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Berbatov, tsar de l’ombre

Par Romain Duchâteau
6 minutes
Berbatov, tsar de l’ombre

Drôle d'oiseau que ce Dimitar Berbatov. Courtisé par la Fiorentina et la Juve au mercato estival 2012, l'attaquant avait surpris tout son monde en rejoignant la modeste formation de Fulham. Un choix surprenant, voire incompréhensible au regard de son talent. Mais, à trente piges passées, le Bulgare n'en a cure et se paye une fin de carrière pépère. En continuant, tout de même, à câliner le cuir et à offrir de jolis caramels.

Il est coutume de dire qu’il ne faut jamais oublier d’où l’on vient. Cela, quels que soient les aléas et circonstances rencontrés. En témoigne la contenance relâchée de Dimitar Berbatov propre à son pays natal. Enfant d’une Bulgarie qui a longtemps été bercée par un régime autocratique, l’attaquant est devenu star parmi les tsars. Comprenez, un degré de présomption assez conséquent conjugué à une démarche aussi maniérée qu’agaçante. À trente-deux ans, le joueur n’a pas volé son titre et continue d’entretenir ce personnage singulier à Fulham. Oui, Fulham. Club londonien aux ambitions mesurées dans l’ombre de Chelsea, Arsenal et Tottenham qui a terminé l’exercice précédent à une 15e place guère flatteuse. Une escouade clairement indigne du talent du bonhomme. Mais après avoir connu le Bayer Leverkusen, Tottenham et Manchester United, Berbatov s’est drapé de discrétion. Sans pour autant oublier de rappeler, de temps à autre, qu’il figure parmi les esthètes les plus renommés encore en circulation.

Pas d’au revoir à Ferguson

Avant de rejoindre Londres et de profiter de ses nombreux avantages, l’ancien poulain du CSKA Sofia a connu le point culminant de sa carrière à Manchester United. Un passage au souvenir néanmoins tumultueux. Car si son pedigree sur Wikipédia met tout le monde d’accord (champion d’Angleterre en 2009 et 2011, vainqueur de la League Cup en 2009 et nommé dans l’équipe type de Premier League en 2011), son aventure garde un arrière-goût amer. Séduits par deux saisons de haute facture de Berbatov à Tottenham (27 pions en championnat), les Red Devils braquent le joyau bulgare contre un gros chèque de 38 millions d’euros – soit le second transfert le plus élevé du club derrière Ferdinand. À Old Trafford, il est appelé à remplacer Saha et faire son trou devant avec Rooney et Tévez. Loin d’une sinécure.

Et nul doute qu’il y a cru à l’orée de la cuvée 2009/2010. Bien aidé par le départ du taureau argentin, l’ex des Spurs trouve peu à peu ses marques. S’endurcit. Et semble trouver la bonne formule aux côtés de « Wazza » , dans un mix de hargne et de raffinement. Attrayant certes, mais le profil de l’attaquant ne correspond pas franchement au système d’Alex Ferguson. D’autant qu’il peine à briller en C1. Style trop nonchalant, peu véloce et incapable de prendre la profondeur, Berbatov n’a rien du striker omniprésent au pressing comme l’affectionne tant le coach écossais. Il voit son temps de jeu se réduire comme peau de chagrin. Et ce n’est pas son doux toucher de balle – l’un des plus beaux en Europe – ni cette précision chirurgicale dans ses passes qui feront inverser la tendance. Pis encore, la finale de Ligue des champions en 2011 scelle définitivement la rupture entre les deux hommes. Terminant pourtant co-meilleur buteur du championnat, le Mancunien subit l’opprobre de ne même pas figurer sur la liste du match contre Barcelone, se voyant notamment préférer le bientôt retraité Owen. Écœuré, blessé dans son orgueil à juste titre, il crache toute sa frustration sur Fergie un mois après sa venue chez les Cottagers, en septembre 2012 : « Lorsque je suis parti de Manchester United, je n’ai pas dit au revoir à Alex Ferguson. Il ne le méritait pas. Il a perdu tout mon respect vu la manière dont il m’a traité lors de la saison dernière. J’ai été le voir quinze fois pour demander pourquoi je ne jouais pas et il me disait tout le temps que j’étais très important. Mais je n’étais toujours pas dans l’équipe… J’ai ma dignité ! J’ai été sacré deux fois champion, j’ai été meilleur buteur de la Premier League. » Chez les tsars, le respect est un principe sacré que l’on ne bafoue pas.

