« Benzema n’est pas compatible avec l’environnement français »

Tu t’intéresses au football depuis combien de temps ?J’ai suivi la Coupe du monde 98 quand j’étais tout petit, mais je suis plus assidu depuis que j’ai rencontré mon beau-père, qui est un ancien yoleur. La yole, c’est une petite embarcation maritime, propulsée par une ou deux voiles, qu’il faut équilibrer en trouvant la bonne position. C’est assez technique, et c’est le sport national en Martinique. Fin juillet, il y a le tour de Martinique en yole, qui dure une semaine, et c’est un gros truc chez nous. Et donc, mon beau-père, Athon Mas, était le plus grand yoleur, avant de prendre sa retraite il y a deux ans. Plus jeune, j’ai joué attaquant au Club franciscain pendant deux ans, puis au New Club pendant deux autres saisons, avant d’arrêter.

Le Club franciscain, qui a fait quelques belles épopées en Coupe de France…Ouais, il y avait eu ce 32^e de finale contre Nantes, en 2015. Avec Patrick Percin (un attaquant qui jouera ensuite à Amiens, ndlr), notamment, qui est devenu un pote.

Lorsqu’un club martiniquais joue en métropole, c’est suivi comment, depuis les Antilles ?Tout le monde est derrière eux, ça supporte à fond. Mais on voit tout de suite les différences dans la formation des joueurs. Aux Antilles, on n’a pas les mêmes moyens qu’en métropole, même si on a des mecs super forts. Cela se ressent au niveau de l’endurance et de la technique. Et puis, il y a le climat qui nous perturbe, quand on joue à Nantes en janvier. Si le match est à 21h en métropole, il est 16h chez nous, donc on est sur une ambiance apéro. Après l’école, après le boulot, tout le monde se rassemble autour de la télé.

Justement, en tant que supporter du PSG, tu t’organises comment pour suivre l’équipe, lorsque tu es en Martinique ?Pour PSG-Chelsea, on était une bonne trentaine dans la maison. Il y avait bien sûr quelques supporters de Marseille… Ils sont toujours là, eux. Ils mettent leur maillot sur l’écran pour porter le mauvais œil. Mais quand tu n’es pas spécialiste, comme moi, c’est surtout l’occasion de passer de bons moments entre amis. Supporter, se disputer… Ceux qui sont à fond prennent ça très à cœur, ils peuvent rester fâchés pendant une semaine.

Tu supportes le PSG depuis quand ?Depuis toujours. Par rapport à Bernard Lama, déjà, qui est antillais. Et puis j’ai toujours aimé les grands joueurs. Pauleta, Ronaldinho… Et je les supporte encore plus depuis que je sais que Rabiot et Kurzawa viennent à mes concerts et partagent ma musique sur internet.

Il faudrait qui pour remplacer Zlatan ?Cristiano Ronaldo ! D’un côté, je me dis qu’il est dans un bon contexte au Real, avec Zidane, mais de l’autre, comme c’est un mec assez orgueilleux, je me dis que ce serait un bon challenge pour lui de marquer l’histoire de la Ligue 1 plus que Zlatan. Et je l’en crois capable. Il y a aussi Benzema, mais il refuserait de venir, c’est sûr.

Pourquoi est-ce que Benzema refuserait de venir au Paris Saint-Germain ?Ce serait un avantage pour Paris de l’avoir, mais il n’est pas compatible avec l’environnement français. C’est compliqué, pour lui, en France. Il se fait taper sur les doigts au moindre faux pas.

Justement, comme Benzema, tu apparais dans le clip de Walabok, de Booba. Tu as compris la polémique qui en a découlé ? Non. Quand j’ai vu le clip, je me suis dit que Benzema « représentait » , en tant qu’ami de Booba. D’habitude, je vois venir les trucs, mais là, j’aurais jamais pensé que ça allait faire un tel bordel. J’aurais jamais pensé qu’on allait l’associer aux images de drogues et d’armes. En France, on ne laisse aucun répit à Benzema. Le mec est talentueux, et on l’écarte de l’équipe nationale parce qu’il est apparu dans un clip de rap… On a des politiques qui détournent de l’argent et qui sont toujours là. Le sport, ce n’est pas de la politique, même si les joueurs sont des exemples pour beaucoup de jeunes. Après, tu ne peux pas te plaindre de ne pas gagner.

Comment tu expliques cette défiance de la France envers Benzema, et inversement ?Déjà, la France est un des rares pays qui a des joueurs qui ne chantent pas l’hymne national. Les mecs peuvent même cracher pendant la Marseillaise. Ils ne sont pas fiers, parce qu’on leur tape dessus pour rien, on les critique, on les épie. Le mec qui trompe sa femme, on veut lui niquer sa carrière, s’il est dans un clip, pareil… Les gens ne sont pas reconnaissants. Et puis, ils oublient vite.

Tu comprends qu’une partie des Français trouvent Benzema arrogant ?On le lui reproche parce qu’il est français, justement. Zlatan est arrogant de ouf, ça ne pose pas de problèmes. Cristiano, pareil. Pour moi, seul le talent compte. Ça se passe sur le terrain. Tu peux lui mettre des petites amendes pour des histoires de comportement, mais que ça devienne politique, non.

Comment s’est faite la connexion entre Booba et toi ?On s’est rencontrés aux Antilles il y a six ou sept ans. Puis on s’est revus à Miami, où j’ai enregistré mon album, et il a participé à deux morceaux.

À l’Euro, tu vois la France aller jusqu’où ?J’aimerais qu’on gagne, ou qu’on aille au moins en finale, mais je ne ne veux pas trop m’avancer, parce que je perds de l’argent à chaque fois. Et puis la France gagne souvent à l’arrache, on se souvient du but en or de Trezeguet. C’est pour ça que j’aime le foot français, il est plein de belles histoires, de coups héroïques. On gagne toujours dans la difficulté, dans le combat.

Quel est le joueur dont les Antillais sont le plus fiers, aujourd’hui ?Cela a longtemps été Thierry Henry, qui était l’idole de toutes les générations. Et puis, il y avait Anelka et Thuram, aussi. Maintenant, on a Claudio Beauvue. C’est différent…

En dehors de Rabiot et Kurzawa, il y a d’autres joueurs qui sont fans de ta musique ?Ouais, j’ai passé pas mal de bons moments avec Thuram, et il y a Kingsley Coman, qui fait le fou sur Instagram.