- France
- Affaire de la sextape
Benzema, pour l’exemple
Karim Benzema a été condamné à un an de prison avec sursis et 75 000 euros d’amende. Il a décidé de faire appel puisque son avocat Me Sylvain Cormier rejette cette « peine très sévère, injuste et sans preuve ». Le feuilleton n’est donc pas terminé sur le plan judiciaire. Toutefois cette première décision du tribunal clarifie le flou qui existait depuis qu’avait éclaté « l’affaire de la sextape », sans pour autant résorber les fractures qui se cristallisent autour de l’attaquant du Real Madrid.
Le tribunal correctionnel de Versailles a été pour une fois très clair, indiquant que Karim Benzema (qui ne s’est jamais présenté en personne devant la cour) « s’est personnellement impliqué, au prix de subterfuges et de mensonges, pour convaincre son coéquipier de se soumettre au chantage ». Pour les juges, l’infraction de complicité est donc caractérisée, et leur main n’a, semble-t-il, pas tremblé pour frapper lourdement ce personnage public. La suite de l’avis s’avère justement à ce propos plus ambiguë, car elle renvoie à l’image et la moralité de Karim Benzema, en se basant essentiellement sur les écoutes policières. Bref, on lui reproche de n’avoir fait preuve d’« aucune bienveillance à l’égard de Valbuena, bien au contraire », y compris d’avoir exprimé « une certaine excitation, voire une certaine jubilation ». Même avérées, et malheureusement certains enregistrements sont assez éloquents, on ignorait que ces attitudes puissent constituer un délit. De même, il a été rappelé son devoir d’exemplarité en tant que star du football « porteur d’une image, d’espoir, de notoriété et de valeurs morales ». Une fois encore, on se demande, légalement, en quoi cette assertion peut servir à fonder une condamnation ou représenter une circonstance aggravante.
Motifs subjectifs
Toute la problématique et le problème du cas Karim Benzema se situent dans cette double argumentation et les zones d’ombre qu’elle laisse planer, surtout autour d’une figure aussi controversée du foot tricolore. On n’a jamais simplement jugé un homme qui aurait franchi la ligne rouge de la loi. De ce point de vue, son rôle dans la tentative de chantage auprès de Mathieu Valbuena pouvait effectivement soulever de nombreuses questions. La réponse du tribunal peut être critiquée pour sa sévérité, elle n’en est pas moins fondée. L’avocat du joueur fera de nouveau valoir son interprétation des faits au regard des textes lors de l’appel. Peut-être plus que de demander une relaxe, insistera-t-il cette fois sur la dureté de la peine au regard des faits établis et vérifiables qui sont réellement imputables à son client.
Impossible toutefois de ne pas se rendre compte que la logique de sa condamnation ne s’arrête pas là. Karim Benzema paie sa notoriété, son prénom et son nom dans le contexte actuel, le statut du football en France et les tourments sociaux ou politiques qu’il suscite. Sans parler des valses hésitations de la FFF, dont son président Noël Le Graët explique désormais qu’il ne « serait pas exclu » de la sélection nationale en cas de « sanction judiciaire ». Benzema doit également s’interroger sur les maladresses de sa gestion de crise en matière de communication, ainsi que sur le poids de déclarations d’ordre privé rendues publiques à la suite de l’enquête, qui ne reflètent pas la plus belle version de son comportement. Une fois encore est-ce aux juges de fonder leur jugement sur ce passif très subjectif, même s’il n’est pas toujours énoncé de manière aussi limpide ?
Message à la victime Valbuena
D’autant plus que cette condamnation de l’international occulte peut-être l’enseignement essentiel de ce procès : les peines infligées aux principaux prévenus. Axel Angot reçoit deux ans de prison ferme, Mustapha Zouaoui deux ans et demi de prison ferme, Younes Houass dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, et enfin Karim Zenati, l’ami qui a amené Karim Benzema dans ce maelström, quinze mois de prison ferme. Une telle fermeté devrait protéger un peu les joueurs de pareilles malversations. Car il a donc bel et bien été retenu la gravité de ce qui avait été entrepris à l’encontre de Mathieu Valbuena, et qui a finalement payé le prix le plus fort de cette histoire dont il est la première victime, lâché par la FFF, viré des Bleus et sportivement entravé dans sa carrière…
Par Nicolas Kssis-Martov