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Benzema dit oui au cumul des mandats
Bien qu'orphelin de Cristiano Ronaldo, Karim Benzema assume pour l'instant son rôle de buteur. Et sans renier son jeu.
« Moi, je n’ai transformé personne, Benzema est un immense joueur, il l’a toujours été et il continuera à l’être. Tout le mérite revient à Karim, je ne m’en attribue aucun dans les buts qu’il a marqués ou dans ce qu’il réussit sur le terrain. » Julen Lopetegui le sait, le pouvoir d’un entraîneur est immense, mais il est chaque semaine remis entre les pieds de ses hommes. Si l’influence de l’ancien sélectionneur espagnol est déjà évidente sur le jeu du Real, l’instinct des artistes leur appartient. Encore une fois, malgré ses quatre buts lors des deux derniers matchs, on avait presque fini par croire que Karim Benzema était comme ce membre de l’ombre d’un groupe de musique : d’une aide infiniment précieuse à son leader, mais incapable de lui survivre. C’était oublier que l’artiste altruiste parvient à exister depuis bientôt dix ans au sein du plus grand club au monde.
« Je n’ai pas changé, je suis toujours ce jeune homme étranger qui t’inventait des dimanches… »
Contre une faible équipe de Leganés, l’attaquant français n’a pas eu à forcer son talent pour rappeler à tous qu’il sait tout faire dans les trente derniers mètres. Jonathan Silva a beau avoir essayé de l’emmener dans sa chute, l’ancien Lyonnais est resté les pieds fermement ancrés au sol pour redonner l’avantage aux Merengues de la tête. Comme un symbole fugace de sa longue histoire sous le maillot madrilène : malgré la pression permanente qui pèse sur ses épaules depuis des années, Benzema n’est jamais tombé, grâce à sa tête autant qu’à ses pieds.
Cet été, dans un mercato où personne n’était assez grand ou libre pour combler le vide médiatique laissé par le départ de Ronaldo, l’erreur du numéro 9 aurait été de vouloir marcher dans les pas d’un autre. Mais Benzema continue d’emprunter sa voie, celle d’un joueur qui ne craint pas que le ballon ne revienne pas quand il le lâche, et qui sait déjà quoi en faire s’il revient. C’est ce qui s’est passé sur ce superbe relais avec Luka Modrić à l’entrée de la surface, où le Français a dicté le scénario à son coéquipier par son déplacement et lancé le générique de fin d’une frappe limpide. Le match était fait. Pas besoin de disputer un penalty à son capitaine pour satisfaire l’orgueil. « Je ne suis pas dans une compétition, sinon je serais un autre joueur » , confiait-il à sofoot.com il y a un an. C’est là toute sa grandeur, cette lucidité qui ne le fait pas voyager de la faim à la gourmandise.
Croire en l’homme
Ce dimanche, la presse madrilène s’est évidemment empressée de saluer ce « Matador » qui ne doit soudain rien à personne. Elle l’assassinera avec autant d’allant dès qu’il sera seul comme un 9 qui ne sait plus converser avec les filets. Elle l’a fait tant de fois. C’est la vie d’un homme au sommet, la vie d’un avant-centre du Real Madrid. Aussi enfouies qu’elles puissent l’être, les critiques reviendront de nouveau, car Karim Benzema n’est pas une machine qui en remplace une autre. Juste un formidable joueur de football, qui ne surpasse pas son sport, mais n’a jamais cessé d’être en quête d’harmonie avec celui-ci.
Alors, quand viendront les fausses notes, lorsque les preuves chiffrées se feront plus rares, ce sera plus que jamais l’heure d’y croire. L’heure d’avoir de la mémoire plutôt que de spéculer sur la chute d’un homme qui a su supporter l’exigence d’un club que tant d’autres grands joueurs ont fuie. Samedi soir, dans les couloirs du Santiago-Bernabéu, encore conditionnés par une décennie d’obsessions statistiques, les journalistes s’intéressaient à la capacité ou non de Benzema à devenir le prochain pichichi. Julen Lopetegui n’a pas esquivé, sans accorder beaucoup d’importance au sujet, préférant insister sur le sens collectif, meilleur chemin vers la victoire. Et Karim Benzema est toujours un bon pèlerin.
Par Chris Diamantaire