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Benzema, le leadership pour les nuls
Le nom de Karim Benzema est devenu la définition madrilène du mot « paradoxe ». Décisif et précieux, le Français est confronté à la dure exigence du Santiago Bernabéu. Depuis le départ de son concurrent Higuaín, plus rien ne lui est pardonné.
Le Real Madrid a connu une soirée dominicale des plus tranquilles. Malgré une ouverture du score précoce de Getafe, le fanion merengue a facilement retourné la vapeur. Résultat des courses, une victoire 4-1. Cerise sur le gâteau, Cristiano Ronaldo, avec un énième doublé, est devenu le cinquième meilleur buteur de l’histoire du Real Madrid à la barbe d’Hugo Sánchez. À contre-courant, Karim Benzema a peiné. Maladroit et malchanceux, il a, crescendo, reçu les foudres d’un Santiago Bernabéu impatient. Impatient de voir la meilleure version de sa pointe. Pas vraiment tête de Turc, ces sifflets sont un mélange d’encouragement et d’exaspération. Une traduction appuyée par l’ovation qui lui a été offerte lors de sa sortie à la 79e minute. Car besogneux, il n’a, cette fois, pas rechigné à aller au charbon. Bref, cette partition est à l’image du double visage qu’il affiche au Real Madrid depuis son arrivée à l’été 2009. Une schizophrénie latente où efficacité et labeur ne se jumellent que rarement. Et dont il aurait bon goût de se débarrasser rapidement. Buyo : « Comme s’il était effacé » Les critiques par rapport à ses performances ne datent pas d’hier. Que ce soit en bleu ou en blanc, Karim Benzema est inévitablement au centre de l’attention. Car le bougre est fort, très fort. Techniquement, il peut faire la diff’ sur un simple éclair individuel. Sa palette est très large : du geste technique à la passe lumineuse… Dans le jeu, même topo. Loin des renards de surface, son profil est plus varié. Lui préfère dézoner, ouvrir des boulevards à Cristiano Ronaldo. En soit, participer au jeu. En des termes plus arithmétiques, il a déjà claqué 91 buts en 187 matchs sous la liquette madrilène. Son ratio, de 0,49 but/match, est même meilleur que celui de Gonzalo Higuaín, feu son concurrent – 121 buts en 264 matchs, soit 0,46 but/match. Alors, que reproche vraiment le Santiago Bernabéu à Karim Benzema ? « Karim peut donner l’impression qu’il est effacé. Et c’est tout ce que ne veut pas le Bernabéu. Il devrait être un peu plus agressif. Car ce n’est pas son talent ni sa qualité qui porte à débat, mais son attitude nonchalante » , éclaire Paco Buyo, ancien portier merengue de 1986 à 1997. Ce supposé manque d’investissement prend d’autant plus d’épaisseur depuis cet été. Gonzalo Higuaín parti vers d’autres cieux, et aucune arrivée sur le front de l’attaque, Benzema est assuré d’être titulaire du Real Madrid. Un statut de numero uno qui ne laisse plus aucune place au piétinement. Il faut du résultat et de l’implication. Alors qu’un rapport de l’ère Mourinho a révélé que le Français est meilleur sans concurrence, Ramon Fernandez, membre de la peña La Coma, contredit cette thèse : « Le départ d’Higuaín lui a peut-être fait du mal. Actuellement, Benzema est le titulaire indiscutable, alors qu’avec Pipita, il devait se battre pour cela. Avec Morata comme seul concurrent, il peut bien jouer ou non, et être titulaire lors du prochain match. Avec le caractère qu’il a, ce n’est pas une bonne chose pour lui. » Álvaro Morata, justement, dont une partie du public scande occasionnellement le nom (surtout les Ultras Sur). Outre le fait d’être un pur produit de la Fabrica, l’international espoir de la Roja compense un talent moindre par une pugnacité de tous les instants. Et à ce petit jeu, Karim Benzema souffre de la comparaison. Vazquez : « L’aide de Zidane » Selon Rafael Martín Vázquez, membre éminent de la Quinta del Buitre, « il n’y a pas de doute sur le fait que Karim soit un grand joueur, mais il peut donner beaucoup plus. Je pense que pour cela, Zinedine Zidane peut l’orienter, l’aider. Ce dont il a besoin, c’est qu’on l’aiguillonne. » Pour ce faire, le Real Madrid ne devrait pas recruter d’attaquant supplémentaire dès janvier. Mais dans un club où la pression et les résultats dictent la loi, il n’y a aucune place pour des promesses de bonne volonté. Karim se doit de marquer. Beaucoup. Et de se battre sur chaque ballon. Tout le temps. Symbole de cette incompréhension, le début de saison du Français est fichtrement bon. Avec quatre buts et deux passes décisives, la pointe des Bleus est décisive. Mieux, dans un système que Carlo Ancelotti veut avec de la possession, la technique et l’agilité du Français ne sont pas vaines. Un Mister qui encourage d’ailleurs son attaquant – « Pour un attaquant, c’est important de marquer des buts, mais le travail de Benzema me plaît » – après l’avoir mis en garde : « Le travail est applaudi. » Reste désormais à Karim Benzema à forcer sa nature et faire deux choses à la fois. Quoi de mieux qu’un derby de Madrid pour cela ?
Par Robin Delorme, à Madrid