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« Benzema, c’est le Dark Knight »

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Florian Martinez est auteur de bandes dessinées. Dans son récent Moselle, écrit suite à des échecs face à des éditeurs, avec la rage du perdant, il évoque les difficultés de communication (« Les gens ne parlent pas aux autres, ils se parlent à eux devant les autres »), la Moselle (« La Moselle, c'est un peu le spleen. Il ne faut pas la voir comme un lieu, mais comme quelque chose qui vit dans les gens qui y vivent »), et le football, à travers les vignettes Panini ou le maillot de la Mannschaft…

Ton album s’intitule Moselle, tu es donc fan du FC Metz ? Je ne suis pas de Metz, mais de Thionville et, à vrai dire, je ne suis pas trop un grand fan des Grenats. D’autant plus que, lorsque j’étais petit, avec mon club l’U.S. Guentrange, on jouait souvent contre les équipes issues du centre de formation de Metz et on se prenait des sacrées déculottées (même par l’équipe B, ou E). Mais, je dois reconnaître qu’ils ont quand même la meilleure mascotte qui existe : Le Graoully.

Pourquoi ?Le Graoully est la meilleure mascotte parce qu’il s’agit d’un dragon. Je vois pas d’autres mascottes qui pourraient rivaliser avec un dragon, en tout cas pas Footix ou encore Jules, parce qu’il s’agit de poulets. Plus sérieusement, je trouve que cette idée d’avoir intégré le Graoully (ndlr : qui est notre monstre du Lochness local) à l’équipe de Metz est une idée brillante, ça conjugue histoire et sport. Le Graoully, c’est un peu le supplément d’âme de cette équipe. Je soutiens mentalement l’équipe de Metz qui traverse une mauvaise passe, et c’est d’autant plus triste qu’ils ont rénovés le stade récemment. C’est un véritable coup dur.

Tu serais favorable à un destin à la PSG ou Manchester City ? Avec du fric qatari, voire luxembourgeois ? Si tu étais supporter d’un club dont le destin change uniquement grâce à l’argent, tu le vivrais comment ?Je suis plus pour que le FC Metz s’en sorte de lui-même. Ça me fait penser à la Juventus qui avait été rétrogradée en Serie B. Je me souviens que des grands joueurs comme Trézéguet y étaient restés pour la faire remonter en Serie A et qu’ils y étaient parvenus. C’est beau. J’aime ce genre de destin. Je leur souhaite la même chose. Après c’est sûr, ils ne doivent pas avoir la même force de frappe que la Juve… Peu importe, il faut rester maître de son destin : on est fiers quand on gagne, parce qu’on le doit à nous-même, et quand on perd, c’est pareil, il faut être fier de se dire que ce qu’on a, on ne le doit qu’à soi. Que ça soit la défaite ou la victoire. Après si des Qataris ou des Luxembourgeois viennent et qu’ils nous achètent un Ibrahimović-bis, je ne vais pas cracher dessus. Mais en fin de compte, tout ça me dépasse. Je n’en sais rien. Je ne vais pas faire l’offusqué ou le naïf : le monde du football est une industrie, beaucoup d’argent est en jeu, c’est un fait. Pareil, le monde de l’édition est une industrie, comme pour le foot, on fait d’une passion ou d’un art un produit, et c’est normal malheureusement qu’on aborde la chose de façon économique et que ce genre d’opérations se produisent.

Donc ?Je ne soutiens pas le FC-Metz, mais admettons que j’en sois supporter et qu’il se retrouvait du jour au lendemain financé par les Luxembourgeois, et bien je le soutiendrai toujours. On ne crache par sur ses couleurs. Que ça soit un club ou un pays, on le soutient dans l’adversité, dans ce qu’il a fait de mal ou de bien, on ne se cache pas les yeux pour ce qu’il a fait mal, et on ne porte pas aux nues que ce qui nous arrange.

Et toi, quelles sont tes couleurs ?Mon équipe préférée, c’est celle où joue mon grand frère Xavier : Ormoy Foot, une petite équipe locale d’Étampes. C’est beau de voir des passionnés qui montent leur club, organisent des évènements, tout ça sans trop avoir de moyens, mais en ayant pour seul moteur leur amour pour ce sport. Ça me fait penser au monde d’où je viens : celui de l’édition et plus précisément celui des maisons d’édition indépendantes. Je suis content de voir des gens qui aiment ce qu’ils font et qui ne pensent pas forcément au rendement, ni à la gloire. Ils font ça en quelque sorte pour l’amour de l’art. C’est pourquoi, j’en profite pour saluer mon éditeur (Wandrille Leroy), mes collègues, ainsi que tous les footballeurs amateurs et semi-pros qui doivent aussi pas mal ramer. Sans oublier Karim Benzema. Même s’il n’est pas trop concerné par tout ce que j’ai dit précédemment, je tiens à le saluer quand même.

