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Benoît Saint-Denis : « Philipp Lahm, c’était un teigneux »

Propos recueillis par Emmanuel Hoarau
9 minutes

Entré dans le top 15 de l’UFC le 11 novembre dernier après sa victoire contre Matt Frevola, Benoît Saint-Denis sait aussi sortir de sa cage pour soutenir les Sang et Or ou parler de la nouvelle médiatisation de son sport. Sans oublier de taper du poing sur la table.

Benoît Saint-Denis : « Philipp Lahm, c’était un teigneux »

Comment te sens-tu depuis ta victoire contre Frevola ?

Excellemment bien ! Je n’ai repris l’entraînement sérieusement que cette semaine*. Il nous faut une grosse préparation physique : cela nécessite de nombreuses séances de travail où l’on va reconstruire le corps et le rendre prêt pour le prochain défi. Ce qui est cool, c’est que l’on a pu profiter de quelques semaines de vacances, ma femme, notre enfant et moi, et ce, malgré de nombreuses sollicitations qui ont pu donner quelques maux de tête !

Tu parlais de reconstruction du corps… Qu’est-ce que cela implique ?

Ça inclut la perte de poids et la récupération des dégâts causés par un enchaînement de trois combats en quelques mois… La clé de tout cela, c’est la périodisation. On marche un peu comme un footballeur pro qui va prioriser certaines périodes de la saison à sa préparation physique et d’autres à sa technique. Quand un combattant s’approche d’un combat, il va privilégier les entraînements techniques. Dans une période hors combat, on priorise la récupération et la préparation physique pour la charge de travail qui va arriver par la suite.

Comment vit-on avec ce nouveau statut de combattant du top 15 mondial ?

À vrai dire, c’est un peu troublant. D’un côté, il y a les très bons côtés du soutien et de l’engagement du public dans notre aventure : de plus en plus de gens se mettent à suivre ma carrière, et j’en suis très heureux. De l’autre, j’ai les problématiques d’emploi du temps qui vont avec, et c’est un peu compliqué à gérer parfois.

Qu’est-ce que ton passé militaire t’apporte dans l’approche de tes combats ?

Discipline et rigueur. Il me permet de m’imposer un rythme dans la gestion de mes activités, mais également de la fatigue, ce qui est extrêmement important pour un combattant. Je pense également qu’il me permet de monter une équipe compétente pour m’accompagner et devenir un meilleur combattant chaque jour.

Tu as déclaré récemment que tu supportais le RC Lens du fait de tes années passées dans le Nord à l’adolescence, alors que tu as été amené à déménager très souvent du fait de la carrière militaire de ton père. Comment s’est construite ta passion pour les Sang et Or ?

C’est vrai que dans ma jeunesse, dès que je commençais à m’attacher à un club, on partait et j’avais tendance à passer à autre chose. Mais mes dernières années au lycée, je les ai passées à Lille, et ça m’a permis de beaucoup m’attacher au LOSC et au RC Lens. C’est un peu bizarre au vu de la rivalité, mais ce sont deux clubs dont j’apprécie énormément la ferveur qu’il y a autour. J’ai des potes lensois et lillois, donc à chaque fois, c’est un peu notre match à nous, et on se marre bien ensemble !

Voir qu’un club avec un climat familial et chaleureux comme Lens peut performer en Europe, ça me parle parce que j’y vois des similitudes avec ce qu’on essaie de créer en MMA avec notre staff.

Benoît Saint-Denis

As-tu suivi le parcours européen de Lens cette année ?

Évidemment ! Le parcours est incroyable, mais c’est tellement dommage qu’il ait été trop en dents de scie pour viser la qualification en Ligue des champions… Ce qu’on aime dans tout ça, c’est de voir qu’un club avec un climat familial et chaleureux comme celui-ci peut performer en Europe. Ça me parle parce que j’y vois des similitudes avec ce qu’on essaie de créer en MMA avec notre staff, à Bayonne, malgré sa petite taille.

