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Bergame de guerrier
Touché de plein fouet par l’épidémie de Covid-19, Bergame retrouve petit à petit de l’air. Preuve en est, l’Atalanta reçoit ce dimanche Sassuolo pour la reprise de la Serie A. L’occasion pour toute une cité de s’évader, alors que la Dea s’apprête à boucler – sportivement – la plus belle saison de son histoire.
Il y a 105 jours, Francesco Caputo signait une promesse. Le genre de promesse qu’on ne peut pas vraiment tenir, mais qu’on se sent obligé de faire pour que l’assistance puisse se raccrocher à quelque chose. Lorsqu’il brandit son émouvante pancarte « Tout ira bien, restez chez vous » à l’heure de jeu d’un match déjà plié face à Brescia, l’homme qui pèse treize pions en Serie A ne se doute pas encore des semaines de cauchemar qui se préparent. Sur le coup, « Ciccio » voulait simplement apporter un sourire et de l’espoir. Ce dimanche, il sera l’homme à suivre du côté des Neroverdi qui se déplacent à Bergame pour y défier l’Atalanta, quatrième du classement. Un déplacement difficile d’un point de vue sportif, mais pas seulement.
Retour aux affaires
Il ne faut pas s’y tromper : la reprise du football à Bergame est une bonne nouvelle. Une respiration pour ses habitants, de quoi retrouver le sourire pour ses plus fidèles tifosi. Parmi eux, Marino Lazzarini préside l’association des Amis de l’Atalanta qui réunit 6000 personnes et fait même partie du conseil d’administration du club. Au micro de l’AFP, l’homme de 71 ans confesse sans détour : « Aujourd’hui, il y a une envie de football sans oublier ceux qui nous ont quittés. Entre les amis et les connaissances, j’ai perdu 40 personnes. Le foot nous aide, non pas à oublier car nous n’oublions pas, mais à profiter un peu. » Comment zapper ces semaines et ces mois où, du jour au lendemain, la crainte de voir disparaître un proche ou un voisin était toujours aussi grande ? Sur les 34 500 décès liés au Covid-19, près de la moitié (16 000, environ) résidaient en Lombardie. Et sur ces 16 000, plus d’un tiers venaient de la seule et même ville de Bergame. Sans parler de ces images de détresse montrant des camions militaires transportant des dizaines de cercueils, ou de ces révélations autour de la « bombe biologique » que fut Atalanta-Valence à San Siro en Ligue des champions.
Un bilan dramatique qu’Alejandro Gómez, capitaine et au club depuis 2014, n’omet pas au moment d’évoquer la reprise du championnat pour l’émission Extratime sur Radio 1 Rai : « Il est évident que nous ne pouvons pas ramener à la vie tous les morts de ces derniers mois, mais nous pouvons au moins donner un peu de joie et de bonheur aux Bergamasques.(…)Les rares fois où je suis sorti et où j’ai fait des courses au supermarché, les gens que j’ai rencontrés dans la rue m’ont demandé quand j’allais jouer à nouveau et si j’avais des nouvelles ou des informations au sujet de la reprise du championnat. Les gens aiment le football, ils vivent et respirent le football… Même les supporters ont besoin que ça recommence. » Son de cloche identique en conférence de presse du côté de Roberto De Zerbi, l’entraîneur de Sassuolo, qui sait que ce retour à la compétition à cet endroit est tout sauf anodin : « Je ne sais pas quel football nous allons retrouver, nous nous rendons à Bergame dans une ville qui est peut-être la plus touchée avec celle de mon enfance, Brescia. Allons-y dans le respect et la proximité avec les Bergamasques, mais quand l’arbitre sifflera le coup d’envoi, nous nous battrons avec nos armes. »
Un championnat iDeal
Avant cet océan de désespoir, l’Atalanta et ses supporters coulaient des jours heureux. Aujourd’hui encore, la Dea occupe la quatrième place du classement à seulement six points de l’Inter d’Antonio Conte et réussit avec brio son dépucelage en Ligue des champions. Elle peut même, contrairement à la Juve et au Napoli en ballottage défavorable, se vanter d’avoir déjà son ticket pour le Final 8 et s’imaginer en potentiel dernier représentant italien de la compétition. Avant le confinement, l’Atalanta en était donc là, apportait de la joie aux siens autant qu’elle inspirait la peur chez ses adversaires. Elle ne se résumait pas seulement à la meilleure attaque du championnat (70 buts, en 25 journées), loin de là.
L’Atalanta, c’était avant tout les coups de reins de Papu Gómez, les pas de danse de son coach Gian Piero Gasperini, les dribbles chaloupés de Josip Iličić, la puissance de Duván Zapata… C’était surtout un football adulé et aimé de tous, celui d’une équipe prête à se déséquilibrer pour marquer un but de plus que l’adversaire. Ou même cinq à sept de plus, l’Udinese, le Milan, Parme, Lecce et surtout le Torino pouvant en témoigner. Ce n’est pas pour rien, comme le dit De Zerbi, qu’elle est même considérée par de nombreux observateurs comme « l’équipe la plus forte du championnat lorsque tout lui sourit ». Ce dimanche, l’entraîneur de Sassuolo priera certainement pour que ce ne soit pas le cas ou pour tout simplement ne pas revivre le même scénario qu’au match aller (défaite 1-4, à domicile) en septembre dernier. Mais quoi qu’il se passe dans la soirée, le simple fait qu’un coup d’envoi soit donné au stade Atleti Azzurri va en faire sourire plus d’un. Une première victoire, à n’en pas douter.
Par Andrea Chazy