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Benzebut, ange ou démon ?
Alors comme ça, pour mieux affronter “la meilleure équipe du monde”, il serait opportun de mettre Karim Benzema “le meilleur joueur français” sur le banc ? Logique pour beaucoup. Ou complètement couillon, c’est selon.
D’abord, il y a les stats. 929 minutes passées sans marquer. 46 frappes tentées sans marquer. 0/46, c’est tout de même bien laid, on dirait les statistiques de Dwight Howard au lancer. Comme le pivot des Los Angeles Lakers, l’avant-centre des Bleus déçoit. D’ailleurs, le public du Stade de France n’a pas manqué de le lui faire savoir, sifflets à l’appui. Malgré la victoire (3-1) et une certaine qualité de jeu, nombreux sont ceux qui réclament sa mise au banc de touche pour le prochain match, la « finale » du groupe I de ces éliminatoires à la Coupe du Monde 2014. Ils ne seraient ainsi que 45%, selon un sondage de l’Equipe, à être enclins à le titulariser contre l’Espagne demain mardi.
Feelings aren’t numbers
Ensuite, il y a les sentiments. Là, ce ne sont plus les chiffres qui parlent, mais le cœur. Et dans celui de pas mal de Français, Karim n’y est plus vraiment. Pas forcément, et heureusement, à cause de ses sombres histoires de Marseillaise chantée, ou non. Pas forcément non plus, alors que c’est là un sujet bien plus important, à cause de son mauvais goût capillaire. Mais bien parce que Benzema ne marque plus. Or, quand un attaquant ne marque plus, il ne séduit plus. Malgré tout le reste de son apport dans le jeu, malgré les résultats positifs des siens, malgré son influence. Ou comme le dit Yohan Cabaye : « Le poste d’attaquant est assez ingrat. Dès que tu ne marques pas, que tu as des occasions mais que tu ne les mets pas, le public commence à te prendre en grippe » . Nicolas Anelka peut en témoigner ; le mal-aimé préféré des Français en connait un bon bout sur le sujet.
Car que reproche-t-on vraiment à Benzema ? De dézoner ? De venir participer au jeu ? Pour un pays qui a toujours préféré Thierry Henry à David Trezeguet, c’est tout de même fort de café. Contre la Géorgie, Rim-K a en effet évolué dans un rôle de neuf et demi plus proche du dix que du neuf. Pour un résultat personnel certes un peu décevant (même si, en dehors de ses face-à-face bien ratés, il s’est montré plutôt à l’aise dans le jeu, forcément) mais un résultat collectif probant. Alors quoi ? Alors ça ne suffit bien évidemment pas, ça ne suffira jamais. Être catalogué comme « le meilleur joueur français » est à la fois un honneur et un fardeau. Benzema doit chanter, bien jouer, éclairer et marquer. Un peu comme celui de gardien, le poste d’avant-centre va de pair avec une solitude (et une exigence) inhérente au poste. Un destin forcément individuel dans un environnement collectif, et plus encore lorsqu’on est titulaire d’un des rares clubs à pouvoir être désignés comme le plus plus grand du monde : le Real Madrid. Encore une fois, il s’agit d’un honneur et d’un fardeau. Quand il marque sous la tunique merengue, l’avant-centre du Real est forcément vu comme le meilleur au monde. Qu’il ne marque plus, il sera alors vu comme fini. Tout juste bon pour l’Atlético.
Henry ou Trezeguet ?
Karim Benzema est donc condamné à réussir, à ne connaître aucun coup de mou. Pour demeurer indiscutable au poste d’avant-centre, il doit marquer. Point barre. Preuve en est : la facilité avec laquelle il l’est, discuté, quand il ne marque plus. Preuve en est : la facilité avec laquelle il est loué et catalogué « meilleur joueur français » quand il marque. La France reste quand même, dans cette course au Brésil, sur des résultats probants (1-0 en Finlande, 3-1 face aux Biélorusses, 1-1 en Espagne et donc 3-1 sur les Géorgiens). Tous acquis avec Benzema titulaire. Que ce soit en pointe du 433 (à Helsinki ou à Madrid), en soutien de Giroud, à droite du 433, comme face à la Biélorussie, ou associé en attaque avec lui dans un 442 façon Paris d’Ancelotti. La solution, d’ailleurs, pour que ne soit plus critiqué la bête, se situe peut-être là. Si un avant-centre est condamné à marquer pour ne pas être critiqué, il suffit peut-être de faire jouer celui qui aime à se faire appeler « Le bananier » dans un rôle d’attaquant de soutien. Son vrai poste d’après un ancien sélectionneur français, Gérard Houllier. Nul doute que Benzebut s’y fera à un plaisir d’y prouver toute son inutilité…
Par Simon Capelli-Welter