Y a-t-il aussi des joueurs dont l’attitude sur le terrain te parle vis-à-vis de ta pratique des sports de combat ?

Moi, j’aime beaucoup les latéraux et milieux de terrain. Ils ont un travail de chien à réaliser sur le terrain : savoir bien défendre et attaquer. Là tout de suite, je pense à Theo Hernandez qui fait ce travail-là en équipe de France… Les mecs qui durent dans le temps aussi. Zidane, Giroud… Zidane, c’était mon idole quand j’étais gamin : c’est l’incarnation même de l’élégance et de l’intelligence de jeu. Il me rappelle la Coupe du monde 2006 qui est celle que j’ai le plus kiffée. J’étais gamin et j’ai suivi l’épopée jusqu’en finale. Ce sont de sacrés souvenirs.

L’aspect tactique a-t-il autant d’importance dans la cage que sur un terrain ?

Un peu comme au football, il y a deux philosophies. Parfois, et ça peut paraître idiot, le combattant privilégie le mode furia : taper dans tous les sens et essayer de faire tomber l’adversaire. Mais dans d’autres cas, il y a clairement un aspect tactique. Déjà, il y a l’analyse vidéo : j’affronte des gens qui ont tous au moins une vingtaine de combats derrière eux. Quand tu analyses, tu te rends compte qu’il y a une certaine répétition dans la manière de combattre de l’adversaire, et cela te permet de déceler ses points forts et faibles pour travailler dessus. En plus, la tactique est vraiment importante, car plus le combat est long, plus tu dois agir de manière réfléchie.

Comment, quand on est dans l’octogone depuis 12 minutes, peut-on penser à appliquer une tactique donnée alors que l’on souffre physiquement et mentalement ?

Le secret, c’est de l’avoir préparé à l’entraînement ! Quand on s’est entraîné à la mettre en place, cela vient tout seul. Je pense d’ailleurs que c’est ce qui fait la différence ! En football, par exemple, l’écart entre les petites et les grandes équipes va se faire sur la manière qu’elles auront d’appliquer les principes travaillés à l’entraînement, dans un climat de pression. C’est le même principe en MMA. Même quand c’est dur et que tu as mal, tu dois te battre pour rester dans le schéma que tu as préparé en amont et, ainsi, maîtriser le combat.

Belle reprise de volée. (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport)
Belle reprise de volée. (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport)

Quel joueur incarnerait le combattant idéal pour toi ?

Ahah ! C’est difficile, car chaque poste a ses caractéristiques propres. (Il réfléchit. Sa femme Laura répond : « Kylian ».) Oui, c’est vrai que Kylian pourrait correspondre… (Il s’arrête et réfléchit à nouveau.) En fait, c’est une question très difficile, car j’ai énormément de joueurs qui me viennent en tête… Bon, je pense que je vais dire Philipp Lahm parce que c’était un teigneux. C’était un gars, tu te disais : « Putain, comment peut-il assumer ses responsabilités comme ça ? » Dans ses meilleures années, il se battait comme un chien. Kanté aussi ! Le mec est gentil, mais derrière, c’est un charbonneur qui en veut énormément.

Cédric Doumbé nous parlait de Zlatan Ibrahimović…

Oui, parce que Zlatan ressemble énormément à son personnage. Lui est allé dans la direction de ce qu’il fait en dehors du foot. Cédric Doumbé joue beaucoup sur ça et son personnage de « je suis le meilleur  » – il a raison, il ne faut pas douter de ses capacités –, et Zlatan a le même profil. Tous les combattants qui aspirent à devenir champions pensent avec cette mentalité, sinon tu n’as rien à faire à ce niveau.

Les médias aiment toujours mettre les sportifs dans des cases selon leurs origines, leur passif ou les valeurs qu’ils cherchent à incarner.

