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Benzema, Mbappé, Griezmann : le pays de Galles, le début d’un régal ?
Qui dit match de préparation, dit début des boursicotages sur la future compo de l'équipe de France. Et face aux Gallois, pour cette première répétition avant l'Euro, serait annoncé un système en 4-4-2 losange, avec une pointe haute nommée Griezmann, censée alimenter Mbappé et Benzema. Une association faite pour les grands gourmands et dont on aurait tort de se priver.
Quelle drôle de manière d’entamer un nouveau chapitre pour Rob Page. Remplaçant au pied levé la légende Ryan Giggs (rattrapé par des accusations de violence envers deux femmes), l’intérimaire gallois a pu mesurer la montagne qui l’attendait pour sa première sur la banc des Dragons. À onze jours de leur entrée en compétition face à la Suisse, c’est à la France championne du monde que ses joueurs se mesureront en guise d’échauffement. « Ils ont une bonne petite équipe. En fait, ils pourraient en aligner trois qui seraient compétitives à l’Euro, rigole l’ex-coach de Port Vale en se frottant le crâne. C’est surtout un bon match pour préparer : nous n’aurons pas beaucoup le ballon, on va subir un gros pressing. On pourra tirer des leçons de cette rencontre. » Pour accomplir cette mission à Nice, il n’y aura évidemment aucune armée rouge présente sur la Promenade des Anglais — qui porte mal son nom en ce jour — pour se chauffer le gosier, ni dans les travées de l’Allianz Riviera pour pousser les coéquipiers de Gareth Bale, comme ils avaient pu le faire admirablement jusqu’au dernier carré du dernier Euro.
De toute façon, mardi soir, même les locaux semblaient être bien loin de l’effervescence dans laquelle baigne traditionnellement une ville de région accueillant les Bleus (ce qui n’était plus arrivé depuis le 2 juin 2019 et la réception de la Bolivie à Nantes). Et lorsque les restaurants de la rue de France plient terrasse sur les coups de 21 heures, personne ne se soucie du festin qui pourra être servi le lendemain. À part peut-être ce monsieur, avalant rapidement sa pizza avec un maillot floqué Mbappé sur le dos. Car en découvrant que Deschamps a mis dans l’assiette une association inédite entre Karim Benzema, Kylian Mbappé et Antoine Griezmann, les Niçois pourront dire qu’un trio magique est né chez eux. Qu’importe que ces trois mousquetaires soient accompagnés d’un quatrième offensif (Dembélé ou Coman) ou soutenu par un trident de milieux (Rabiot, Pogba et Tolisso). Rob Page, lui, tient les comptes : « Ce sont trois des quinze meilleurs attaquants du monde. » C’est dit.
BMG Entertainment
Si ces périodes de rodage sont excitantes, c’est justement parce qu’elles ouvrent le champ des possibles. Le futur nous le dira, les résultats le confirmeront, mais ce boys band composé de Kyky (le meilleur joueur français de l’année), Toinou (le meilleur joueur de l’équipe de France de la dernière décennie) et Rim-K (le meilleur joueur français en activité tout court) a de quoi électriser les foules et les défenses adverses. Au Parisien la profondeur, au Barcelonais la baguette et au Madrilène les déplacements entre les lignes. La BMG est là, à portée de main. Alors avant d’analyser les statistiques, les heat maps, les passes échangées et les tirs cadrés, réjouissons-nous rien qu’un instant de cette perspective, à la manière d’un gamin qui trépigne au moment de déballer son cadeau de Noël… avant que les pragmatiques Didier Deschamps et Hugo Lloris ne ramènent tout le monde sur Terre. Logique, quand on connaît les personnages. Pour eux, braquer les projecteurs sur trois individualités va à l’encontre de leur sacro-saint collectif. « Ah donc pour vous, il n’y a que les trois ? Et le reste alors ? s’interroge le grand chef en taquinant les journalistes. La qualité, ils l’ont, mais ça dépendra aussi de l’apport de nos milieux et de nos latéraux. Tout cela est lié. »
Évidemment, dans le fond, le Basque a entièrement raison. Rien ne dit que ce Big Three se trouvera les yeux fermés dès les premières minutes. D’ailleurs, on se souvient encore des espoirs déchus à la suite de l’accumulation des trois meilleurs buteurs d’Angleterre (Henry), d’Italie (Trezeguet) et de France (Cissé) pour le Mondial 2002. Du haut de sa grande expérience et de son attachement pour les faits — Didier Deschamps adore se justifier actuellement par ce qui est « factuel » —, le boss des Bleus demande surtout du temps pour accorder ses violons. « J’ai des joueurs intelligent et ça accélère les choses, mais pour arriver à des automatismes, ça ne se fait pas en claquant des doigts, prévient-il. Je suis convaincu que le talent et la créativité ne suffisent pas pour gagner des matchs. » Son fidèle et inflexible capitaine, qui portera ce mercredi le brassard pour la 100e fois, ne dit pas le contraire et met l’accent sur le match à venir. « Vous êtes davantage focalisés sur l’animation offensive que nous. On va surtout penser à l’équilibre de notre équipe, douche avec flegme Lloris. C’est important qu’un maximum de joueurs aient du temps de jeu demain pour retrouver des jambes et des repères. On va avancer ensemble en tant qu’équipe, et ça commence par faire un beau match face au pays de Galles. » Ces rabat-joie.
Un triangle isocèle
Ce match, justement, sera l’occasion de fermer une parenthèse trop longtemps ouverte. Car dans ce triangle fantasmé, un point s’est fait désirer avant d’être posé. Et c’est bien celui du revenant Karim Benzema. Lui qui avait quitté les Bleus un soir d’octobre 2015, avec un doublé contre l’Arménie, se remettra en selle dans le même stade, dans la même ville. Hugo Lloris était déjà dans les cages il y a cinq ans et demi. Et pour lui, la « réintégration » du Madrilène s’est faite « naturellement ». Et au moment où l’attaquant s’apprête à boucler la boucle, le portier se prête au jeu des sept différences. « Forcément, il a évolué. Dernièrement, on l’a vu porter régulièrement le brassard de capitaine au Real. Ça montre son leadership et qu’il accepte ces responsabilités-là. Mais on ne peut pas lui demander au bout d’une semaine de faire la même chose en équipe de France, freine-t-il. Il a cette aura naturelle sur le terrain qui va aider l’équipe et les joueurs autour de lui.[…]Mais l’équipe ne doit pas tourner uniquement autour de Karim. » Du donnant-donnant, c’est bien ce qu’a remarqué KB19 lors de sa première semaine de stage. « Je sais m’adapter et je joue avec des joueurs tellement talentueux qu’ils peuvent aussi s’adapter à n’importe quelle situation », observait-il dimanche dernier. Alors, au moins pour un jour, rêvons d’étincelles, avant que celles-ci soient soumises à l’intransigeance de la compétition.
Par Mathieu Rollinger, à Nice
Tous propos recueillis par MR.