ACTU MERCATO
Berahino, la maison close
Révélation de la saison passée et série à plusieurs épisodes depuis six mois, Saido Berahino est le cas qui agite le plus l'Angleterre du foot. Entre la casquette de Pulis, le bureau de son boss et la moue du banc.
C’est une guerre médiatique. Elle est longue, usante et dure pour les nerfs. Ceux de Tony Pulis sont parfois à deux doigts de craquer et sa casquette à la limite de traverser son bureau. Depuis des semaines et des mois, l’entraîneur gallois est obligé de se justifier, de convaincre que son meilleur joueur ne peut pas partir. Pas tout de suite, car, à terme, il sait qu’il brillera loin des Midlands et de West Bromwich. « C’est un cauchemar, ce mercato. Il nous reste encore quelques heures à tenir et demain, une fois que la dead-line sera dépassée, je souhaite que Saido commence à reconnaître que son comportement affecte tout le monde et qu’il doit redevenir la personne qu’il était. Pour nous, ça serait terrible de voir partir l’un de nos meilleurs joueurs dans ces circonstances » , expliquait Pulis, samedi, dans les colonnes du Chronicle Live. Il le sait, il ne peut se permettre de perdre son meilleur buteur, son meilleur espoir et surtout son meilleur joueur. Sauf que voilà. Saido Berahino a 22 ans et affole tout le monde après un exercice précédent livré à 14 pions et un sauvetage ce week-end en FA Cup avec un doublé face à Peterborough (2-2). Il est devenu le joueur le plus scruté du Royaume, de Newcastle à Stoke, alors que Tottenham garde toujours un œil ouvert sur sa situation. Plus que du foot, Berahino est devenu une monnaie d’échange. Un type à 25 millions de livres.
Le totem de Pulis
L’été dernier, dans les dernières heures de négociations du mercato, les Spurs avaient transmis une enveloppe de 33 millions d’euros sur le bureau de Jeremy Peace, le boss de WBA. Berahino a été bloqué, interdit de prendre un vol pour Londres, car son club avait besoin de lui. Encore une saison, pour ne pas griller les étapes. Il en va aujourd’hui de la survie de West Bromwich Albion, quatorzième de Premier League avec sept petits points d’avance sur le premier relégable. Qui ? Newcastle qui se bat pour floquer le nom du gamin sur son maillot cet hiver. Pulis ne veut pas servir la concurrence et on le comprend. Comme l’été dernier. Sauf que Saido Berahino ne réfléchit pas toujours. Plutôt que de répondre sur le terrain, l’Anglais préfère allumer sur Twitter : « Triste que je ne puisse expliquer exactement comment le club m’a traité, mais je peux officiellement dire que je ne jouerai plus pour Jeremy Peace. » Une claque à la gueule de son propre président, là où un gosse comme John Stones, dragué avec insistance par Chelsea, a préféré faire le poli et tout casser sur le terrain.
Voilà maintenant six mois que la pièce se joue. Et tout le monde la regarde avec attention, car elle est assez symptomatique. Berahino a multiplié les grèves, les bouderies et les prestations sans lumière. Tony Pulis a pourtant tout fait pour lui, des rencontres avec sa mère pour le convaincre de rester, une place de choix devant et quelques câlins en public. « West Brom a nourri la carrière de Saido pendant une décennie, ils méritent le plus grand respect, et à un moment, involontairement, il ne leur en a pas montré assez. Il doit grandir et réaliser que les gens de West Brom l’ont supporté depuis le début de sa carrière » , détaillait Pulis il y a quelques mois. En cas de départ, Pulis le sait, « la seule question financière » entrera en ligne de compte. Rien de plus. Car WBA a besoin d’argent là où Berahino a besoin de lumière pour briller. On se pose, on se bat, on se regarde, mais personne ne veut qu’il bouge. Sauf que l’important est ailleurs.
Trois pions et des bouderies
L’important se situe plus bas, loin des bureaux, proche des surfaces. Cette saison, Berahino a perdu en niveau au fil de la dégradation de son état d’esprit. Il n’a inscrit que trois buts en Premier League, alors que d’autres buteurs ont émergé à côté de lui. Sa place à l’Euro n’est plus assurée, et son comportement agace jusque dans les bureaux de la Fédération anglaise. Et ce, malgré le fait que tout le monde a conscience de son talent. Car Berahino revient de loin, de la misère de Bujumbura, d’un exil à Birmingham avec sa mère avant d’intégrer finalement l’académie des Baggies, à 12 ans. Au point de s’emballer par moments sur un destin XXL. En conférence de presse, son capitaine Darren Fletcher avait alors conseillé à son coéquipier de « se poser et de réfléchir 48 heures » , avant de prendre une décision sur son avenir. Le voilà aujourd’hui dans une position similaire à celle d’il y a six mois. Bloqué par son club, Berahino n’a pas quitté WBA cet hiver et devrait être libéré l’été prochain. Pulis a gagné un semestre de répit.
Par Maxime Brigand