Benoît Saint-Denis

Tu évoquais Kylian Mbappé, qui pense être un porte-parole des sans-voix ou être un exemple pour les jeunes. De ton côté, après ta victoire en novembre, tu as dû intervenir dans la presse à la suite de l’instrumentalisation par l’extrême droite de ton succès. Est-ce que les sportifs de haut niveau doivent s’engager politiquement ?

Non, à mes yeux, un sportif doit rester apolitique. Les médias aiment toujours mettre les sportifs dans des cases selon leurs origines, leur passif ou les valeurs qu’ils cherchent à incarner. Dans mon cas, je suis intervenu auprès de Libération non pas pour faire de la politique, mais pour dénoncer l’instrumentalisation illégale de mon image par le groupe Argos. Imagine, je sors de ma victoire, je n’ai pas dormi de la nuit et le matin, je dois répondre à ce genre de polémiques, alors que les médias devraient couvrir la performance de leur athlète français.

Au début de ta réponse, tu parlais de cases. Quelle serait la tienne ?

Je fais ce sport, car quand j’étais jeune, de nombreux films créaient l’image d’un champion du peuple. Moi, j’aspire à être inspirant et à faire rêver les Français quelles que soient leurs origines ou leur religion. J’essaie pour cela de prendre une philosophie de vie de guerrier qui travaille énormément pour atteindre ses objectifs. Voilà donc ma case !

Est-ce que la médiatisation de plus en plus forte du MMA en France, autour de ta personne, Cyril Gane ou Cédric Doumbé, apporte une pression supplémentaire ?

Non, au contraire, c’est bien parce qu’il y a quelques années, il y avait peu de médiatisation autour du MMA. Maintenant, cela fait un peu beaucoup, mais personne ne peut s’en plaindre. Par exemple, je vois qu’il y a de plus en plus d’athlètes qui arrivent à vivre de leur sport, et c’est bien, car il y a dix ans, ça ne concernait aucun Français !

Avant ton combat contre Frevola, tu as déclaré que « celui qui (te) ferait tomber n’est pas encore né ». Quelle place possède le trashtalking dans la communication d’un combattant ?

Ce qui est important, c’est d’être confiant. Pour certains combattants, le trashtalking, c’est important, car ils jouent un personnage qu’ils ne sont pas. Nous, on n’essaie pas de le faire : on cherche à renforcer les traits de caractère de mon personnage naturel. Certains essaient de monter un personnage de toutes pièces pour vendre un combat, car le MMA reste un sport business. Pour être regardé, il faut que les gens aient envie de vous voir ! Dans ce style-là, je pense à des combattants comme Covington, que tout le monde veut voir, car il est vachement clivant. Quand tu es combattant de MMA, il faut soit être le méchant, soit être le gentil, mais surtout avoir une personnalité forte. Les compétences sportives restent pour moi le plus important, car, sans elle, tu ne peux pas gagner le combat, mais l’aspect business donne énormément d’importance au personnage. C’est encore plus fort qu’au foot, où dans une équipe, tu n’as besoin que d’un capitaine et peut-être d’un ou deux autres joueurs charismatiques, car les compétences sportives suffisent.

Après ta victoire contre Frevola, la première chose que tu as faite est de te diriger vers l’ancien champion de ta catégorie, Dustin Poirier, pour le provoquer. A-t-on une chance de voir ce combat lors du prochain UFC en France ?

Ce serait incroyable ! (Rires.) C’est tout ce que je souhaite à ma famille et mon staff ! Aujourd’hui, je pense que l’on peut vraiment commencer à se permettre de rêver ! Ce serait un beau combat. On va attendre. Je pense que les matchmakers de l’UFC font leur travail et on espère avoir une annonce bientôt avec quelque chose d’excitant pour tout le monde…

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Propos recueillis par Emmanuel Hoarau

* Interview réalisée le 15 décembre.

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