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Benjamin Marquet : « Tout le monde est égal face à la passion »

Propos recueillis par Mathias Edwards
Benjamin Marquet : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Tout le monde est égal face à la passion<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il aura fallu un an et demi d'immersion totale parmi les supporters du Standard de Liège, pour permettre à Benjamin Marquet de s'imprégner de l'âme des Rouches. Et en tirer STANDARD, un documentaire qui sent bon le houblon et la frite, mais aussi, et surtout, les larmes et le fumigène.

Comment vous est venue l’idée de réaliser un long-métrage sur les supporters du Standard de Liège ?

Au début, l’idée était de faire un film sur Roger Claessen, l’attaquant mythique du Standard des années 60. Puis finalement, en se rendant à Liège, on s’est rendu compte que le club en lui-même était assez particulier, et qu’il y avait matière à raconter de belles histoires.

Les supporters du Standard ont mis combien de temps avant d’accepter d’être filmés ?

Cela dépend lesquels. C’est allé très vite avec Nadine, la supportrice qui vient de Bruxelles pour assister à chaque match du Standard. Francis, qui a chez lui un musée sur le club, a également tout de suite été ouvert à la relation. Par contre, le processus a été beaucoup plus long avec les ultras. Ils m’aimaient bien en tant que personne, mais ils prennent toutes les décisions à l’unanimité, et il y avait toujours quelques figures importantes du groupe qui bloquaient. Ils posaient leurs conditions, ils ne voulaient pas que leurs visages soient trop mis en avant. Par exemple, la séquence qui les montre en train de chanter en tribune a été tournée pendant le montage. Il a fallu que je leur montre les premières images pour qu’ils réalisent qu’il fallait qu’ils soient dans le film.

Cela a dû leur faire plaisir que vous filmiez la préparation d’un tifo…

Tout à fait. Ils étaient contents que cet aspect de leur activité soit valorisé, parce que c’est généralement occulté par les médias traditionnels, qui mettent l’accent sur le négatif. Ce qu’ils ont apprécié en général, c’est que le film insiste sur des histoires humaines, qui sont leur raison d’être. Ça, c’était une vraie découverte, pour moi. Aujourd’hui, je n’ai qu’une envie, c’est de retourner au stade avec eux. C’est un incroyable réseau d’amitié, de solidarité et de responsabilité.

L’aspect parfois violent des ultras est à peine sous-entendu. C’est un parti pris ?

Oui, mais en même temps, les mecs de Liège ne sont pas les plus vénères. Ils sont un peu excités, surtout lors des déplacements européens, mais sans plus. C’est plus de la représentation que de la vraie violence. Leur volonté première, c’est de se retrouver entre potes. Après, il y a de la masculinité, un phénomène de groupe qui fait qu’ils ont envie de « montrer leurs couilles » . Mais c’est pas le genre à attraper une batte de base-ball pour fracasser un mec de l’autre bord.
80% des gens qui vont à Sclessin (le stade du Standard) le font parce qu’ils ont vécu un moment privilégié dans leur enfance

Le film n’est pas du tout didactique. Il n’explique pas la différence entre les supporters lambda et les ultras…

J’ai voulu traiter tout le monde sur le même plan. D’ailleurs, c’est très bien que dans le film, le discours le plus posé sur le supportérisme soit tenu par un ultra, et que la personne la plus excitée en tribune soit Nadine, qui devient dingue en tribune pendant le Classique contre Anderlecht. Tout le monde est égal face à la passion. C’est le vrai propos du film. 80% des gens qui vont à Sclessin (le stade du Standard, ndlr) le font parce qu’ils ont vécu un moment privilégié dans leur enfance : on les a emmenés au stade, ils ont trouvé ça complètement dingue, et depuis, toutes les deux semaines, ils ont l’occasion de revivre ce moment privilégié de leur enfance. C’est une vraie chance, dont tout le monde ne bénéficie pas. Qu’ils soient chômeurs, professeurs d’université ou ultras, tous les protagonistes du film sont traités à égalité, en partant de ce constat.

Les ultras du Standard se revendiquent de gauche. Vous auriez pu faire le même film avec des mecs de l’autre bord ?

Je ne sais pas si aujourd’hui j’arriverais à filmer des gens, que ce soit autour du foot ou non, avec qui j’ai une vraie différence de raison de vivre. J’ai besoin d’être capable d’empathie avec mes personnages pour les filmer.

Vous vous attendiez à ce que les spectateurs rient autant pendant le film ?

Les gens rigolent beaucoup plus que ce que j’avais imaginé, et je ne sais pas vraiment comment l’expliquer. Je ne m’y attendais, mais cela ne me dérange pas, au final. Je pense que les gens rient comme on peut rire devant Strip-tease, ils se disent que les mecs sont vraiment oufs. Le début du film les conforte dans le cliché qu’ils se font d’un supporter de foot, avant de casser cette idée reçue pour montrer que les fans sont aussi humains que n’importe qui, et que leur passion leur fait raconter des choses très profondes. Après, tout le monde ne rit pas des mêmes choses. Quand j’ai montré le film aux ultras, ils étaient bidonnés devant la séquence du fan qui se fait signer des autographes à la sortie de l’entraînement. De même, ils m’ont demandé de leur présenter Nadine, qui assiste à tous les matchs, à domicile comme à l’extérieur, mais qui n’a rien d’une ultra. Ils lui ont dit qu’ils ne comprenaient pas sa manière de supporter, mais qu’ils la respectaient énormément.

L’affiche du film pose la question : « Êtes-vous prêt à changer d’avis sur les supporters ? » . Mission accomplie ?

En écoutant les gens qui sortent des salles de projection, j’ai l’impression que oui. Parce qu’au final, il s’agit de supporters du Standard dans le film, mais les supporters de n’importe quelles autres équipes peuvent s’identifier. Et au-delà de ça, n’importe quelle personne, tout court. Parce que cela se résume à des histoires de potes.
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Propos recueillis par Mathias Edwards

STANDARD est diffusé ce lundi soir, à 20h55 sur Canal+ Sport.

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