’ont pas encore oublié. Je sais que dans le foot, on oublie rapidement pourtant.

Après, perdre une finale, il te faut un bon moment pour t’en remettre. Sur le moment, ce n’est vraiment pas évident. Tu sais qu’un événement comme ça, c’est peut-être une fois dans une carrière.

Pendant les moments où tu ne jouais plus trop, tu as eu peur d’être oublié ?Je sais que ça arrivera un jour. Je ne suis pas quelqu’un qui aime être trop mis en avant, je suis assez en retrait par rapport à ça, je suis préparé. À la base, pour moi, le foot, c’était le plaisir surtout. J’ai eu la chance d’arriver où je suis aujourd’hui par un trou de souris. J’ai bossé pour en arriver là quand il fallait, j’ai aussi regardé, j’ai écouté les anciens, même si de temps en temps, on pensait que je n’écoutais pas… Après, j’ai pris ce que j’avais envie de prendre et j’ai fait mon petit chemin sans rien dire.

Tu penses que tu as été trop réservé à certains moments ?Après, c’est mon caractère qui est comme ça. J’aime bien parler sur le terrain, moins en dehors. Je n’utilise aucun réseau social, j’ai rien de tout ça. C’est un choix, ça ne m’intéresse pas beaucoup en fait. Autour de moi, je vois les gens avec leur téléphone dans la main toute la journée. Je n’ai pas envie d’être comme ça, je n’ai pas grandi comme ça. Moi, le téléphone, j’ai connu ça assez tard. Avec mes potes, on était tout le temps dehors, on n’avait pas tout ça.

C’est pour aussi couper du monde du foot ?Je regarde quand même les gros matchs, mais regarder tous les transferts, tout ce qu’il se passe, non, ce n’est pas mon truc. Après, quand tu regardes jouer les grandes équipes, forcément, tu te dis que tu aimerais en arriver là mais, malheureusement, on n’a pas leur niveau, donc on le regarde à la télé (rires).

Mais quand tu te prépares à jouer le PSG, ça se passe comment par exemple ?J’en parlais avec un ami il y a quelques jours. Il ne faut pas s’en faire une montagne. Sur un match, tout est possible. On sait que ces mecs sont supérieurs à nous, mais ils ont deux bras, deux jambes, si tu ne les laisses pas jouer, ils ne vont pas être bien. C’est comme ça qu’il faut aborder ce genre de rencontres, pas autrement. Juste se dire qu’on n’a rien à perdre.

Comme en Coupe de France maintenant ?En quart de finale contre Bordeaux déjà, je pense qu’on était tous prêts. Pour être en finale avec Évian, je sais à quel point c’est difficile d’atteindre un tel stade. Quand tu as des opportunités comme ça, il ne faut pas se louper. Contre Guingamp, il faut reproduire le même match que contre Bordeaux en ayant conscience qu’un moment comme ça, c’est rare. Après, perdre une finale, il te faut un bon moment pour t’en remettre. Sur le moment, ce n’est vraiment pas évident. Tu sais qu’un événement comme ça, c’est peut-être une fois dans une carrière.

Dans cet article :
Laurent Nicollin : « Le stade de la Mosson représente une vie  »
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