Et pourquoi donc ?À mon sens, la personne qui incarne le plus la dimension de héros pour moi dans le foot actuel serait Karim Benzema. Pourquoi ? Il quitte Lyon pour Madrid. C’était extrêmement risqué. Les premiers temps, il fait tout le temps banquette, mais il ne se démotive pas. Puis on se moque de lui parce qu’il est gros, alors il perd des kilos, mais malgré tout, il donne un nouveau souffle à la nouvelle équipe de France de Laurent Blanc fin 2010. Sans oublier qu’il est en compétition avec Higuaín au Real. Puis Adebayor. Bon ensuite, Higuaín se blesse et il devient titulaire. Okay. Mais ensuite, il se bat et montre qu’il mérite cette place. Tout ça pour dire que, pour moi, aujourd’hui, c’est ça un héros, c’est une personne qui n’est pas exceptionnelle, mais qui s’accroche, qui veut plus et qui l’obtient au mérite et avec un certain acharnement. Après, sa vie privée, et toutes les frasques qu’il y a pu avoir autour du personnage, ça ne m’intéresse pas, je ne m’intéresse qu’au footballeur. Son parcours au sein du Real est très beau, et je le félicite. Benzema, c’est un peu comme la nouvelle image qu’on a envie de donner aux nouveaux super-héros dans les films : imparfait et sombre… Je pense qu’on peut dire que Benzema, c’est le Dark Knight.

Si les joueurs sont des héros, lequel est ton préféré ?Assurément Georges Weah. C’était un joueur formidable, et l’équipe dans laquelle il évoluait dans les années 90, l’AC Milan, était sans aucun doute la meilleure de son époque. Mais Mister George, c’était avant tout un de mes jouets, à l’époque où Corinthian commercialisait encore les figurines de joueurs de foot. Georges Weah, c’était en quelque sorte mon G.I. Joe, c’est pourquoi j’ai une affection toute particulière pour lui. C’était aussi un des joueurs qui couraient le plus vite dans Sensible Soccer (l’un des seuls à avoir 5 étoiles sur 5, il me semble), alors on gagnait à coup sûr si on choisissait son équipe ! On peut dire que c’était quelqu’un de complet physiquement et virtuellement ! Sans oublier qu’il a failli être président du Libéria. Et ce n’est pas banal. Pas tous les footballeurs peuvent dire qu’ils auraient pu être président de leur pays. Lui le peut. Je plaisante, mais ça apporte beaucoup à son aura, je trouve.

Un vrai héros, en effet… D’ailleurs, on retrouve cette dimension dans ton album, avec cette case où on peut voir deux enfants mosellans s’échanger des vignettes Panini…On s’identifie beaucoup aux joueurs quand on est petit : on collectionne les vignettes Panini, on joue avec eux dans les jeux vidéos, avec leurs répliques en plastique ou on achète leur maillots avec leur nom derrière. Ce sont des héros au même titre que Rambo au cinéma, PJ Harvey en musique. On se fait notre propre mythologie personnelle avec eux, on se les approprie et on devient un peu qui on est aujourd’hui grâce à eux. Le football, c’est plus qu’un sport pour moi, ça a nourri aussi mon imaginaire. En même temps, j’avais pas trop le choix, j’avais une scoliose étant petit et je n’ai pu reprendre le foot qu’en « équipe de moins de 15 ans » . Alors je me contentais de regarder les matchs à la télé, de collectionner les produits dérivés, et je jouais avec les figurines de joueurs avec mes frères Xavier et Alexandre. C’est comme ça aussi que je me suis mis au dessin, à défaut de pouvoir faire du foot. Et c’est marrant, mais grâce aussi à mon dessin et à mon album, La Moselle, j’ai pu rendre hommage à des personnes comme Lama.

Et à la Mannschaft, puisqu’on peut voir ton personnage avec un maillot de l’Allemagne. C’est aussi ça, être mosellan, les malgré nous, etc ?Le maillot de l’Allemagne, c’est plutôt compliqué. Enfin, à l’époque, ça l’était à cause de l’affaire Battiston-Schumacher en 1982. Même si je ne suis pas de cette génération (j’étais même pas né !), ça a laissé des traces ! J’habite à la frontière, alors ça n’arrangeait pas les choses… C’était plutôt mal vu de se balader avec un maillot de la Mannschaft. Moi, je le mettais parce que j’appréciais des joueurs comme Klinsmann ou encore des grands goals comme Kopke ou Kahn, et je me moquais de ce que l’on pouvait dire. C’est vrai, comment on pouvait ne pas avoir envie de se procurer un maillot de foot de la Mannschaft lorsque l’on voyait des arrêts de Kahn !

Propos recueillis par Simon Capelli-Welter

À lire : Moselle, chez Warum

Florian Martinez fait également partie d’un groupe : « Alexandre Martinez » et pour les Mosellans, ils seront aux Trinitaires ce vendredi 29 mars.

Gil Avérous : « Je suis plutôt pro-supporters »

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