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Benoît Payan : « Si McCourt ne tient pas ses promesses, il finira avec du goudron et des plumes »
La crise à l’Olympique de Marseille a mobilisé tous les acteurs de la ville. Maire de Marseille depuis le 15 décembre 2020, Benoît Payan est monté en première ligne pour soutenir les groupes de supporters et demander des explications à Frank McCourt, propriétaire américain du club. À quatre mois des élections départementales et régionales, il faut croire que le foot est devenu une question éminemment politique. Depuis son bureau face au bassin du Vieux-Port, l’élu marseillais nous livre ses impressions et annonce son intention de marquer à la culotte le milliardaire de Boston pour qu’il tienne ses engagements.
Avez-vous été rassuré par la visite de Frank McCourt à Marseille ?Oui, j’ai été rassuré. C’était vraiment le moment pour qu’il vienne et qu’il prenne des décisions pour éteindre l’incendie. En tant qu’actionnaire et en tant que propriétaire de l’OM, il fallait arrêter l’hémorragie et l’incendie allumé quelques semaines plus tôt. Le feu couvait depuis trop longtemps déjà. Il a nommé Pablo Longoria à la tête du club, il a annulé les mises en demeure adressées aux groupes de supporters, je crois que c’était le minimum pour faire redescendre la pression et que les gens puissent se retrouver autour d’une table. Maintenant, il lui appartient, puisqu’il a réaffirmé sa volonté d’être propriétaire de l’OM, de mettre les moyens pour redéfinir un projet sportif. Il doit le faire avec son staff et avec les supporters.
Vous avez l’impression que les Marseillais sont soulagés par ce dénouement ?Les Marseillais sont comme Saint Thomas, ils ne croient que ce qu’ils voient. Avec la nomination de Pablo Longoria à la tête du club et de Jorge Sampaoli à la tête de l’équipe, il n’y a plus de revolver sur la table, la situation est apaisée. Maintenant, la balle est dans le camp de McCourt pour continuer à avancer des solutions.
Vous vous félicitez de l’arrivée de Jorge Sampaoli ?Il a la grinta et il a un caractère éruptif et volcanique qui peut correspondre à notre ville. On va lui laisser le temps de s’acclimater et on va vite voir ses possibilités, mais je pense qu’il a des atouts pour réussir.
Quand Frank McCourt vous dit qu’il veut gagner la Ligue des champions, comment pouvez-vous y croire une seconde et relayer cette déclaration dans les médias ? Marseille est une ville qui a gagné la C1, et je ne me résous pas à ce que l’on devienne une ville de Ligue 2. Quand on a déjà gagné la Ligue des champions, on doit se fixer des objectifs élevés, et c’est ce que je lui ai demandé. On se doute qu’il ne va pas gagner la C1 dans un an ou deux ans, mais il faut se fixer des ambitions sportives si l’on veut réussir.
Pourquoi ne pas avoir des objectifs plus modestes et réalistes comme le fait de bien figurer en Ligue des champions ? Personne ne peut croire que l’OM va gagner prochainement la Ligue des champions, alors que le PSG ne l’a pas remporté avec plus de 2 milliards d’investissement…C’est vrai que nous ne sommes pas le Paris Saint-Germain, mais je ne crois pas que le football soit une addition d’investissements ni une science exacte. Frank McCourt sait qu’il doit investir beaucoup d’argent pour répondre à l’objectif qu’il s’est fixé. Et il m’a vraiment dit qu’il était venu pour gagner la Ligue des champions. Après, je ne m’immiscerai pas davantage dans la politique sportive du club.
Pourtant, vous avez soutenu matériellement la conférence de presse des groupes de supporters lorsqu’ils ont adressé un ultimatum à Frank McCourt et demandé le départ de Jacques-Henri Eyraud…J’avais demandé à Jacques-Henri Eyraud de ne pas envoyer les mises en demeure aux groupes de supporters et je lui avais demandé de calmer le jeu. Quand il l’a fait, je lui ai demandé de les retirer. Vous savez, l’Olympique de Marseille dépasse largement le cadre du football. Cette ville a une relation particulière avec son club et je ne pouvais pas accepter qu’un président de l’OM puisse désigner l’intégralité des supporters comme des casseurs et les jeter à la vindicte populaire. Je ne pouvais pas accepter non plus qu’il décide en claquant des doigts ce que devait être le supportérisme à Marseille. Ce qu’il a fait était très maladroit. Le propriétaire du club a décidé de nommer Pablo Longoria président du club, je lui souhaite bonne chance. Maintenant, il faut qu’ils se mettent au travail et qu’ils se retroussent les manches.
Le nom du prince saoudien Al-Walid ben Talal revient régulièrement dans les rumeurs autour de la vente de l’OM. Est-ce que vous avez déjà été en contact avec lui ou son entourage ?Je ne sais même pas s’il sait que j’existe. Moi en tout cas, j’ignorais son existence jusqu’à ce que vous m’en parliez. (Rires.)
Vous n’avez jamais été sondé par un potentiel repreneur du club depuis que vous avez été élu à la mairie de Marseille ?Non, jamais. Je crois que tout cela, c’est de la mythologie.
Vous avez dit que vous étiez prêt à vendre le stade Vélodrome sous conditions, mais Frank McCourt a indiqué qu’il n’était pas intéressé et qu’il était satisfait des conditions actuelles puisqu’il en a la gestion exclusive.Eh ouais, mais il va devoir discuter avec moi, et on va discuter serré. Car actuellement, ce sont les Marseillais qui passent à la caisse, et ça ne me convient pas. Évidemment que pour Frank McCourt, la convention actuelle est formidable, ils ont le beurre et l’argent du beurre, mais ça, avec moi, ça ne marche plus. Je veux revoir tout cela très prochainement.
La presse a prêté à Frank McCourt un intérêt immobilier autour de l’OM avec l’acquisition du parc Chanot. Est-ce que vous seriez prêt à des concessions sur ce terrain-là ?Je ne transige avec personne, je ne suis pas un marchand de tapis. Soit Frank McCourt est là pour l’Olympique de Marseille, ce que je crois, ou alors il se trompe d’interlocuteur. En tout cas avec moi, il n’a jamais évoqué cette question.
Frank McCourt ne cesse de clamer son amour de l’Olympique de Marseille, mais qu’est-ce qui explique qu’un milliardaire de Boston puisse être autant attaché à un club dans lequel il a déjà dépensé plus de 400 millions d’euros pour des résultats contrastés ?Il faut lui poser la question, je ne suis pas le biographe de Frank McCourt ! En tout cas, il m’a parlé avec beaucoup de franchise, mais vous savez il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. Il m’a fait plein de belles déclarations sur l’OM, maintenant j’attends des actes. Devant moi, il s’est engagé à être plus présent. Ce n’est pas possible qu’il soit propriétaire du club et aussi peu souvent à Marseille. Il doit rencontrer régulièrement les supporters, les dirigeants et les joueurs. Je lui ai demandé de venir plusieurs fois par an pour sentir la ville, sinon ça ne marchera pas.
Vous pensez vraiment que Frank McCourt peut aider l’OM à renouer avec son histoire glorieuse ?Je l’espère pour lui ou alors c’est à se demander ce qu’il fait là. Il ne peut pas raconter qu’il ne vend pas le club, qu’il est attaché à la ville, qu’il a envie que ce club réussisse sans investir. Si Frank McCourt ne tient pas ses promesses, il finira avec du goudron et des plumes !
Propos recueillis par David Doucet
Retrouvez la dernière interview de l'ex-président de l'OM, Jacques-Henri Eyraud, dans le #184 de So Foot. En kiosque vendredi.