« Keep calm and pass me the ball »

Le respect, c’est aussi une notion qui reste à redéfinir pour le natif de Blagoevgrad. Annoncé partant de United à l’été 2012, il va se retrouver au centre d’un beau bordel. Au préalable d’accord avec la Fiorentina, qui lui avait payé un billet d’avion en 1re classe afin de le faire signer, Berbatov avait ensuite entamé des discussions avec la Juve pour au final s’engager à Fulham parce que sa femme ne souhaitait pas quitter l’Angleterre. Un drôle de choix pour un drôle de joueur. L’attaquant n’a d’ailleurs jamais renié sa différence, comme il y a quatre ans où il expliquait son style de jeu. « Je suis un gars détendu. J’ai toujours joué de cette manière et je ne vais pas changer mon style, expliquait-il, non sans un brin d’arrogance. Je regarde des matchs et je vois des gars qui paniquent quand ils reçoivent le ballon, ils ont l’air si nerveux. Je suis tranquille, car je sais parfois ce que je veux faire avant de recevoir la balle. »

Dans la capitale anglaise, le gaillard, aujourd’hui plus sosie d’Éric Zemmour que d’Andy Garcia, n’a pas changé de ton. Que ce soit dans le discours ou sur les terrains. Toujours cette morgue, toujours cette facilité qui s’apparente à de la paresse. À l’image de cette célébration après l’ouverture du score contre Southampton (1-1, décembre 2012) où il arbore, en toute modestie, un tee-shirt au message limpide : « Keep calm and pass me the ball » . Sorte d’hommage particulier rendu au célèbre slogan anglais « Keep calm and carry on » . Reste que cette attitude ne peut être blâmée par Fulham, tant il apparaît déjà miraculeux que le Bulgare scintille au sein d’un effectif de vieux grognards (Riise, Duff, Karagounis, Stekelenburg, Parker) et de joueurs en quête d’une reconnaissance tardive (Taarabt, Senderos, Richardson, Bent). Martin Jol, entraîneur de Fulham qui avait déjà connu le joueur à Tottenham, le sait mieux que quiconque. Entre les deux hommes, les rapports sont d’ailleurs empreints d’un profond respect mutuel. « Je vois qu’il me fait confiance à 100% sur le terrain et c’est ce que j’aime chez lui. C’est à moi de ne pas le décevoir, c’est mon premier et seul objectif. Ne pas laisser tomber l’homme qui a mis toute sa confiance en moi. Je fais donc de mon mieux sur le terrain » , confiait le Cottager au magazine du club Fultime en juillet dernier. Autre chose que les non-dits avec Sir Alex. Mais, aujourd’hui, les attentes ont changé. Le plaisir de jouer, l’envie de régaler le public en toute discrétion ont pris le pas sur les lumières des projecteurs. Ce qui ne l’empêche toutefois pas de continuer à claquer quelques délices et de faire partie des meilleurs buteurs de la perfide Albion (15 buts la saison dernière en championnat). « Dieu est trop haut et le tsar trop loin ! » , affirme un proverbe bulgare. En homme qui n’oublie pas ses racines, Berbatov l’a fait sien. Car lorsqu’on est tsar parmi les tsars, on se doit de tenir son rang. Même dans l’ombre.

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Modeste M'bami

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