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- 16e journée
- Real Madrid/FC Séville
Benzema donne le la
Caution technique en compagnie d'Isco et James, refuge tactique de Carlo Ancelotti, garantie d'au moins un double-double par saison, Karim Benzema est l'un des hommes clés des succès merengues. Un statut qui doit beaucoup à Carlo Ancelotti, un coach amoureux du Français.
Les talk-shows espagnols en sont friands : le Madrilène Gareth Bale et le Barcelonais Luis Suárez, hommes aux transferts records, sont-ils des ratés ? « À 100 millions d’euros le joueur, on peut exiger des buts » , ou encore « son intégration est un échec » sont bien souvent les arguments béton avancés. Ces experts, et leurs expertises, auraient même pu se farcir les deux hommes sous la même liquette, celle du Real Madrid. D’après une source proche du club, « fin mai, tout le Real était disposé à boucler le dossier Suárez quand Florentino Pérez et le directeur général, José Angel Sánchez, sont allés soumettre la proposition à Carlo Ancelotti. L’entraîneur a désapprouvé l’opération sans le moindre doute. Son argument était catégorique : Suárez répond au même profil que Bale, et Bale, pour sa part, reproduit le même modèle que Cristiano. » Comprenez par là : Karim Benzema est le meilleur partenaire pour les anciens de Tottenham et de Manchester United. Le recrutement de Chicharito suffira donc. En ce mois de janvier, il fait mieux : il est tout simplement le meilleur élément d’un Real Madrid en retard à l’allumage.
Mediapunta, comme Isco et James
Cette relation presque paternaliste qu’entretient Carlo Ancelotti avec Benzema date de son arrivée sur le banc du Santiago-Bernabéu. À peine assis sous sa guérite, l’Italien comprend que l’apport du Français est aussi évident qu’un nez au milieu de la figure. Ce combat n’économise pas à l’Italien de nombreuses déclarations d’amour face-caméra envers le Français. Des justifications médiatiques permanentes contre le diktat des statistiques. Samedi dernier, après son 25e doublé sous la liquette du Real Madrid, Carletto en a encore rajouté une couche : « Le but qu’a marqué Karim est un but de qualité. Il a une frappe fantastique. Il faut le féliciter, pas seulement pour ses buts, mais également parce qu’il aide l’équipe. » L’équipe, justement, et son équilibre sont les chevaux de bataille de l’ancien entraîneur du PSG. Sans ses incessants décrochages au milieu, son apport à la récupération – il gratte plus de deux ballons par match, tandis que le Portugais et le Gallois atteignent péniblement le demi-ballon récupéré par rencontre –, difficile d’imaginer une telle liberté pour ses deux comparses, libres de tout travail défensif dans le 4-4-2 défensif du Real.
Entre Cristiano Ronaldo et Gareth Bale, dévoreurs d’espaces, Benzema est également la caution du fameux mediapunta si cher au football espagnol. Pointe ou meneur de jeu, buteur ou passeur, ce chaînon huile tout le système merengue. Ancelotti dit souvent que sans Karim, Bale et Cristiano ne marqueraient pas autant, ne seraient pas autant connectés avec le reste de l’équipe. Comme si le Real pouvait bien jouer sans Bale ou sans Ronaldo, ou sans les deux, mais ne pouvait pas produire un beau jeu sans Benzema. Plus qu’une nouvelle démonstration de ce constat – Cristiano est suspendu ce mercredi face à Séville –, KB9 prouve une nouvelle fois cette saison qu’il est indispensable au Real. Depuis quelques semaines, son entente avec James et Isco est rayonnante. Plus qu’avec un Di María, ses jeunes coéquipiers distribuent et cajolent. Surtout, ils transpirent le jeu. Et ça, aucun chiffre ne peut aussi bien le prouver qu’un crochet de l’Andalou, un extérieur du Colombien ou un double contact du Français.
Des œuvres d’art blanches
Tout ce travail de sape, cette participation au jeu seraient peine perdue sans des gestes tout aussi décisifs que délicats. Depuis le début de cet exercice, il affiche 15 buts et 12 passes décisives en 31 matchs. Mieux, il s’offre quelques instants en lévitation. Son enroulé dans la lucarne de la Real Sociedad en est gage, son service pour Cristiano Ronaldo face à Getafe également. En s’emmenant le cuir d’une roulette le long de la ligne de corner, Karim s’est mué le temps d’une action en une légende blanche, Emilio Butragueño. « Il y a beaucoup de joueurs, lorsqu’ils arrivent dans la surface, qui veulent être plus rapides et se précipitent. La tranquillité, c’est le pouvoir » , glissera le Buitre après la rencontre. Ce pouvoir, omnipotent chez le Français, ne l’empêchera pas de devoir justifier à chaque coup d’envoi son statut de grand joueur, accessoirement douzième meilleur buteur des 112 ans d’existence du Real Madrid. Ils sont comme ça dans la nébuleuse merengue, ils aiment douter des belles choses.
Par Robin Delorme, à Madrid